Mon compte
    Michel Bussi (Un Avion sans elle) : "Je voulais avoir une petite héroïne qui ne sache pas qui est sa famille"
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    La mini-série événement s'achève ce soir sur M6. Retour sur la genèse du projet avec Michel Bussi, auteur de romans à succès dont l'adaptation est tirée, Delphine Bouix, productrice, et Jean-Mark Rudincki, réalisateur.

    Que pensez-vous de cette adaptation TV ? Est-elle fidèle à votre roman ?

    Michel Bussi, auteur d'Un Avion sans elle : Je suis très content de cette adaptation, c'est à la fois fidèle au roman puisqu'on retrouve les éléments du pitch - le crash d'avion, un bébé, deux identités possibles - et ce que je trouve très bien en tant que romancier c'est que la série prend un parti différent du roman, qui était difficile à adapter de façon littérale. Elle se concentre sur un aspect plus enquête, plus thriller. On retrouve tous les personnages du roman, mais ces personnages vont avoir plus ou moins d'importance : Lily a plus d'importance dans la série que dans le livre. Il y a un parti pris plus policier qui permet de tirer le fil de mon histoire sur des aspects qui n'étaient pas forcément développés, comme la relation entre Marc et Lily par exemple, et sur des aspects de l'enquête, Crédule Grand-Duc, qui est devenu Jacques Monot, a pris moins de place. Il y a une tension qui n'est pas la même; ça montre aussi qu'on peut traiter un roman selon différents points de vue.

    Quand vous aviez présenté la série au festival de Luchon en février dernier, vous avez déclaré avoir "trahi le roman sans le trahir." Que vouliez-vous dire par là ?

    Jean-Marc Rudnicki, scénariste et réalisateur : C'est une trahison d'amour ! En fait, le personnage d'Emily/Lily a été remis au centre du récit. A la lecture, ça nous a semblé évident avec mon co-auteur (Nicolas Durand-Zouky, ndlr), on enquêtait sur son identité, c'était donc elle l'héroïne, et il fallait la remettre au premier plan. C'est ce qui a donné quelque chose de beaucoup plus romanesque que ce à quoi je m'attendais, jusqu'au montage final.

    Aviez-vous connaissance de l'accident du mont Sainte-Odile (survenu en janvier 1992 en Alsace, ndlr) ? Cela vous a-t-il marqué ?

    Michel Bussi : Non, il n'y a pas de lien entre l'accident du Mont Sainte-Odile et le crash d'avion de mon roman, le seul point commun est le lieu isolé en montagne. Je suis parti de la quête d'identité pour imaginer ce roman, et non du crash. Je voulais avoir une petite héroïne qui ne sache pas qui est sa famille, qui soit placée dans une famille sans savoir s'il s'agit de sa vraie famille, ou si une autre, différente, l'attend quelque part. Pour cela je me suis demandé ce qui pouvait faire que quelqu'un ne connaisse pas son identité; le plus simple étant qu'il ne reste rien d'autre que le bébé. C'est là qu'est née l'idée du crash d'avion.

    Jean-Marc Rudnicki : C'est étonnant ce que tu dis, parce que nous ça nous semblait évident que l'histoire était inspirée du crash du Mont Sainte-Odile !

    Delphine Bouix, productrice (CPB Films) : Ca nous a semblé évident car nous avons tourné très près du Mont Sainte-Odile, donc on s'est retrouvés complètement imprégnés !

    Jean-Marc Rudnicki : Le bureau d'enquêtes aérien, qui sont les spécialistes des crashs d'avion et que nous avons sollicités pour avoir des détails dans la reconstitution, ont été étonnés en découvrant le récit par les similitudes avec cet accident. Pour eux ça a été un événement tellement traumatique que dès qu'un crash d'avion est tourné en Alsace, ils font automatiquement le lien. On redoutait d'ailleurs que les gens du coin soient réticents lors du tournage, mais ils étaient plutôt curieux. Le gros enjeu de la série en matière de décoration était la reconstitution du crash : nous avons récupéré des morceaux d'avion, réacteurs et ailes, et nous avons reconstitué un tronçon de carlingue que nous avons fait exploser. 

    Il y a beaucoup de séquences de reconstitution de la France des annéees 1970 et 1990. Comment avez-vous procédé ?

    Delphine Bouix : Ca a été un peu un casse-tête, avec Jean-Marc on a eu des difficultés auxquelles on ne s'attendait pas forcément. Pour les années 1970 c'était assez facile, mais pour les costumes de la fin des années 1990, on s'est rendus compte que la mode actuelle chez les jeunes en était très proche ! Le décalage historique à l'écran allait donc être plus difficile à restituer. Dans la reconstitution de Paris également, on a eu plein de surprises : des marquages au sol qui n'existaient pas à l'époque, des panneaux de signalisation, des poubelles à couvercle jaune qui n'existaient pas, des automobiles qui ne sont plus du tout les mêmes... Ca a représenté beaucoup de travail comme on tournait en décors naturels.

    Jean-Marc Rudnicki : Après il a fallu trouver des décors qui étaient encore "dans leur jus", celui du bar notamment, de la caravane...

    Pourquoi avoir choisi d'adapter "Un Avion sans elle" ? Etait-ce une demande de la chaîne dans l'optique d'une mini-série événementielle, ou bien un coup de coeur ?

    Delphine Bouix : Ca a été un coup de coeur énorme. Je le dois à Marina Carrère d'Encausse, lorsque j'étais allitée à la fin de la grossesse de ma fille et que je regardais Le Journal de la santé ! Elle a recommandé le livre dans une de ses émissions, et j'ai aussitôt demandé à mon compagnon de me l'acheter. Je l'ai lu d'une traite car je ne voulais pas accoucher avant de l'avoir terminé ! (rires) C'était un coup de coeur d'autant plus émouvant pour moi car il coïncidait avec la naissance de ma fille. On s'est rencontrés assez vite avec Michel, et c'était un projet qu'on voulait mener au cinéma au début; mais il avait un côté romanesque et populaire plus anglo-saxon que français, avec un pitch vraiment fort. On s'est rapidement rendus compte avec Michel que l'ambition qu'on avait n'irait peut-être pas dans la bonne direction au cinéma, et la densité du livre a fait que je suis allée voir M6 pour leur proposer une adaptation en série, afin de respecter l'ADN du roman, en gardant son côté lumineux, populaire et romanesque. On voulait initialement s'en tenir au roman en partant sur un duel westernien entre Crédule Grand-Duc et Marc, et là-dessus, Jean-Marc a proposé de remonter le personnage de Lily, qui était totalement en creux dans le roman. Ce changement nous a permis d'aller dans la direction que nous voulions au départ.

    Jean-Marc Rudnicki : Quand Delphine a proposé d'acheter les droits d'un Avion sans elle en 2012, trois mois après sa sortie, le livre n'était pas encore un best seller. Delphine a eu le nez fin, car son succès et sa reconnaissance ont eu lieu quelques temps après ! Le roman a dépassé le million de ventes cette année, et a eu un grand succès à l'étranger.

    Michel Bussi : C'est émouvant de voir la série finalisée aujourd'hui, après une longue gestation faite de hauts et de bas ! Mais oui au départ il y a eu ce coup de coeur, de moi et de l'éditeur, pour Delphine. C'est pas banal d'avoir quelqu'un qui vient d'accoucher et qui nous demande de signer tout de suite ! (rires) 

    Avez-vous contribué à l'écriture de l'adaptation ?

    Michel Bussi : Je n'ai pas participé au scénario directement. Je l'ai lu, on a échangé régulièrement pour s'informer de l'avancée du projet, mais je n'y ai pas pris part. J'aime découvrir la façon de travailler pour la télé, faire confiance aux gens et observer la conception. C'était aussi intéressant de voir les différentes tonalités proposées dans les adaptations, puisque trois de mes livres se retrouvent adaptés sur trois chaînes différentes, entre TF1, France 2 et M6. C'est intéressant pour un auteur ! C'est pour cela que dans un premier temps j'ai aimé prendre une position d'observateur, pour voir quelle couleur on allait donner à ce roman; Sur M6 il y a une couleur plus "thriller", c'est un quatre épisodes aussi dont c'est plus nerveux, plus rythmé... Mais je connais pas assez les codes de la dramaturgie en télévision, la question des coûts... Mes idées ne sont souvent pas réalisables ! (rires)

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top