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    Double Je sur France 2 : « on a essayé de trouver des enquêtes qui soient ludiques »

    L'équipe de Double Je, la nouvelle série policière de France 2 s'exprime sur leurs intentions concernant la série et ce qu'ils ont cherché à raconter à travers portrait de cette femme de 40 ans et de son ami imaginaire.

    Aurélien Faidy

    Lorsque l’on rencontre pour la première fois Camille Pouzol, elle se présente comme la showrunneuse de Double Je : « c’est un mot qui existe mais pas assez dans notre pays ». Et elle a raison. Elle possède les casquettes de co-créatrice, scénariste principale, directrice artistique. Autrement dit, la cheffe d’orchestre, donc la showrunneuse. C’est important de savoir mettre des mots sur ses fonctions. Pour l'autrice, s’occuper d’une série policière est une grande première, elle qui s’est davantage illustrée dans les comédies, notamment sur Dix Pour CentKaboul Kitchen ou Hard. Pour l’occasion, elle retrouve Lionel Olenga, avec qui elle avait collaboré sur Cherif. « C’était intéressant de travailler avec Lionel, puisque je n’avais jamais écrit de polar. Et c’était bien de l’avoir pour construire la série » confie Camille Pouzol.

    « J’ai toujours voulu raconter des histoires pour partir loin »

    Dans le monde hyper compétitif du polar, il est non seulement difficile de s’imposer et davantage encore de tirer son épingle du jeu. Il faut trouver le petit truc, qui sort de l’ordinaire, sans sacrifier l'authenticité. C’est à Stéphane Drouet (Cherif) que l’on doit cette idée originale : « Je me suis demandé ce qu’il se passerait si une capitaine de police était assez barrée pour avoir encore son ami imaginaire à 40 ans. Il s’appellerait Jimmy, version condensée de jiminy cricket ». Un concept qui parle immédiatement à Camille Pouzol : « ce qui m’a plu avant tout, c’est le lien à l’enfance et au merveilleux. Ça fait parti des raisons pour lesquelles j’ai voulu écrire. Je déteste la réalité, je la trouve trop dur. J’ai toujours voulu raconter des histoires pour partir loin » elle continue sa réflexion : « On a essayé de trouver des enquêtes qui soient ludiques, qui ramènent à l’enfance ; ou bien émotionnelles, dans le drame humain, dans les grands sentiments, dans la vengeance, dans la passion, la perte de contrôle. La série ne joue pas sur des serial killers avec des gens qui ne sont que dans la violence et dans l’horreur, ce n’est pas du tout la tonalité de la série ».

    Déa répare quelque chose de sa vie. (Camille Pouzol)

    Pas d’Esprits Criminels parmi les influences donc, la série va trouver d’autres moyens pour pimenter le polar. Impossible de bouleverser les codes, de toute façon « tous les meurtres ont déjà été faits » théorise Lionel Olenga. Peut-être alors chercher du côté des faits divers, la méthode Dick Wolf sur New York Unité Spéciale ? Pour Camille Pouzol : « les faits divers, c’est trop fou pour les fictions. Je préfère partir sur des histoires. Pourquoi en arrive-t-on à tuer quelqu’un ? Il y a un truc à la Agatha Christie. Il y a du ludique, il y a l’idée de trouver. Et Déa, elle veut trouver parce qu’elle répare quelque chose de sa vie ».

    Exit également les traitements sombres et sinistres à la Profilage et Kepler(s) où les personnages sont identifiés comme schizophrènes : « Avec Chloé Saint Laurent ou le personnage de Marc Lavoine, on est dans la pathologie. Déa (Carole Weyers) n’appartient pas au domaine de la psychiatrie, c’est une femme avec un imaginaire très développé » affirme Camille Pouzol, qui poursuit : « Déa n’est pas folle, c’est une femme accomplie, une bonne mère, une super flic mais elle a conservé un lien avec l’enfant qui est en elle ».

    Aurelien FAIDY/AutoFocus-prod

    « Déa est parfaitement équilibrée »

    Comment arrive-t-on à composer un tel personnage sans sombrer dans la comédie ? « On a travaillé avec une psychanalyste et psychiatre. J’ai adoré que ce soit elle qui me donne beaucoup plus de libertés que je m’autorisais. C’est grâce à elle que j’ai libéré l’écriture. Ça l’a fait beaucoup rire quand je lui ai parlé du concept de la série en avançant mes craintes sur l’aspect bizarre d’avoir encore un ami imaginaire à 40 ans. En réalité, elle avait plein de cas comme celui-là et le seul moment où elle commence à s’inquiéter, c’est lorsque ses patients lui expliquent que l’ami imaginaire existe vraiment. Pour Déa, à partir du moment où elle a conscience que Jimmy n’existe pas, tout va bien. Au contraire, elle est parfaitement équilibrée » révèle la showrunneuse.

    Mais pour donner vie à ce personnage, encore faut-il trouver la bonne personne. Celle qui sera capable de jouer entre le drame et la fantaisie, la légèreté et le traumatisme, la souplesse et la tragédie. Débute alors la recherche de la perle rare, qui arrive finalement sur une bande vidéo venue des Etats-Unis, par une jeune actrice belge qui n’avait jamais joué en français. « L’interprète de Déa a été difficile à trouver. j’y étais pour beaucoup. Je pense que j’étais très fermée sur l’idée que personne ne pouvait jouer ce personnage que j’adore et que j’écris depuis deux ans » avoue Camille Pouzol. Et pourtant, le résultat est là, poursuit-elle : « le plus beau moment pour un scénariste, c’est lorsque le comédien emmène votre personnage plus loin que vous n’auriez jamais pu imaginer. Je suis très fière de la Déa que j’ai écrite mais la Déa de Carole [Weyers] est dix mille fois mieux. Aujourd’hui, je ne vois personne d’autre ». Une dépossession salvatrice qui a également eu lieu pour Ambroise Michel : « c’est comme pour Matthieu Belcourt, je me suis roulé par terre en disant que c’est le personnage le plus dur à jouer parce qu’il a mille double fonds, qu’il est super compliqué, formé à mentir et en même temps il va tomber amoureux mais il ne peut lâcher aucun sentiment,... » confie la showrunneuse.

    Le plus beau moment pour un scénariste, c’est lorsque le comédien emmène votre personnage plus loin que vous n’auriez jamais pu imaginer. (Camille Pouzol)
    Aurélien Faidy

    « On a exploré 1% de Jimmy ! »

    On se demande alors si une saison deux est possible, si l’envie est toujours là : « On a exploré 1% de Jimmy. Il peut tout faire. Les seules limites, c’est la production, c’est l’argent ! Quand j’avais un ami imaginaire, il changeait le décors, la lumières, on dansait en haut des pyramides… j’ai envie d’enquêtes de plus en plus ludiques et de merveilleux » avance la showrunneuse. On devine une soif de creuser les personnages, d’approfondir les rapports dans une dynamique qui n’a pas encore livré toutes ses promesses et qui place la série aux avant-postes des relations homme/femme : « le désir n’est pas très abordé en fiction, comme une peur quant au côté sexuel de la chose. Et le désir est un sentiment d’une puissance absolue. On nous vend tout de suite l’amour, ils viennent de se rencontrer et ils sont déjà fous amoureux. Ce que j’ai voulu raconter au début, ce n’est pas de l’amour, c’est une pulsion physique phénoménal, qui ensuite, va devenir quelque chose ». Cette fraîcheur s’exprime également dans le choix des tenues de l’héroïne, à mille lieu des traditionnels tailleurs/chignons et qui prouve que, si Double Je n’entend pas révolutionner le genre policier, elle l’aborde avec la volonté de l’inscrire dans une contemporanéité : « j’ai demandé à notre cheffe costumière à ce qu’on n’imagine pas que Déa peut être flic. Je trouve qu’il y a un archétype un peu misogyne dans les personnages de femmes-flics à la télévision. Elle est capitaine et elle peut s’habiller comme elle le souhaite. Il n’y a aucune obligation dans le règlement qui pourrait l’en empêcher » affirme Camille Pouzol.

    Il y a un archétype un peu misogyne dans les personnages de femmes-flics à la télévision. (Camille Pouzol)

    Double Je n’est pas une série triste

    Quelque part, c’est peut-être l’une des clés pour comprendre la série. La fantaisie ou le merveilleux ne sont pas des éléments gratuits et artificiels qui viendraient perturber l’ordre du monde. Non, ils en font parti parce qu’il n’existe aucune règle ou commandement qui les interdiraient. Le concept de l’ami imaginaire répond à une logique de construction du personnage : « quelque chose d’un peu profond, que l’on apprend au fur et à mesure des épisodes » confie la showrunneuse « ça apparaît pour une raison, ça reste pour une raison. Il y a une faille chez cette femme, beaucoup de fragilité, un très gros choc émotionnel à l’enfance, lié à sa mère. On a énormément travaillé avec François Vincentelli dans ce sens-là. L’ami imaginaire, ça peut être drôle et on s’en sert. Double Je n’est pas du tout une série triste mais j’aime que le fondement repose sur quelque chose qui parle à tout le monde ».

    Double Je est diffusé chaque vendredi soir sur France 2.

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