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    Dans leur regard sur Netflix : que vaut la mini-série engagée d'Ava DuVernay ?

    Disponible depuis hier sur Netflix, Dans leur regard est la nouvelle production d’Ava Duvernay, adaptation de l’histoire vraie des Central Park Five, cinq adolescents de couleur accusés à tort d’avoir violé une joggeuse blanche.

    Atsushi Nishijima/Netflix

    De quoi ça parle ?

    La série est adaptée de l’histoire vraie des Central Park Five, cinq adolescents de couleur accusés à tort d’avoir violé une joggeuse blanche en 1989.

    Ça ressemble à quoi ?

    C’est avec qui ?

    Dans le rôles des cinq accusés, on retrouve Asante Black (Kevin Richardson), Caleel Harris (Antron McCray), Ethan Herisse (Yusef Salaam), Jharrel Jerome (Korey Wise) et Marquis Rodriguez (Raymond Santana). Felicity Huffman (Desperate Housewives) tient le rôle la détective Lisa Fairstein, Vera Farmiga (Godzilla 2, Bates Motel) celui du procureur Elizabeth Lederer, Joshua Jackson (Dawson, Fringe) joue l’avocat Mickey Joseph. Côté parents, on retrouve John Leguizamo (L’Impasse, Moulin Rouge), Michael Kenneth Williams (Sur Écoute, The Night Of), Aunjanue Ellis (The Book of Negroes), Kylie Bunbury (Game Night, Pitch), Marsha Stephanie Blake (Blacklist) et Niecy Nash (Claws, Getting On).

    Ça vaut le coup d’oeil ?

    Après SelmaThe Red Line ou Queen Sugar, la réalisatrice et productrice Ava DuVernay continue d’ausculter la société américaine par le prisme des minorités et de leurs luttes face aux institutions. Une filmographie engagée qui entend mettre les États-Unis face à son histoire, ses inégalités, ses contradictions et ses responsabilités. Avec Dans leur regard, elle ne remonte pas très loin dans le temps : 1989. 30 ans ont passé depuis cette tragique affaire et il semblerait que le paysage n’ait pas beaucoup évolué. Ce qui prouve la nécessité d’oeuvres comme celle-ci : formuler à voix haute et forte la discrimination dont sont toujours victimes les populations afro-américaines et latine-américaines.

    Dans leur regard met en colère. Une colère violente face l’insupportable injustice qui frappe cinq adolescents de couleur et leur famille. Ce n’est pas une question de malchance, un cruel concours de circonstance, la faute au mauvais endroit, au mauvais moment. Il s’agit de la construction délibérée d’une histoire, de torture psychologique, d’une atteinte volontaire aux droits fondamentaux. Déjà dans American Crime Story : The People vs O.J. Simpson, on comprenait que la justice était une question de storytelling. Peu importe les faits pourvu que la façon dont on raconte l’histoire est suffisamment convaincante. Dans leur regard exploite cette même faille dans le système judiciaire mais le porte à un niveau plus abject : ce ne sont plus les avocats qui arrangent les faits pour disculper leur client ; c’est la police et le département judiciaire qui fabrique les faits, motivés par une soif aveugle de justice face à un crime odieux. Si on ne peut faire confiance à ceux censés nous servir et nous protéger, vers qui pouvons-nous nous tourner ?

    Dans leur regard sur Netflix : l'histoire vraie des cinq ados accusés à tort de viol

    La série aurait pu prendre le motif d’une diatribe, un pamphlet contre l’injustice, elle choisit au contraire de rester dans le drame humain, dans l’intime. Elle colle au plus près des personnages. Bien sûr, elle exploite le contexte de l’époque. Hyper médiatisés, les Central Park Five furent l’objet d’une lutte acharnée dans les médias, aidés par une population afro-américaine solidaire et des activistes volontaires. A l’opposé, des voix se sont faites entendre, certaines n’hésitant pas à exiger le retour à la peine de mort, la même voix qui s’offre ainsi des pages dans le New York Daily News pour condamner les jeunes innocents. Images d’archive à l’appui, son visage est alors bien connu : Donald Trump.

    La série n’abuse pas de la présence du futur président, si ce n’est dans une remarque tristement non prophétique qui prédit qu’on n’entendra plus parler de lui. Mais elle acquiert un autre niveau de lecture, plus évident. On le sait, raconter le passé est souvent un moyen déguisé d’expliquer le présent. Dans leur regard montre alors combien la question des inégalités, des injustices, des bavures, des manipulations dont sont victimes les minorités sont toujours d’actualité. Une façon de montrer que l’Amérique n’a rien appris de ses erreurs et reproduit (trop) souvent les mêmes schémas. Le 29 mai, sur Twitter, l’actuel président des États-Unis rappelait, après l’audience du rapport Mueller : « les preuves étaient insuffisantes et, par conséquent, dans notre pays, une personne est innocente ». Les preuves étaient aussi insuffisantes dans l’affaire des Central Park Five et pourtant…

    Ava DuVernay rappelle certains devoirs de la fiction dans la compréhension du monde. Si artistiquement, Dans leur regard n’est pas la plus grande oeuvre de l’histoire, elle demeure nécessaire, aux États-Unis comme dans le reste du monde. Parce qu’il est impossible de ne pas être ému par la tragédie qui a frappé ces cinq garçons, révolté par l’injustice dont ils ont souffert et écoeuré par une justice partiale. La série le fait avec émotion. C’est peut-être là sa plus grande réussite. Traduire la révolte par l’humain. Il s’agit d’informer, comprendre pour éviter de refaire toujours les mêmes erreurs. A l’heure où l’on brandit les fake news comme seule arme de contradiction, la démarche est salutaire.

    Dans le regard est disponible depuis le 31 mai sur Netflix.

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