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    Zombi Child : l'histoire glaçante d'une authentique zombification survenue en 1962
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Le nouveau film de Bertrand Bonello, "Zombi Child", est en partie inspiré d'un très fameux cas de zombification survenu en 1962 à Haïti. Celui de Clairvius Narcisse, qui fut empoisonné, enterré vivant, puis déterré et réduit en esclavage...

    "Haïti, 1962. Un homme est ramené d'entre les morts pour être envoyé de force dans l'enfer des plantations de canne à sucre". Telles sont les toutes premières lignes du synopsis de Zombi Child, le nouveau film de Bertrand Bonello, en salle ce mercredi 12 juin.

    L'histoire de ce fait divers est à la fois glaçante et authentique. Un homme du nom de Clairvius Narcisse, né en 1922, aurait été déclaré mort le 2 mai 1962 des suites d'une maladie à l'hôpital Deschapelles à Haïti. Il aurait été enterré le lendemain dans un village près d'Esther, non loin de la capitale Port-au-Prince. En 1980, soit 18 ans plus tard, un homme aurait accosté la sœur de Clairvius Narcisse et se serait présenté comme son frère, racontant avoir été victime de zombification de la part d'un houngan -un chef spirituel vaudou- sur commande de son propre frère, à la suite d'une affaire d'héritage. Le cas de cet homme a d'ailleurs été étudié, de manière tout à fait sérieuse, par l'anthropologue canadien Wade Davis, qui écrivit un ouvrage sur le sujet, Le Serpent et l'arc-en-ciel, qui avait d'ailleurs servi de base au film L'emprise des ténèbres de Wes Craven.

    Poudre de zombie

    Clairvius Narcisse aurait en fait été victime d'un empoisonnement avec ce que l'on appelle "la poudre de zombie". Il a raconté qu'après avoir été frotté par celle-ci, il aurait assisté impuissant à son propre enterrement, déclarant pouvoir voir et entendre mais ni parler, ni ressentir. Après son enterrement, on l'aurait déterré puis forcé à travailler en tant qu'esclave dans une plantation avec d'autres zombies. Dans cette fameuse poudre, on trouverait notamment des os humains broyés, des extraits de végétaux dont le mucuna (qui est utilisé notamment pour combattre la maladie de Parkinson), mais aussi et surtout de la tétrodotoxine.

    Cette très, très puissante neurotoxine, est décrite par les spécialistes comme étant 500 fois plus puissante que le cyanure, et 100.000 fois (!!) plus forte que la cocaïne. Dosée avec une minutie digne d'un horloger suisse, la tétrodotoxine n'est pas forcément mortelle. Mais elle peut entraîner un ralentissement du rythme cardiaque, une perte de conscience, et une paralysie générale.

    Interviewé par RFI en mars 2018, Philippe Charlier, anthropologue, médecin légiste, spécialiste de la mort et des cimetières, évoquait au micro de la chaîne son long travail d'enquête sur le sujet à Haïti, dont il s'est inspiré pour élaborer le scénario d'une BD, Les Zombies, publiée aux éditions Le Lombard. Selon lui, l'usage de cette "poudre de zombie" n'est pas rare en Haïti. "C’est évidemment une pratique illégale [...] Et ce qui est assez intéressant, c’est qu’on ne la trouve quasiment nulle part ailleurs à la surface du globe - sauf en Haïti. C’est considéré comme l’équivalent d’un véritable empoisonnement d’après le code pénal haïtien et puni d’une peine d’emprisonnement". Et de préciser un peu plus loin : "pour créer un zombie, faire une zombification, ce n’est pas juste quelque chose de pharmacologique, ce n’est pas juste une drogue. Il y a énormément de choses qui rentrent en compte, à commencer par la croyance même de l’individu là-dedans et puis il y a des cérémonies… Mais néanmoins, un des principes actifs les plus importants c’est la tétrodotoxine, une substance qu’on appelle un neurotoxique, qui va bloquer pas mal de terminaisons nerveuses, qui va produire en quatre ou cinq heures, voire six heures, un état de mort apparente chez la victime. Vu de l’extérieur, on a l’impression que la personne est complètement morte, mais en fait elle respire très légèrement, sa température baisse, le cœur se met à battre très lentement. On a vraiment l’impression que tous les signes de mort son présents, alors que la personne est totalement consciente : si on lui ouvre les yeux, elle voit, et puis elle continue d’entendre et surtout de comprendre tout ce qui se passe autour d’elle".

    Comme d'autres avant lui, Clairvius Narcisse aurait été empoisonné peu à peu, par imprégnation de la peau et propagation dans le sang. Enterré vivant donc puis déterré plus tard, Narcisse fut placé en captivité dans un champ de canne à sucre, où, à intervalles régulières, on lui administra des doses de poison suffisantes pour le maintenir dans un état semi-léthargique, comme un zombie, avec gestes lents et absence de parole. Deux ans plus tard, en 1964, il a néanmoins pu s'échapper et reprendre le contrôle de son corps, peut-être aussi à la faveur d'une négligeance de dosage ou d'administration de la fameuse "poudre de zombie" du côté de ses bourreaux ravisseurs. S'il ne s'est manifesté envers sa soeur qu'en 1980, soit 16 ans après s'être échappé de son enfer, c'est parce que Clairvius Narcisse a fui durant tout ce temps les hommes de main de son frère... Glaçant.

    Ci-dessous, la bande-annonce du film de Bonello, qui se nourrit du fameux cas de Clairvius Narcisse...

     

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