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    Il faut sauver le soldat Ryan : comment Spielberg a recréé le Débarquement du 6 juin 1944
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Diffusé ce soir sur France 3, "Il faut sauver le soldat Ryan" de Steven Spielberg s'ouvre sur le Débarquement des Alliés le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie. Une séquence d'anthologie qui a fait date, et demandé une minutieuse préparation.

    DreamWorks Pictures

    Quelques semaines avant le déclenchement de la plus gigantesque opération militaire amphibie de l'Histoire le 6 juin 1944, le général allemand Erwin Rommel, en charge du groupe d'armée B basé en Normandie, écrit à sa femme. "Les Alliés doivent débarquer, c'est un fait. Mais les 24 heures précédant l'invasion seront primordiales. Pour nous, comme pour les Alliés, ce sera le jour le plus long..." Des propos entrés depuis dans l'Histoire.

    Si le débarquement des Alliés s'illustre dans le film sorti en 1962 et qui porte le même titre que les écrits de Rommel, on songe surtout à la désormais célébrissime séquence d'ouverture du chef-d'oeuvre de Spielberg, Il faut sauver le soldat Ryan. Une hallucinante plongée en apnée de 27 minutes, où les G.I, fraîchement débarqués sur la plage d'Omaha Beach, se font tailler en pièces.

    Omaha Beach, surnommée Bloody Omaha, est la plage du débarquement de Normandie qui a provoqué le plus lourd bilan des pertes du Jour J (30 % du total des pertes du 6 juin) et elle partage avec Juno Beach, le taux de pertes le plus fort avec près de 8 % des effectifs débarqués dont beaucoup par noyade. 1 000 Américains sont tués et 2 000 blessés sur Omaha (le bilan précis reste inconnu), 90 % des hommes de la première vague étant tués ou blessés.

    Une expérience viscérale, morale et humaine

    C'est avant tout l'expérience humaine et morale de la guerre qui intéressait Steven Spielberg. "La période 39-45 m'obsède, car l'Amérique, qui avait déjà perdu son innocence plusieurs fois, l'a abandonnée à jamais pendant la Seconde guerre mondiale" expliquait le cinéaste dans une interview accordée à L'Express en septembre 1998, à propos du film. "Je voulais rendre hommage à tous ces jeunes garçons qui n'avaient jamais quitté leur ville, ne parlaient pas d'autre langue que l'anglais, et ont été jetés directement sur Omaha Beach. Je voulais illustrer le choc brutal des cultures".

    Et d'ajouter :  "Je ne voulais pas venir avec mon équipe pour glorifier ce qui s'est passé. J'ai essayé de rester fidèle et cru". Le credo était simple : livrer un film de guerre ultra réaliste et sans concession. A des années lumière du débarquement du Jour le plus long, même si ce dernier est devenu au fil des ans un classique.

    Ci-dessous, la séquence en question...

    Il a fallu quatre semaines de tournage pour mettre en boîte cette séquence d'anthologie. Filmée en Irlande avec plus de 1000 figurants, dont 250 soldats de l'armée irlandaise (et même une trentaine de personnes amputées jouant des soldats mutilés), 2000 armes dont 250 fonctionnelles, auxquelles on a même joint deux vraies barges de débarquement de la Seconde guerre mondiale, la séquence a coûté la bagatelle de 11 millions de dollars, sur un budget de production global de 70 millions pour l'ensemble du film.

    Le résultat visuel et sonore, décuplé par le travail tout particulier effectué sur le Design du son avec les impacts des balles déchiquetant les chairs, fut foudroyant pour les vétérans du D-Day qui découvrirent le film à sa sortie. Au point qu'un numéro spécial de téléphone fut mis en place par le Department of Veteran Affairs américain (l'équivalent de notre Secrétariat d'Etat aux anciens combattants) pour recueillir la parole de ces soldats traumatisés par le film, qui venait brusquement de raviver de douloureux souvenirs.

    In Fine, Spielberg a bien retenu les conseils avisés du grand Samuel Fuller : "si tu fais un film de guerre, joue le réalisme" lui soufflait le réalisateur d'Au-delà de la gloire...

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