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    Le Grand Bazar sur M6 : "C'est une série sur la mixité, mais la mixité n'est pas le sujet" pour ses créateurs

    Rencontre avec les créateurs de la série, Baya Kasmi et Michel Leclerc ("Le Nom des gens"), dans le cadre du festival Séries Mania 2019.

    Baya Kasmi et Gregory Montel - Festival Séries Mania

    Michel Leclerc et vous avez beaucoup tourné et écrit ensemble pour le cinéma (Le Nom des Gens, La Vie très privée de Monsieur Sim, Je Suis à vous tout de suite...) Le Grand Bazar, qui est une chronique familiale, est-elle en partie autobiographique ?

    Baya Kasmi, créatrice de la série : En un sens oui, puisqu'on est nous-même une famille mixte et recomposée. On a co-écrit avec Lyes Salem (qui interprète Mohamed, ndlr), qui lui aussi a mis du sien, Sarah Kaminsky aussi... Il y a eu une étape assez joyeuse d'écriture où on a mis sur la table tout ce que nous évoquait cette famille. On est partis de beaucoup d'histoires vécues.

    Michel Leclerc, scénariste et époux de Baya Kasmi : Le seul intérêt de l'autobiographie c'est que, par définition, ce qu'on a vécu est complexe. Quand on part de rien, on a tendance à aller vers des archétypes : le père maghrébin, etc. On veut toujours être logique quand on définit un personnage à partir d'une feuille blanche, or quand on part de choses qu'on a pu vivre, on inclut la complexité du réel, et c'est souvent beaucoup plus intéressant. 

    Baya Kasmi : On en a fait l'expérience au cinéma, souvent quand on parle de sa propre expérience, bizarrement, on touche plus de gens. Il y a un chemin vers l'émotion, parce qu'on part d'un ressenti. Le  choix du prénom du bébé dans la série en est un bon exemple; ça a l'air si simple mais quand on a un enfant, tout devient compliqué.

    Avez-vous une séquence en tête directement inspirée d'un moment vécu ?

    Michel Leclerc : La séquence du lait notamment (dans laquelle Iris, la fille cadette de Nicolas, veut goûter le lait maternel de Samia, ndlr). Un de nos copains un jour a voulu boire du lait maternel de Baya par curiosité, et il l'a fait ! J'étais horrifié. (rires)

    Baya Kasmi : C'est vrai, on s'est rendu compte que ça avait quelque chose d'horrifiant, et on trouvait ça très drôle. Nous voulions faire une vraie comédie familiale dans laquelle on ne boude pas son plaisir, et l'idée de créer ce lien entre du vécu personnel et ce que ça raconte en toile de fond nous plaisait bien.

    Michel Leclerc : Même si une partie de la série est inspirée d'anecdotes personnelles, il faut tout de même que la série ait un fond politique, même s'il est bien caché, et qu'elle raconte quelque chose de la société. Le particulier devient universel. C'est une famille, il y a beaucoup de personnages, de portraits à dresser, on a moins besoin d'enjeux narratifs importants. On les suit parce qu'on aime voir la famille évoluer. La vie n'est qu'un enchaînement d'obstacles, de petite et de grande envergure parfois, et on s'y retrouve pas mal.

    La cellule familiale revient de façon récurrente dans vos films. Qu'est-ce qui vous fascine dans ce thème, que vous rendez politique ?

    Michel Leclerc : Les histoires d'amour ne sont pas dénuées de politique. On peut aimer quelqu'un pour ce qu'il pense; la joute oratoire, l'opposition peuvent être des moteurs amoureux. Et même au sein d'une famille entière. 

    Baya Kasmi : Tout le sel vient de la rencontre de gens qui sont très différents et qui vont apprendre à communiquer. Un peu comme dans Le Nom des Gens, il y a l'idée qu'on porte la trace des familles. Il y a un supplément d'amour pour l'autre quand on comprend son vécu familial. Le choix du nom de l'enfant l'illustre : il symbolise d'où il vient.

    Pensez-vous que le prisme de la comédie populaire soit un moyen de tendre vers plus de diversité dans les séries françaises ?

    Michel Leclerc : C'est une série sur la mixité, mais la mixité n'est pas le sujet. Vouloir faire une série qui se passe en banlieue, à Bagnolet, et que ce soit vraiment joyeux, je trouve que c'est un acte politique en soi. Ce n'est pas une série sur une banlieue glauque, nous avons voulu rendre glamour le quotidien dans un milieu populaire.

    Baya Kasmi : On avait comme référence les comédies italiennes des années 1960; quand je vois Lyes, je pense à Vittorio Gassman, ce petit côté arnaqueur... C'était une époque où on faisait de la comédie sociale, mais sans misérabilisme, extrêmement sexy. On pensait aussi à Un Éléphant, ça trompe énormément, à ces comédies des années 1970 où on peut tout se permettre, tout en étant très sincère dans l'approche des comédiens et de leurs personnages.

    Comment s'est déroulé le casting et le choix des comédiens ?

    Baya Kasmi : Le casting a été très long parce que c'est le nerf de la guerre. Des comédiens fantastiques on en rencontre beaucoup, mais on a voulu prendre le temps de créer une vraie rencontre entre les comédiens et leurs personnages. Pour le rôle de Gregory Montel (qui interprète Nicolas, ndlr), on a du rencontrer environ soixante-dix comédiens avant qu'il n'arrive, et que l'alchimie se produise. Pour Lyes, c'est différent car il a coécrit la série avec nous, donc on pensait déjà à lui pour le rôle de Mohamed. Mais pour le reste, il a fallu prendre le temps de se choisir mutuellement.

    Michelk leclerc : D'autant plus que quand on commence une série, on risque potentiellement de passer des années avec des gens qu'on ne connaît pas ! 

    Baya Kasmi : Par ailleurs, ils ne sont pas du tout dans un jeu naturaliste. Autant nous écrivons des histoires burlesques qui vont très loin parfois dans l'absurde, mais ces comédiens ont un degré en plus qui va créer de la comédie, un léger décalage avec le réel. Et c'était très dur de trouver à la fois cette justesse et ce jeu avec le spectateur.

    Michel Leclerc : On demande au spectateur de jubiler avec les comédiens, de réussir à voir le plaisir qu'ils ont pris. Ça fait partie du jeu.

    Propos recueillis le 27 mars 2019 à Lille

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