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    Pose sur Canal+ Séries : comment Ryan Murphy célèbre l'histoire de la communauté LGBTQ+
    Octavie Delaunay
    Octavie Delaunay
    -Chargée de la BDD
    A la recherche permanente de souvenirs irrattrapables, son intérêt pour l’histoire et le cinéma l’a conduit à faire des études poussées dans ces deux domaines et à travailler dans le secteur culturel. Elle est journaliste / rédactrice affiliée à la base de données d’AlloCiné depuis 2018.

    La saison 2 de Pose, série créée par Ryan Murphy, est disponible depuis le 12 juin dernier sur Canal+ Séries. Le combat contre le virus du sida et la notion de mémoire sont au cœur de cette saison.

    Par le biais de ses créations, Glee ou encore American Horror Story, Ryan Murphy, le roi des séries américaines à succès, met en avant des personnages marginalisés en raison de leurs origines ou de leurs orientations sexuelles. Avec Pose, il ne déroge pas à la règle en posant son attention sur les trans noirs et hispaniques.

    New York Is Burning

    Lancée en 2018, Pose, la nouvelle série de Ryan Murphy (écrite avec Brad Falchuk et Steven Canals), remet au goût du jour la culture " voguing ". Les auteurs rendent hommage aux pionniers de cette danse urbaine. En effet, avant que Madonna ne la démocratise dans ses chorégraphies, la vogue voit le jour dans les années 1980 dans les communautés gay et transgenre afro-américaine et hispanique. Isolés de la société mainstream, leurs membres ont été touchés de plein fouet par l'épidémie du sida.

    La première saison débute en 1987. La maladie a déjà fait de nombreuses victimes aux États-Unis mais reste un sujet tabou délaissé par les instances politiques, celles-ci considérant qu’elle ne touche que des communautés spécifiques et minoritaires. Ryan Murphy met en avant l'exclusion des malades du sida par la ghettoïsation de ces derniers au sein des hôpitaux. Le rejet des victimes est représenté par les visites régulières de Pray Tell auprès d'un de ses anciens partenaires. La contamination par le virus du VIH est aussi omniprésente dans la série que les scènes de " balls " (compétitions dansantes). Elle est traitée de plusieurs façons via les tests de dépistage - nouveaux à l'époque – et par une mise en scène véhiculant la peur ambiante (cf. arrière-plan des scènes sur la jetée où défilent des cadavres ambulants). Blanca et Pray sont les deux personnages ouvertement séropositifs. La maladie ne s'est pas encore déclarée chez eux, elle est donc invisible pour les spectateurs. Sachant qu'une épée de Damoclès plane sur eux, ils font le choix de profiter des défilés.

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    " Act Up ! Fight Back ! Fight Aids ! "

    Dès le premier épisode de la saison 2, les créateurs donnent le ton avec le titre " Acting Up ". L'action se situe trois ans plus tard, Pray Tell rejoint l'association Act Up et se lance dans la récitation du slogan phare " Act Up ! Fight Back ! Fight Aids ! ". Le collectif voit le jour à New York en 1987 sous l'impulsion du dramaturge Larry Kramer, du cinéaste Vito Russo et du journaliste français Didier Lestrade. Ils fondent une association politique composée de malades qui extériorisent leur colère au cours d'happenings spectaculaires (die-in sur la chaussée, désobéissance civile...). A travers le parcours de Pray, le réalisateur Ryan Murphy explique la révolte des malades par leur mise au ban de la société avec la discrimination ultime ; celle qui fera de leur décès une mort anonyme. Pour exemple, sur une île éloignée de New York, Blanca et son ami, se rendent aux funérailles d'une connaissance terrassée par la maladie. La seule trace de son passage sur Terre est à présent une pierre sur laquelle Pray inscrit le nom du défunt et ses dates. Il s’appelait Keenan Howard, il avait 26 ans. Afin de signer d'un aspect militant la saison, le premier épisode se clôt sur le slogan d'Act Up popularisé par Keith Haring SILENCE = MORT.

    Avant Pose, The Normal Heart

    Grâce au succès international de la série Glee, le nom de Ryan Murphy devient un garant de succès. En 2014, il met à profit sa notoriété auprès d’un public majoritairement jeune pour leur proposer une mini-série sur les débuts de l'épidémie du sida. The Normal Heart – c’est son titre - est à l'origine une pièce de théâtre écrite par Larry Kramer qui signera l'adaptation scénaristique. Le dramaturge s'attarde sur l'apparition du virus du VIH dans la communauté gay, quand celui-ci était encore mal connu par les médecins et la population. Activiste de la première heure, Larry Kramer relate ses premières années de combat via la création en 1982 de la première association de lutte contre le sida : le Gay Men's Health Crisis (GMHC). Par les trajectoires personnelles et collectives d'un groupe d'individus, Kramer et Murphy retracent le rejet vécu par les malades, la méconnaissance du personnel soignant et le silence des pouvoirs publics. Le GMHC établit déjà les fondations de la future association Act Up. Relatant des faits qui se sont déroulés antérieurement, le créateur rend compte de situations peu voire pas encore représentées dans d'autres œuvres à la thématique similaire. Il n'est pas contemporain des années qu'il met en scène, il n'est donc pas dans l'urgence de témoigner. Il revisite le passé.

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    Devoir de mémoire

    Pose - particulièrement la saison 2 - apparaît ainsi comme la suite chronologique de The Normal Heart. Dans ces deux œuvres, Ryan Murphy représente les zones d'ombre de l'histoire de la communauté gay et trans. Foudroyés par le sida, ses membres n'ont pas tous eu le temps ni la force de laisser une trace. Leurs trajectoires personnelles ne sont pas restées dans la mémoire collective. Il relate une décennie de marginalisation. Les mourants parqués dans des chambres isolées de Normal Heart laissent place dans Pose à leurs cadavres installés dans des cercueils de fortune numérotés et anonymes. La figure du médecin, toujours représentée par une femme (Julia Roberts ou Sandra Bernhard), est une militante clairvoyante. Elle ne considère pas les malades comme des cobayes mais s'acharne dans l'espoir de leur faire gagner quelques semaines ou mois de vie. Au GMHC succède bientôt Act Up. Les épisodes de cette saison se concluent par des citations des membres historiques de la communauté des " ballrooms " (des individus rejetés forment une famille et concourent afin de gagner des trophées) qui pour la plupart ont été victimes du sida. Par des phrases qui peuvent s'adresser à tous, Murphy met en avant l'existence de ces individus. Le prisme du sida lui permet ainsi de rendre compte des pans d'histoire de la communauté LGBTQ+.

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