Mon compte
    Euphoria : pourquoi la série ado HBO est une réussite

    Première série ado signée HBO, Euphoria a remporté un vif succès critique et public malgré quelques polémiques. Alors que la première saison vient d'achever sa diffusion, la chaîne câblée américaine a-t-elle réussi son pari ?

    HBO

    Attention, les paragraphes ci-dessous révèlent des informations sur le final de la série. Si vous ne voulez rien savoir, ne lisez pas ce qui suit !

    En quelques décennies de production de séries télévisées, HBO a offert au public des shows d'exception qui font date dans l'histoire de la télévision : The Wire, Oz, Les Soprano, Sex & the City, Entourage, The LeftoversGame of Thrones et tant d'autres. Mais un genre n'avait pas encore été exploré par la chaîne câblée américaine : celui du teen drama. C'est désormais chose faite avec Euphoria qui fracasse tout sur son passage et surtout l'esprit puritain et conservateur d'une Amérique criant au scandale pour quelques malheureux pénis à l'écran. Si elle ne dépeint pas une adolescence universelle, elle arrive à toucher nos sens grâce à une palette de personnages auxquels on peut facilement s'identifier et une incroyable esthétique.

    UN TRIP TRASH ET DÉPRIMANT

    Pour sa première série ado, la chaîne câblée premium a misé sur Sam Levinson (Assassination Nation) et son adaptation d'Euphoria, une série israélienne de 2012. Cette version US, qui rappelle la série culte Skins et l'esprit des films de Larry Clark, débute avec le retour en ville de Rue Bennett, la junkie notoire du lycée passée par la case désintox, incarnée avec passion par Zendaya. C'est elle qui nous narre les vies de ses camarades : Jules Vaughn (Hunter Schafer), une fille trans dont elle tombe amoureuse, Nate Jacobs (Jacob Elordi), le lycéen populaire et violent, Maddy Perez (Alexa Demie), la copine cynique de Nate, Cassie Howard (Sydney Sweeney), mi-ange, mi-démon, sa sœur Lexie (Maude Apatow) complètement effacée, Kat Hernandez (Barbie Ferreira), une fille qui fait de son surpoids son atout charme et Chris McKay (Algee Smith), l'étoile montante du football en pleine dégringolade.

    Euphoria dépoussière le genre du teen drama et déconstruit les stéréotypes grâce à la brillante écriture de Sam Levinson. L'apparente superficialité des personnages n'est qu'un vernis ultra pop qui, une fois gratté, révèle un profond mal-être. Ce n'est pourtant pas bien nouveau : l'adolescence est une période assez ingrate et difficile où l'on quitte l'illusion d'une enfance naïve et confortable pour découvrir la vie d'adulte et les problèmes qui l'accompagnent.

    HBO

    Alors qu'est-ce qu'Euphoria apporte de plus ? Une vérité brute, sans filtre et dans l'air du temps. D'abord à travers les mots crus de Rue, qui joue la narratrice et décrit avec justesse les problèmes de ces ados désabusés : violence conjugale, avortement, viol, overdose, tentative de suicide, pornographie,… Aussi par la mise en scène entre ombre et lumière, sublime, envoûtante, pointue et sans excès, où l'on peut passer d'un plan d'intense défonce façon Inception à un moment plus léger à la Michel Gondry (pensez Kidding) où les médicaments parlent à Rue. La caméra tourne et flotte autour des personnages avec grâce comme pour apporter un peu de douceur dans ce monde de brutes qu'ils doivent affronter.

    Enfin, le casting, extrêmement bien choisi, fait mouche. Chacun des acteurs est habité par son personnage et en fait ressortir une vérité déconcertante. HBO a eu l'intelligence de faire confiance aux directrices de casting Mary Vernieu et Jessica Kelly, qui ont su dénicher des talents inconnus du grand public mais aussi choisir des stars montantes comme Zendaya et Jacob Elordi pour jouer à contre emploi. Jessica Kelly confiait récemment à IndieWire qu'il était "rare d'obtenir un script ou une série complète à HBO où ils vous disent qu'ils n'ont pas besoin de grands noms, juste des meilleures personnes pour raconter cette histoire." Les parents, aussi paumés que leurs enfants, ne sont pas en reste : Eric Dane, Nika KingJohn Ales et Alanna Ubach sont tantôt détestables, tantôt émouvants.

    ADDICTION QUAND TU NOUS TIENS

    Cette nouvelle série ado, qui parle autant aux jeunes qu'aux adultes, est aussi remplie de références acidulées. Outre la malheureuse mais frappante ressemblance de Fezsco (Angus Cloud) au regretté rappeur Mac Miller, des éléments de pop culture bien choisis montrent la volonté de ratisser large et de faire entrer Euphoria dans la postérité. Lors de la fête d'Halloween, on retrouve aussi bien un déguisement d'Alabama Whitman (True Romance) ou de Juliette (Romeo + Juliette), que du serial killer Ted Bundy. Autre scène marquante : la séquence d'animation où une fanfiction sur la romance entre Harry Styles et Louis Tomlinson, ex membres des One Direction, prend vie. Enfin, les titres des épisodes, portés par des bandes son incroyables et savamment choisis, sont uniquement des chansons culte de la scène rap des années 1990 et début 2000, “Shook Ones Pt.II“ de Mobb Deep, “03' Bonnie and Clyde“ de Beyoncé et Jay-Z, “The Next Episode“de Dr. Dre, pour ne citer qu'elles.

    HBO

    En huit épisodes, Euphoria réussit à donner une grosse claque scénaristique, visuelle et philosophique au genre du teen drama. Les qualités du show prouvent une nouvelle fois que la chaîne HBO domine le monde des séries et qu'Euphoria fait partie de leurs séries pépites. Chaque chapitre, focalisé sur un personnage comme l'avait fait Skins avant, aborde des sujets sociétaux intégrés dans les normes depuis longtemps qui sont aujourd'hui enfin débattus : la notion de consentement, la toxicité masculine, le partage excessif de l'intimité, la recherche symptomatique de la validation par ses pairs ou la monstration du corps. Sam Levinson nous offre des épisodes de climax intenses qui prennent aux tripes, comme l'épisode 4 à la fête foraine, l'épisode 7 où Rue se la joue inspectrice ou son final en apothéose.

    Intitulé “And Salt The Earth Behind You“, ce dernier épisode, aussi bien raconté par ses personnages que par sa savoureuse bande son, d'Arcade Fire à BTS en passant par Kali Uchis, plonge le spectateur dans un chaos survitaminé et violent. Au programme de ces nouvelles montagnes russes : un rêve meurtrier, des baisers fougueux, des danses lascives, un avortement délicat, un braquage violent, un couple toxique et une scène de rupture dans une gare.

    L'épisode se termine sur une forte montée d'adrénaline où Rue replonge dans la drogue après avoir quitté Jules, son autre addiction, et se donne corps et âme dans une danse effrénée tout en disant au revoir à ses proches. L'interprétation de Zendaya, qui chante “All For Us“ de Labrinth accompagnée d'une chorale, y est magistrale. Dans cette scène digne d'un clip, elle finit par une ascension sur une marée humaine avant de tomber raide. Est-ce la fin pour Rue ? Autant dire que l'attente pour la saison 2 de cette série addictive, d'ores et déjà commandée, va être longue.

    La bande-annonce d'Euphoria, disponible sur OCS en France :

     

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top