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    Watchmen sur OCS : tout ce qu'il faut savoir sur la nouvelle série HBO
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Attendue sur HBO ce 20 octobre et en J+1 sur la chaîne française OCS, la série Watchmen va tenter d'emprunter une voie propre face à son illustre modèle créé par Alan Moore et Dave Gibbons. L'occasion de rappeler ce qu'il faut savoir sur le sujet.

    HBO

    Année faste pour la chaîne américaine HBO et son diffuseur en France, la chaîne OCS. Après l'ultime saison de Game of Thrones, l'extraordinaire mini-série Chernobyl, et le succès d'Euphoria, une nouvelle série événement s'apprête à débouler en force ce 20 octobre. En l'occurence Watchmen, qui sera par ailleurs disponible en J+1 sur la chaîne OCS.

    A ce titre, il n'est pas totalement inutile de revenir sur quelques éléments autour de la série pour les néophytes. Car l'univers de Watchmen est complexe, même si, comme nous l'expliquons plus bas, la série n'est justement pas une nouvelle adaptation du roman graphique culte.

    A l'origine, LE chef-d'oeuvre des romans graphiques

    Publié entre septembre 1986 et octobre 1987 par DC Comics (à raison d'un chapitre par mois, soit douze chapitres), Watchmen est considéré comme la Joconde des comic-books. Signée Alan Moore (au texte) & Dave Gibbons (au dessin), cette oeuvre fleuve reste à ce jour le seul roman graphique à avoir été cité par le Time parmi les "100 meilleurs romans en langue anglaise depuis 1923".

    D'une profondeur incroyable, misant sur un croisement complexe entre réalisme, symbolisme, anticipation et critique politique et sociale, ce comic situe son histoire dans un 1985 parallèle, une uchronie. Où la Guerre Froide est à son apogée, où les Etats-Unis ont remporté la Guerre du Viêtnam, faisant de ce pays le 51e Etat, et où Richard Nixon achève son cinquième mandat à la Maison-Blanche. Dans une atmosphère de fin du monde, un groupe de super-héros (sans super-pouvoirs, à l'exception de l'un d'entre-eux, le Dr. Manhattan) ressort ses costumes du placard pour enquêter sur la mort de l'un d'entre-eux. Humains, faillibles, imparfaits -à l'image du plus célèbre d'entre-eux, le psychotique Rorschach-, les Gardiens vont mettre à jour un étrange complot.

    Immense succès critique et public, Watchmen s'est même vu couronné par le très prestigieux prix Hugo, qui récompense depuis 1953 les meilleures œuvres de science-fiction et de fantasy de l'année écoulée. C'est d'ailleurs la première fois que ce prix fut décerné à une bande-dessinée. Si l'on ajoute à cela une moisson d'autres récompenses, dont le non moins prestigieux prix Eisner, c'est dire à quel point le roman graphique est considéré depuis et à juste titre comme un totem sacré.

    Un totem sacré, et longtemps réputé inadaptable au cinéma, au point de voir de nombreux réalisateurs se casser les dents sur le projet, à l'instar de Terry Gilliam, David HayterDarren Aronofsky et Paul Greengrass. Auréolé du succès public et critique de 300Zack Snyder a pris en main l'adaptation cinéma de l'oeuvre à la fin 2006. Si son Watchmen - les Gardiens a globalement enthousiasmé les fans pour sa fidélité à l'oeuvre d'origine, y compris d'ailleurs l'un des deux auteurs, David Gibbons, cet enthousiasme collectif n'a malheureusement pas débouché sur un triomphe au Box Office.

    Un remix du matériau original

    C'est en juin 2017 que l'on apprenait que le cocréateur de Lost et de The Leftovers, Damon Lindelof, était en pourparlers avec la chaîne HBO pour développer une série tirée du roman graphique Watchmen. Il s'agissait d'ailleurs depuis 2014 de la deuxième tentative de la chaîne d'adapter l'oeuvre d'Alan Moore et Dave Gibbons. A ce stade, le showrunneur restait toutefois prudent : "Je dois peser la balance pour savoir si cela doit exister ou non. J'ai une si haute considération pour le matériel d'origine, ce serait le pire sentiment du monde que de rater ce projet. Je prends tout ça très au sérieux, il y a beaucoup de responsabilités" déclarait-il.

    En mai 2018, alors que le tournage du pilote approche à grands pas, Lindelof tient à donner des gages pour rassurer l'armée de fans de Watchmen. Dans une lettre longue de cinq pages, qu'il débute d'un tonitruant "Salut ! [...] Je suis le bâtard sans scrupule actuellement en train de profaner ce que vous aimez", le showrunneur explique son amour pour l'oeuvre, les inquiétudes qu'il a lui-même rencontrées à l'idée de l'adapter, et ses intentions quant à cette nouvelle version. Et de balayer tout doute sur l'éventualité d'une nouvelle adaptation de la BD : "Ces romans graphiques sont sacrés, et nous ne les recyclerons pas, pas plus que nous ne les recréerons, ne les reproduirons ou ne les rebooterons." Il préfère parler d'un "remix" utilisant les événéments d'origine comme d'une base. Il ne s'agit pas d'une suite ni aux comics ni au film de 2009 de Zack Snyder, mais une histoire "originale qui se déroule dans le même monde soigneusement construit par les créateurs, dans la tradition de ce qu'ils ont imaginé."

    Ci-dessous, la lettre en entier publiée sur son compte Instagram :

    Day 140.

    Une publication partagée par Damon (@damonlindelof) le

    Le showrunner se permet même un parallèle biblique pour marquer la différence entre les deux, voyant la BD comme l’Ancien Testament, tandis que la série serait le Nouveau. C’est donc d’une feuille quasi-blanche que l’univers de la série Watchmen s’écrit : nouveaux personnages (mais pas que, comme en atteste la présence d'Ozymandias, seul survivant des Watchmen originaux, incarné par Jérémy Irons), nouvelle histoire … mais mythologie omniprésente.

    Une série liée à l'Histoire des Etats-Unis

    Si la bande dessinée originelle était ancrée dans l’Amérique de la fin de la Guerre Froide, la série prend le parti pris de s’inspirer du climat politique actuel, et notamment des années Trump. Les thématiques développées dans Watchmen sont profondément liées à l’Histoire des Etats-Unis, et même à certaines de ses pages les plus sombres.

    La série plante ainsi son cadre à Tulsa, Oklahoma, de nos jours. Il y a trois ans de cela, un groupe de suprématistes blancs appelés «La septième Cavalerie» s’est attaqué à tous les policiers de la ville ainsi qu’à leurs familles. Afin de protéger leur identité depuis cette attaque poétiquement surnommée «La Nuit Blanche», les policiers portent désormais un bandana jaune afin de conserver leur anonymat. Profondément marqués par cette nuit tragique, Angela Abar (Regina King) et le chef de la police de Tulsa, Judd Crawford (Don Johnson), décident d’enquêter de concert sur ce groupuscule et ses adeptes...

    Lors d’un panel au Television Critics Association qui s'est tenu en juillet dernier, Damon Lindelof donnait d'ailleurs des indications sur cet ennemi de l'intérieur. "il y a quatre ou cinq ans, j’ai découvert Le Procès de l'Amérique. Plaidoyer pour une réparation de Ta-Nehisi Coates" raconte Lindelof. "C’était la première fois que j’entendais parler du Black Wall Street et des émeutes de Tulsa ; je me suis senti un peu honteux et confus de découvrir cette histoire que maintenant. Alors, j’ai acheté et lu The Burning. C’était le début de mon éducation. [...] Watchmen était une oeuvre très politique, c’était au sujet de ce qui se passait dans la culture américaine, même si c’était raconté par le prisme de deux auteurs anglais. Quel est l’équivalent en 2019 de l’impasse nucléaire entre la Russie et les États-Unis ? C’est indéniablement les questions de races et de police en Amérique".

    Partir du présent pour éclairer le passé. Événement peu connu de l’histoire américaine, en tout cas hors Etats-Unis, l’émeute raciale de Tulsa est l’un des plus violents épisodes de brutalités raciales aux États-Unis. Elle a eu lieu dans le quartier de Greenwood à Tulsa (Oklahoma), en juin 1921, et fit selon les estimations entre 100 et 300 morts. Une émeute au cours de laquelle une foule d’américains blancs attaquèrent les habitants de cette communauté afro-américaine. Ce quartier fut surnommé le Black Wall Street en raison de l’essor économique qu’avaient réussi à mettre en place ces résidents dans une Amérique où la ségrégation était toujours active, et dans un contexte où les tensions étaient amplifiées par la renaissance du Ku Klux Klan.

    Dans le pilote, les forces de l’ordre se font donc attaquer par des suprémacistes blancs. Un sujet épineux; Lindelof ayant bien conscience de marcher sur des charbons ardents avec le climat social actuel aux Etats-Unis, particulièrement lourd : "cette idée a commencé à grandir dans l’univers de Watchmen et devait être présentée de façon responsable" ajoute le showrunner. "Mon souhait est qu’à travers les neuf épisodes de la saison, on arrive à une meilleure compréhension. Nous avions conscience de ces contradictions dans notre narration et avons essayé de faire au mieux de nos capacités. Il n’y a pas de réponses faciles, ni de merveilleuses solutions. [...] On ne gagne pas contre les suprémacistes blancs, cela fait d’eux un formidable ennemi".

    L'uchronie toujours présente

    Fait assez rare dans l’Histoire américaine, une commission fût réunie des décennies plus tard, en 1996, pour déterminer les divers degrés de responsabilité des émeutes de Tulsa, ce qui déboucha en 2001 sur une loi baptisée 1921 Tulsa Race Riot Reconciliation Act. Dans la série, cette loi porte le nom de «Redfordations», inspiré du nom du Président qui a initié celle-ci, un certain… Robert Redford. Vous avez dit uchronie ? Car oui, l'acteur est bien dans la série le président des Etats-Unis d'Amérique. Là où Richard Nixon est dans la BD réélu sans discontinuer, "Robert Redford est le président des États-Unis dans la série et ce, depuis le début des années 90, puisqu’ils ont aboli la limite des mandats" révèle Damon Lindelof. "nous nous sommes concentrés à explorer ce qui aurait pu arriver si un homme blanc libéral très bien intentionné était président aussi longtemps". Uchronie, encore, lorsque l'on sait que si la série se déroule de nos jours, ses personnages évoluent dans un univers où internet et les smartphones ne sont pas présents...

    Coup d'envoi donc le 20 octobre, et dès le lendemain en France sur OCS, pour une saison de neuf épisodes. Et pas un de plus. "Nous avons conçu ces neufs épisodes pour qu’ils se suffisent à eux-mêmes comme les 12 numéros originaux de la bande dessinée. Nous voulions avoir ce sentiment du devoir accompli et d’une intrigue résolue en une saison" précisait récemment Damon Lindelof, venu au Comic Con de New York. Et d'ajouter : "Evidemment, il y a toujours une possibilité d’explorer plus en profondeur le monde de Watchmen mais plutôt de la même manière que The Leftovers, contrairement à Lost, qui reposait sur des cliffhangers et plusieurs possibilités de narration".

    En revoici la bande-annonce...

     

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