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    Freedom, film choc sur les enfants esclaves sur des bateaux [INTERVIEW]
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    A l'occasion du Festival de Saint Jean de Luz, où le film était sélectionné, nous avons rencontré le réalisateur et l'acteur principal de "Freedom", film choc sur les enfants esclaves sur des bateaux.

    Alba Films

    L'histoire de Freedom : Dans la campagne cambodgienne, Chakra, garçon vif de 14 ans, travaille dans la rizière avec sa famille. Aspirant à plus d’indépendance, il sollicite un passeur pour trouver un emploi rémunéré dans une usine en Thaïlande. Sans rien dire à ses proches, il se rend à Bangkok dans l’espoir de mieux gagner sa vie. En arrivant sur place, Chakra et son nouvel ami Kea, âgé d’une trentaine d’années, découvrent que l’intermédiaire leur a menti : comme d’autres Cambodgiens et Birmans, ils sont vendus comme esclaves à un capitaine de chalutier...

    AlloCiné : Comment avez-vous découvert le sujet au coeur du film, à savoir le trafic humain à bord des bateaux de pêche en Thaïlande ?

    Rodd Rathjen, réalisateur : Il y a quelques années, je lisais à propos de cette industrie de la pêche et j'ai été très choqué de découvrir ce qui se passait si proche de l'Australie. Donc j'ai commencé à faire des recherches sur des survivants de ce genre d'histoire, de l'industrie des pêcheurs du Sud Est de l'Asie. Je me sentais coupable de ne pas connaître mieux le sujet.

    C'est un problème qui court depuis plusieurs décennies. J'ai pensé qu'un film serait un excellent moyen d'exposer davantage ce qu'il se passait. Voilà comment ça a commencé. C'était il y a un petit moment. Nous avons eu la chance de trouver un financement pour faire ce film. On a fait beaucoup de recherches. J'ai interviewé beaucoup de survivants à propos de leur expérience sur les bateaux. Ce sont leurs voix qui sont derrière ce film.

    Alba Films

    Aviez-vous pensé à l'origine faire un documentaire ou vous avez su d'emblée que vous vouliez faire un film de fiction ?

    J'ai toujours pensé à de la fiction. Il y a quelques documentaires sur ce sujet. Mais mon but était d'essayer d'impliquer le public avec une histoire mettant l'humain au premier plan et la question du coût humain, le désespoir de quitter le Cambodge, le procédé de faire l'objet d'un trafic humain et d'être exposé à ce monde brutal. Pour moi, avec de la fiction, on peut embarquer le public dans une aventure humaine, par ce biais différent que celui d'un documentaire. 

    Le film est surprenant aussi. On est en effet loin du documentaire, dans le sens où l'on ne sait pas où l'on va. On ne s'attend pas forcément par exemple à cette violence qui est d'ailleurs plus suggérée que montrée. Il y a une violence psychologique…

    Pour moi, il était important que la violence soit implicite. Et ça, c'est peut être parfois plus dur à regarder, car le public doit se faire son propre avis sur ce qu'il est en train de voir. Le challenge est d'engager son imagination avec la violence, et l'impact psychologique après cette violence. Nous voulions concevoir le film ainsi. 

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    Comment vous êtes-vous rencontrés avec Sarm Heng ? Etait-ce effectivement votre premier film en tant qu'acteur ? 

    Sarm Heng, acteur : Oui, c'est mon premier film dans lequel je joue. Mais j'ai travaillé pour D'abord, ils ont tué mon père (d'Angelina Jolie) mais c'était plus de la figuration. Donc c'est la première fois que je joue vraiment.

    Rodd Rathjen : Un directeur de casting avait entendu parler du travail fantastique qui avait été fait pour D'abord, ils ont tué mon père. C'était très tôt dans la phase de pré-production. Au départ, la mère de Sam -Tania Palmer- avait dit qu'elle n'avait pas forcément envie qu'il se relance dans le tournage d'un film. "C'est trop dur, nous ne voulons pas participer". Mais après avoir dit non, elle a quand même voulu en savoir plus sur le projet : "quel est le sujet ?". Nous lui avons dit que ça parlait de trafic humain, et elle a dit ok, je vous écoute. Notre directeur de casting a fait des auditions vidéos, et sa mère a dit qu'à partir du moment où les jeunes ont de bonnes notes à l'école, ils peuvent auditionner. Et tous ceux qui ont deux croix à côté de leur nom, ils ne peuvent pas auditionner… Il n'y avait qu'une personne dans toute l'école qui avait été mauvais élève, et c'était Sarm ! Donc à l'origine, il n'avait pas le droit de candidater.

    Et puis après les avoir tous vus, Tania Palmer s'est sentie mal, et elle a laissé Sarm auditionner finalement. Quand les premières vidéos me sont parvenues, j'ai en quelque sorte su immédiatement que Sarm était la bonne personne. Je pensais que ce serait très dur de trouver un ado, un non acteur. Je pensais que j'allais devoir trouver quelqu'un de plus âgé, avec plus d'expérience. Sarm n'avait que 14 ans quand nous avons fait le film. Mais quand on le voit à l'écran, on sait car il semble si fort et en même temps il peut vous briser le coeur. J'ai eu de la chance en le trouvant aussi tôt dans le travail de pré-production car ça voulait dire que ça nous donnait plus de temps pour se connaître l'un l'autre avant de commencer à faire le film. Tania a utilisé le film pour l'encourager à se motiver pour l'école. 

    Si Sarm est aussi doué, c'est parce qu'il est très intuitif avec son personnage. Il est très désinhibé également. C'est pour cette raison qu'il s'est autant distingué des autres. Donc ce que je pensais être le plus dur de ce projet a été beaucoup plus facile que ce que j'avais imaginé.  

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    Avez-vous dû beaucoup répéter avant de commencer le tournage ? Faire une sorte de formation d'acteur ?

    Non, pas vraiment. J'avais une approche un peu différente, je voulais juste qu'on apprenne à se connaître, donc on a fait beaucoup d'activités pour apprendre à avoir confiance l'un en l'autre. Je ne voulais pas que ce soit trop dur avant d'entamer le tournage car le tournage allait être difficile.

    Le film a vraiment été tourné sur un bateau, il n'y a pas de trucage. Ça a dû être dur...

    On n'a pas triché en effet. Il n'y avait pas de tournage en studio. Oui, il y a eu beaucoup de personnes qui ont eu le mal de mer sur le bateau. Mais, toi Sarm, ça allait, tu étais fort. Tous ceux qui n'étaient pas habitué à l'eau ont été malade. Mais on a survécu ! Ça a été !

    Mais le plus dur finalement pendant ce tournage sur l'eau, c'est qu'on ne captait pas avec nos téléphones ! Les gens ne pouvaient pas aller sur leur compte Facebook ou regarder leurs mails ! Mais ça a rapproché les gens au final, de pouvoir couper...

    La bande-annonce de Freedom, à l'affiche ce mercredi : 

    Propos recueillis au Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz 2019

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