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    L'Ame du vin : un documentaire délicieux sur une boisson "qui nous raccorde à la nature et à la vie"
    Clément Cuyer
    Clément Cuyer
    -Journaliste
    Clément Cuyer apprécie tous les genres, du bon film d’horreur qui tâche à la comédie potache. Il est un "vieux de la vieille" d’AlloCiné, journaliste au sein de la Rédaction depuis maintenant plus de deux décennies passionnées. "Trop vieux pour ces conneries" ? Ô grand jamais !

    Rencontre avec la réalisatrice Marie-Ange Gorbanevsky à l'occasion de la sortie de son documentaire "L'Ame du vin", passionnante plongée dans la confection de grands crus de Bourgogne.

    Nour Films

    Rencontre avec la réalisatrice Marie-Ange Gorbanevsky à l'occasion de la sortie de son documentaire L'Ame du vin, en salles ce mercredi, passionnante plongée dans la confection de grands crus de Bourgogne.

    AlloCiné : Comment en vient-on à réaliser un documentaire sur le vin ? Est-ce l'amour du vin qui est le déclic ? L'envie d'aller vers quelque chose de méconnu ?

    Marie-Ange Gorbanevsky : C'est plutôt l'envie de découvrir un monde. C'est plutôt le mystère qui m'a guidée, qui m'a donné envie. Un jour, j'ai passé quelques heures avec de grands amateurs de vin. Ils parlaient entre eux, je n'y comprenais pas grand-chose. Mais je me rendais compte que plus ils connaissaient de choses, avaient goûté de vins, avaient visité des domaines, plus ils voulaient en visiter. J'ai vraiment eu l'impression que le monde du vin était un monde très vaste, sans contours. Et moi, les mondes mystérieux sans contours, ça m'intéresse. Et puis je me suis toujours demandé ce qu'était un grand vin. Je n'ai pas cette culture, je ne connais pas. Pourquoi un vin est-il plus cher ? C'est quoi, tout ça ? C'est donc plutôt la curiosité qui m'a amenée là...

    On sent avec ce documentaire l'envie de partager l'amour du vin...

    Le film, pour lequel j'ai lu des tonnes de bouquins, pour lequel j'ai rencontré des maîtres, je l'ai aussi fait pour des gens qui ne connaissent pas le vin. J'ai voulu le faire pour tout le monde. Un grand amateur de vin a vu le documentaire en avant-première et m'a dit : "Après avoir vu ton film, jamais je ne boirai du vin comme avant, jamais je n'en boirai de la même façon." Ca peut parler à chacun, différement, et c'était très important que les gens qui n'ont pas beaucoup de savoir sur le vin puissent s'y retrouver, rencontrer, apprécier. Ce documentaire, c'est pour ouvrir les gens aux vin, il s'agit d'une petite fenêtre que j'ouvre sur un monde. Je ne raconte pas tout, mais j'essaie d'exprimer l'essentiel. C'est une sorte de petit parcours initiatique, on découvre petit à petit...

    Nour Films

    Le film parle concrètement de la création d'un vin, mais également de quelque chose de plus profond, de la terre, du terroir...

    Oui, il y a plusieurs niveaux de lecture. Je laisse libre le spectateur. Je m'organise pour qu'il ne soit pas perdu et puis après, il fait le voyage et il voit ce qu'il veut. Certains vont juste voir qu'il y a un des meilleurs sommeliers du monde dans le film, qu'on a filmé les grands domaines, etc... Et puis d'autres vont un peu voir autre chose. Je me suis aperçue que le vin était très proche du mystère de la vie. Il vient de la terre. En même temps, avec le millésime, vous avez tout ce qui s'est passé dans l'air. Ca va de la terre au ciel, et l'homme qui a travaillé tout ça est à l'intérieur du verre. C'est Jacques Puisais qui disait : "Dans le verre, vous avez la terre, l'air et l'homme". Il y a une dimension philosophique, mais également une dimension de respect de la terre et de la nature. Et c'est quelque chose qui nous touche beaucoup en ce moment. Dans ce film, qui n'est pas du tout un film militant, biodynamique, même si tous les domaines que j'ai filmés sont en biodynamie ou en bio, il y a des gens qui respectent beaucoup la terre, la nature, leur histoire, leur terroir. Il y a toutes ces dimensions dans le film et chacun y trouve ce qu'il veut.

    Le titre du film fait référence à un poème de Baudelaire issu des "Fleurs du mal"...

    Ce poème, je le connaissais depuis longtemps. Quand j'ai eu envie de faire un film sur le vin, je m'en suis souvenu et je l'ai relu. Le titre du film est très important. Les gens que je rencontrais me parlaient des vins qui n'avaient pas d'âme. Si certains n'avaient pas d'âme, alors c'est que d'autres en avaient... Le vin est vivant. Si le vin est bien fait, si la vigne est bien plantée, si on s'occupe bien de la terre, le vin est quelque chose de vivant. C'est particulier. Et le poème de Baudelaire m'a inspirée, le titre m'a guidée. L'Ame du vin, ce n'était pas un film sur quatre grands domaines mondialement connus, même si les vignerons apportent, comme tout le monde dans le film, leur pierre. Non, c'était un film sur l'âme du vin et je devais toujours revenir à cette base si j'étais perdue.

    Nour Films

    Il y a avec le vin quelque chose d'impalpable, qui nous dépasse un peu. On se sent parfois tout petit devant lui, à l'image de ces Japonais à la fin du film... 

    La première fois que j'ai eu Jacques Puisais au téléphone, celui qui compare le vin sage au vin jeune, il m'a dit que le problème, si je faisais un film sur le vin, c'est que l'essentiel, dans le vin, était invisible. Je lui ai répondu que ça tombait bien, car j'adore filmer l'invisible. Le cinéma est un art puissant, qui peut exprimer l'impalbale et l'invisible. Le cinéma n'est pas juste ce qu'on montre et ce qu'on dit, c'est bien plus fort et vaste que ça, c'est magique. Là, on était devant quelque chose d'impalpable, de mystérieux, de suggéré : on monte crescendo dans ce côté impalpable, cette dimension du vin qui nous relie à la vie, au mystère de la vie, à la nature, à l'air, au millésime. Ce n'était pas juste "Il y a de la framboise et de la groseille" ! On commence tout doucement, puis on monte petit à petit et avec les Japonais, c'est l'apothéose. Jacques Puisais m'avait dit un jour : "Il n'y a pas de grands vins, il n'y a que de grands instants". Cette dégustation avec les Japonais, c'est l'instant, et le spectateur vit ce moment avec eux. On est ici allé jusqu'au bout d'un vin, jusqu'au bout de ce truc impalpable et magique qu'est le vin... 

    On sent que cette expérience vous a transformée...

    J'espère que le fond de ce que j'ai vécu est dans le film. Je suis là pour passer aux gens... En faisant ce film, je ne savais pas que j'allais découvrir ce trésor. C'est un film qui a été une grande leçon de vie pour moi. Déjà car j'ai eu la chance de rencontrer des gens extraordinaires, dont la réputation n'est pas un leurre. Mais la grande leçon de vie de ce film, c'est d'avoir pris conscience que la terre, le végétal, la nature sont vivants... Ca rejoint quand même quelque chose qui nous tourmente, qui nous interpelle tous en ce moment, tout ce qui se passe avec la planète. C'est très important et je pense que c'est passé dans le film. Le vin est là pour nous raccorder à la nature et à la vie. C'est ça le fond. Ce n'est vraiment pas une boisson comme les autres, c'est pour ça que le vin et la vigne sont un grand symbole de civilisation. C'est magique, c'est mystérieux...

    La bande-annonce de "L'Ame du vin" :

     

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