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    Dix pour cent : on était sur le tournage de la quatrième et dernière saison
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Dans les décors emblématiques de l'agence ASK, AlloCiné a rencontré l'actrice Anne Marivin et une partie de l'équipe sur le tournage de la dernière saison de la série de France 2, qui promet de nombreux rebondissements avant de tirer sa révérence.

    Christophe BRACHET / FTV

    Avec 70 jours de tournage prévus au total, l'équipe de Dix pour cent se réunit pour la dernière fois dans les décors d'inspirations seventies chic de l'agence ASK, intégralement reconstituée dans les studios d'Aubervilliers au nord de Paris. Une conclusion au bout de quatre saisons souhaitée par les créateurs de la série, mais qui apparaissait aussi inévitable pour son co-producteur, Michel Feller (Mon Voisin productions). "Economiquement, on arrivait au bout. Malgré le succès incroyable de la série, nous n'avons aucun bonus ! On reste dans une économie de service public avec de petits moyens. On est au tiers du budget d'une fiction anglo-saxonne, pour vous rendre compte de la différence. Et quand on augmente raisonnablement des acteurs qui sont tous devenus des stars - et c'est tout à fait logique de les augmenter, en plus du nombre de plans en extérieurs plus importants sur cette saison suite au départ de Mathias d'ASK, à terme ce n'est plus viable."

    Une aventure collective qui se termine

    Pour Harold Valentin (Mother Production), "On sentait que sur les intrigues des guest stars, on nous proposait de plus en plus de monde mais pour se renouveler il faut aller chercher toujours plus loin, et sentait qu'on commençait à avoir un peu fait le tour. A l'issue de la saison 3, qui était "une très belle saison", "il y avait encore un mouvement pour terminer l'aventure collective de ce groupe."

    A la fin de la saison 3, Mathias Barneville (Thibault de Montalembert) trahissait ses camarades, soi-disant pour le bénéfice de l'agence et à la demande de Hicham, et claquait la porte suivi de sa fidèle assistante Noémie (Laure Calamy). La saison 4 reprend juste après ces événements, et chacun présume dans ce premier épisode que Mathias va alors créer sa propre agence ou rejoindre Starmedia, l'agence concurrente. "C'est l'épisode du divorce ! " promet le producteur. 

    Une guerre s'ensuit logiquement autour des talents de Mathias, guerre qui va se jouer avec une agent de Starmedia, Elise Forman, nouvelle recrue de cette saison interprétée par Anne Marivin. Femme d'affaires dure et machiavélique, "c'est notre JR !" plaisante Dominique Besnehard, créateur de la série et ex-agent de stars emblématique. Andréa et elle vont s'affronter pour récupérer les talents de Mathias, avant de s'allier pour tenter de sauver ce qu'il reste d'ASK après le départ de son directeur. Pour Anne Marivin, Elise va challenger Andréa, à qui elle ressemble beaucoup dans sa façon d'aborder le métier d'agent. "Ce sont deux femmes de pouvoir, mais Elise est plus frontale et peut être plus autoritaire qu'Andréa." Désormais directrice de l'agence, Andréa va devoir gérer un nouveau poste pour lequel elle n'est pas sûre d'être taillée : un métier de stratège en contraste avec son caractère impulsif, tout en jonglant avec sa nouvelle maternité en parallèle.

    "A mon arrivée sur le tournage, j'ai eu l'impression d'être une pièce rapportée à un repas de famille !" plaisante la nouvelle recrue. Anne Marivin a du convaincre, d'autant plus car elle est le premier personnage récurrent à rejoindre la série depuis sa création hormis Hicham (Assaad Bouab). "Mais ça ne me dérangeait pas car lorsque [Elise] arrive, elle n'est absolument pas appréciée, on se méfie d'elle. Et ça me servait !"

    Un passage de l'autre côté de la barrière dans la peau d'un agent qui s'avère jouissif pour la comédienne : "C'est un joli métier que de vouloir mettre en avant d'autres personnes, de découvrir des artistes avant tout le monde et de miser sur eux.Ces dernières années on a beaucoup mis en avant les agents sur le fait qu'ils soient très gourmands pour certains acteurs. Mais avant toute chose, un agent sait croire en quelqu'un et se battre autant que lui en est persuadé. Ce sont les seuls à croire en nous !"

    Christophe Brachet

    Pour Fanny Sidney, l'interprète de Camille, c'est "un vrai processus de deuil" qui s'entame à l'approche des dernières semaines de tournage. "On le sent dans la nature des scènes qu'on a à jouer, mais aussi dans la facilité qu'on a à les aborder !" Pour son personnage, "de nouveaux ajustements se mettent en place. Faire une fin c'est un presque faire discours : sur quoi on doit finir, qu'est-ce qu'on raconte du monde du cinéma, de l'industrie ? Pour Camille, le thème de la reconnaissance filiale est très important, donc c'est nécessaire de trouver le bon curseur pour le raconter. Mais je suis très heureuse de la trajectoire de mon personnage sur cette saison."

    Tandis que Gabriel (Gregory Montel) a une nouvelle personne dans sa vie, Sofia va commencer à réapparaître et à le regarder sous un nouveau jour. Pour le personnage incarné par Stéfi Celma, une fin alternative a été réécrite en cours de tournage : "A la base ce n'était pas sensé se terminer comme ça pour Sofia, parce qu'on a tourné une première fin avec un des personnages, et j'avoue que je suis heureuse de conclure de cette façon." Camille et Sofia vont par ailleurs se rapprocher, et la question de l'amitié mêlée au monde professionnel va se poser pour les deux jeunes femmes. De son côté, Hervé (Nicolas Maury) va repérer une comédienne lors d'un casting sauvage, et la réalisatrice à qui il la présente va lui demander de lui donner la réplique... et le trouver formidable !

    Dans cette saison, après avoir trouvé une famille chez ASK, "chacun va trouver son destin personnel. Le collectif et la famille, c'est bien, mais il faut parfois savoir s'en éloigner", explique Harold Valentin. Et la perspective que la série se termine rend les comédiens d'autant plus vigilants envers leurs personnages. "L'idée d'une fin rapproche encore plus le personnage de nous, on prend des précautions particulières avec le scénario. On se dit "non, Camille Valentini ne peut pas avoir fait tout ça pour ça !" " s'amuse Fanny Sidney.

    Des guests de plus en plus "populaires" au fil des saisons

    Concernant les disponibilités des stars, "ça n'a plus rien à voir avec la première saison. On est plus dans les mêmes difficultés d'ajustement, de thématiques trop proches de ce que les acteurs et actrices ont vécu...Seul Depardieu était trop occupé pour se libérer !", précise Harold Valentin. En plus des intrigues principales, les apparitions de Muriel Robin, Stéphane Freiss, Guillaume Gallienne et Valérie Donzelli sont à prévoirdans cette saison... Mais aussi Tony Parker et Mimie Mathy, "très heureuse" de faire partie du tournage. "J'ai eu l'impression d'avoir une jeune comédienne de vingt ans qui débarque sur le plateau tellement elle était enthousiaste", déclare Harold Valentin. L'interprète de Joséphine Ange Gardien a sollicité personnellement Dominique Besnehard en lui confiant qu'elle aimerait jouer son propre rôle dans la série. "J'ai toujours voulu qu'il y ait des acteurs populaires dans Dix pour cent", confie l'ex-agent. "Fanny Herrero [scénariste et directrice d'écriture des saisons 1 à 3, ndlr] m'a souvent dit par rapport à certains acteurs : "oh non, on ne va pas le prendre lui, il est trop populaire !" Or quand j'étais agent, je m'occupais aussi bien de Xavier Beauvois et Alain Chabat que de Véronique Genest. Je n'ai jamais été snob ou sectaire, je prenais les meilleurs dans chaque catégorie ! Et nous, il fallait qu'on s'ouvre de plus en plus." Selon lui, la présence du réalisateur Cédric Klapisch à la réalisation de la saison 1 a beaucoup aidé à  la concrétisation de la série. "S'il n'avait pas été là, on ne l'aurait pas forcément fait aboutir. Les chaînes avaient peur que personne ne s'y intéresse, de se retrouver avec une sorte de 50minutes inside du cinéma, et Klapisch a rassuré tout le monde."

    Avant Dix pour cent, les séries prestige "étaient limitées au câble" selon Harold Valentin. Désormais, "le public est devenu plus sophistiqué. Il a vu tellement de choses de qualité que son niveau d'exigence a augmenté." Pour le producteur, les séries procédurales fonctionnent toujours et auront toujours leur public, "mais quand on veut faire différent il faut être très bon", car le public peut rejeter en bloc. "TF1 a réussi avec Les Bracelets Rouges, et France 2 avec Dix pour cent." La saturation actuelle des images et des fictions renforçant la concurrence, "il faut essayer d'aller vers la sincérité, vers la qualité, pour ne pas user le public."

    Parmi les intrigues des guests-phare de cette saison, Charlotte Gainsbourg (épisode 1) se demandera ainsi jusqu’où peut-on aller pour un métier, Franck Dubosc (épisode 2) sera las d'être enfermé dans des rôles-type, José Garcia (épisode 3) retrouvera un ancien amour de jeunesse devenue chef-opératrice sur un tournage (une histoire inspirée à Dominique Besnehard par une anecdote de Jean-Louis Trintignant), et Sandrine Kiberlain (épisode 4) se découvrira une passion soudaine pour le stand-up, tandis que Sigourney Weaver (épisode 5) sera confrontée au sexisme de l'industrie, face à un partenaire masculin plus âgé imposé par le réalisateur. Inspirée d'une anecdote personnelle de Dominique Besnehard et vécue par Jeanne Moreau, cette histoire s'est avérée "assez virulente dans la réalité", rapporte-t-il. "Vieillir pour une actrice est beaucoup plus difficile que pour un acteur (...) J'ai toujours aimé le courage des actrices, et je pense qu'elles sont plus courageuses dans leur choix. Elles peuvent se battre pour un projet, un metteur en scène...  J'ai beaucoup moins vu les acteurs prendre des risques." Mais aussi car passé la cinquantaine, les rôles féminins de premier plan se raréfient. "Il y a beaucoup moins de rôles pour les femmes passés un certain âge, et encore en France elles sont gâtées comparé à Hollywood !

    Jean Reno quant à lui concluera la série dans l'épisode final : alors d'un grand projet dans lequel l'agence a absolument besoin de lui se prépare, il décide d'arrêter le cinéma... 

    Christophe Brachet

    Un succès outre-Atlantique confirmé

    Mais les guests emblématiques ne sont que la "cerise sur le gâteau" de la série; pour ses producteurs, Dix pour cent est avant-tout une série de personnages, "empathique, pas donneuse de leçons", qui arrive à rassembler des téléspectateurs de différents horizons. "L'avantage d'avoir des guests, c'est que ça nous a permi d'avoir une grande liberté sur le choix des rôles récurrents", souligne Harold Valentin, les membres du casting étant devenus très sollicités suite au succès de la série. "Camille Cottin, si on faisait la saison 1 maintenant, elle s'appellerait Camille Cottin dedans !" plaisante Dominique Besnehard. 

    Nouveauté sur cette saison, la présence de Sigourney Weaver marque le succès de la série à travers le microcosme hollywoodien. Depuis sa mise en ligne sur Netflix, Dix pour cent a en effet gagné en popularité auprès des agents américains, qui ne tarissent pas d'éloges sur "Call my agent" (le titre anglais de la série). "Le bureau de Tom Hanks nous a appelés amicalement pour nous dire que si nous avions besoin d'aide, ils étaient là. Toutes les grosses agences là-bas connaissent la série" confie Michel Feller. "Lorsque Isabelle Huppert est partie faire la promotion de sa pièce de théâtre à New York l'an dernier, les journalistes ne lui parlaient que de son apparition dans Call my agent", s'amuse-t-il. A tel point que Sigourney Weaver a répondu favorablement à la production vingt-quatre heures après leur proposition. Qui plus est, celle-ci maîtrise parfaitement le français ! 

    La raison de cette popularité inattendue aux Etats-Unis réside peut-être dans le ton de la série, selon Harold Valentin. "A la différence d'Entourage (qui épingle le star-system hollywoodien, ndlr), la série est dépourvue de cynisme. Je pense que ça fait du bien, et que depuis 2008 et la crise financière, le cynisme n'est plus dans l'air du temps !" Côté exportation, la série se porte bien puisque des projets remake anglais, indien et chinois et québécois ont été signés, et d'autres sont en discussions du côté des Etats-Unis, de la Corée du sud, de l'Italie et de l'Allemagne... Chaque pays devant réfléchir à la spécificité de son modèle culturel en l'adaptant, ce qui laisse présager un univers très différent d'un continent à l'autre. 

    Et après ?

    Côté hexagonal, et alors que le succès de Dix pour cent ne faiblit pas au fil des saisons, une éventuelle suite pourrait-elle voir le jour ? "Si on trouve une idée viable et cohérente oui, mais cette saison offre une vraie fin à la série." Dominique Besnehard songe malgré tout à la possibilité d'un unitaire bonus, à l'instar des séries britanniques. "J'ai une autre idée, mais rien n'est fait : Dix pour cent pourrait avoir un "cinquième film", dirons-nous." Un spin-off sous forme d'unitaire ? "Peut-être. Je voudrais faire un Dix Pour cent à New York ! C'est Anne Holmes [directrice de la fiction de France Télévisions, ndlr] qui m'a suggéré l'idée, dans Plus Belle la vie il y a parfois des 90 minutes qui servent de déclinaison. Downton Abbey l'a fait en film récemment... Je pense qu'il faut faire un 90 minutes, et et peut-être le faire en Amérique. Quand on va à New York, tout le monde me parle de Call my agent ! Si on a eu Sigourney Weaver, c'est parce qu'elle l'a vue ! Donc pourquoi ne pas faire un grand épisode à New York, avec peut-être voir un des membres de l'agence, Camille Cottin ou la petite Fanny Sidney faire un stage là-bas, et se confronter à leur système." Bien que tout cela n'en soit qu'au stade "d'élucubrations" comme le rappelle le producteur.

    L'ex-agent de stars ne confirme rien en revanche concernant les déclarations de Thibault de Montalembert au journal 20 minutes mi-janvier, sur l'éventualité d'un spin-off consacré à Mathias et Noémie. "Ils veulent tous leur spin-off", plaisante Besnehard. Face à la multiplication des projets au cinéma et au théâtre des acteurs phare de la série, certains se sont rendus de moins en moins disponibles au fil du temps, ce qui a pu compliquer les plannings de tournage. "J'aurais préféré que Dix pour cent reste leur priorité avant tout", regrette-t-il.

    Redécouvrez notre reportage sur les coulisses du tournage de la saison 3 :

     

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