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    César 2020 : les réactions d'Adèle Haenel et Virginie Despentes au prix de Roman Polanski
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    L'actrice Adèle Haenel revient sur son départ de la 45ème soirée des César suite au prix de Meilleur réalisateur remis à Roman Polanski, avec le soutien de la romancière Virginie Despentes. Par ailleurs, d'autres voix du cinéma défendent ce prix.

    BORDE-JACOVIDES / BESTIMAGE + JB Autissier / Panoramic / Bestimage

    Vendredi soir, à l'annonce d'un César saluant Roman Polanski Meilleur réalisateur pour son film J'accuse, l'actrice Adèle Haenel et plus généralement l'équipe du film Portrait de la jeune fille en feu (la réalisatrice Céline Sciamma, la comédienne Noémie Merlant) ont quitté la salle Pleyel où se déroulait la cérémonie. Au micro de Médiapart samedi, Adèle Haenel a expliqué son choix : "Ils pensent défendre la liberté d’expression, en réalité ils défendent leur monopole de la parole. Ce qu’ils ont fait hier soir, c’est nous renvoyer au silence, nous imposer l’obligation de nous taire. Ils ne veulent pas entendre nos récits. Et toute parole qui n’est pas issue de leurs rangs, qui ne va pas dans leur sens, est considérée comme ne devant pas exister."

    Par "ils", l'actrice s'adresse à une partie du cinéma français qui a voté pour récompenser Roman Polanski, un cinéaste accusé à de multiples reprises de violences sexuelles. Le réalisateur était absent de la cérémonie et son prix lui sera envoyé. Elle poursuit :

    "Ils font de nous des réactionnaires et des puritain·e·s, mais ce n’est pas le souffle de liberté insufflé dans les années 1970 que nous critiquons, mais le fait que cette révolution n’a pas été totale, qu’elle a eu un aspect conservateur, que, pour partie, le pouvoir a été attribué aux mêmes personnes. Avec un nouveau système de légitimation. En fait, nous critiquons le manque de révolution."

    Adèle Haenel a ensuite conclu : "Ils voulaient séparer l’homme de l’artiste, ils séparent aujourd’hui les artistes du monde". Il faut rappeler que l'actrice s'est exprimée en novembre dernier (déjà au micro de Médiapart) sur le sujet des violences sexuelles en accusant puis en portant plainte contre le réalisateur Christophe Ruggia. Des faits que le cinéaste conteste.

    Vous pouvez revoir la séquence complète de son départ des César, filmée par Paris Match :

    Les soutiens à ce départ ne se sont pas fait attendre sur les réseaux sociaux, avec des réactions de plusieurs actrices :

    Dans un post Instagram depuis supprimé, l'actrice Sara Forestier (Le Nom des gens) avait écrit : "profondément je me sens mal. Nous ne pouvons pas faire comme s’il était un citoyen lambda, dans la mesure où il est fugitif. Je pense aux femmes, et clairement là ce soir en faisant le choix de le récompenser certains ont fait le choix d’étouffer une réalité pour faire comme si la situation était normale. Non être fugitif n’est pas normal, ni acceptable."

    L'actrice américaine Rose McGowan, l'un des visage de #MeToo a elle aussi soutenu Adèle Haenel sur Twitter : "Chére Adèle et Céline, Je sais ce que cela signifie d’être seul et de poursuivre ce qui est juste, et la sensation de pulsation qui vous traverse la tête. Vous brisez le système. Courage. Allez-y foncez! #AdeleHaenel #CelineSciamma #cesars2020"

    Alexandra Lamy (Tout le monde debout) a maintenu son post :

    Voir cette publication sur Instagram

    Avec tout mon soutien !!! 🌸

    Une publication partagée par Alexandra Lamy (@alexandralamyofficiel) le

    Autre exemple, la romancière et réalisatrice Virginie Despentes (Baise-moi, Vernon Subutex) a écrit dans une tribune de Libération sa colère vec un franc-parler certain :

    "Il n’y a rien de surprenant à ce que l’académie des césars élise Roman Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est grotesque, c’est insultant, c’est ignoble, mais ce n’est pas surprenant. Quand tu confies un budget de plus de 25 millions à un mec pour faire un téléfilm, le message est dans le budget. Si la lutte contre la montée de l’antisémitisme intéressait le cinéma français, ça se verrait. Par contre, la voix des opprimés qui prennent en charge le récit de leur calvaire, on a compris que ça vous soûlait."

    "(...) Vous pouvez nous la décliner sur tous les tons, votre imbécillité de séparation entre l’homme et l’artiste - toutes les victimes de viol d’artistes savent qu’il n’y a pas de division miraculeuse entre le corps violé et le corps créateur. On trimballe ce qu’on est et c’est tout. Venez m’expliquer comment je devrais m’y prendre pour laisser la fille violée devant la porte de mon bureau avant de me mettre à écrire, bande de bouffons".

    Elle continue plus loin : "Ce soir du 28 février on n’a pas appris grand-chose qu’on ignorait sur la belle industrie du cinéma français par contre on a appris comment ça se porte, la robe de soirée. A la guerrière. Comme on marche sur des talons hauts : comme si on allait démolir le bâtiment entier, comment on avance le dos droit et la nuque raidie de colère et les épaules ouvertes. La plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie - Adèle Haenel quand elle descend les escaliers pour sortir et qu’elle vous applaudit et désormais on sait comment ça marche, quelqu’un qui se casse et vous dit merde. (...) Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse."

    Par ailleurs, des acteurs, actrices et réalisateurs ont pris la défense de la remise du prix de Meilleur réalisateur à Polanski, parmi eux l'acteur Jean Dujardin (à l'affiche de J'accuse, postant, supprimant et postant à nouveau sur le sujet), Emmanuelle Seigner (à l'affiche de J'accuse et compagne de Roman Polanski) et sa soeur Mathilde, Claire Denis (remettante du prix du Meilleur réalisateur) ou Fanny Ardant (César de la Meilleure actrice dans un second rôle pour La Belle époque).

    La rédaction débriefe la 45ème cérémonie des César :

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