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    Vampires sur Netflix : "On est loin de Twilight et de Vampire Diaries"
    Mégane Choquet
    Mégane Choquet
    -Journaliste
    Journaliste spécialisée dans l'offre ciné et séries sur les plateformes quel que soit le genre. Ce qui ne l'empêche pas de rester fidèle à la petite lucarne et au grand écran.

    Disponible depuis le 20 mars sur Netflix, Vampires revisite la figure vampirique avec modernité. Son showrunner Benjamin Dupas est revenu sur la création de cette nouvelle production française.

    Emmanuel Guimier

    AlloCiné : Vous avez été scénariste sur les séries Vernon Subutex et Dix pour cent. Comment êtes-vous arrivé sur ce projet de série Vampires dont le genre est totalement différent ?

    Benjamin Dupas : J'avais envie d'explorer le fantastique et les séries de genre. Au printemps 2018 on a commencé à travailler sur Vampires mais avant ça j'avais proposé à Netflix un projet fantastique d'une adaptation d'un roman graphique. Netflix aimait bien l'idée mais ils avaient un projet trop proche dans les tuyaux, Vampires donc, et ils m'ont proposé de travailler dessus. J'ai lu le livre qui se rapprochait de ce que j'avais envie de faire et j'étais partant. C'est vrai que c'est totalement différent de ce que j'ai fait avant. Surtout que sur Dix pour cent et Vernon Subutex, j'étais un des auteurs importants mais sur Vampires j'ai le statut de showrunner.

    Vous travaillez en duo avec Isaure Pisani Ferry (Kaboul Kitchen). Comment s'est passée cette collaboration ?

    Ça s'est très bien passé. On a trouvé un bon équilibre. Je la connais depuis quelques années et je l'ai présenté à Netflix. Elle a beaucoup de talent, elle a d'ailleurs fait une formation européenne d'écriture et de showrunning de séries télé. Elle fait partie de cette nouvelle génération qui aime Netflix et moi aussi (rires). Du coup on a formé un bon duo mais on a aussi travaillé avec d'autres femmes, notamment Anne Cissé qui a fait avec nous les arches de la saison 1.

    Vous adaptez un roman inachevé. Comment aborde-t-on ce challenge ?

    J'ai envie de dire que ça laisse plus de liberté créative. Après, j'ai appris que ce roman était lui même issu d'un projet inabouti de série télévisé que Thierry Jonquet [l'auteur du roman, publié à titre posthume en 2011, ndlr] avait avec Canal+. Les projets ne vivent jamais vraiment et ne meurent jamais vraiment. C'est surtout l'ADN de ce projet qui a été le moteur d'écriture : la promesse d'une famille de vampires clandestine et planquée dans le Belleville réaliste, social, contemporain et métissé. On a changé les personnages, on a peu de scènes en commun avec le livre, on a abandonné l'ambiance polar mais l'essence du projet est là.

    Emmanuel Guimier

    Vous parliez de Belleville. C'est vrai que Paris est filmée telle qu'elle est dans la série et non comme une carte postale. C'était important pour vous de retranscrire cette réalité ?


    Ça vient aussi de l'écriture de Jonquet mais oui, c'était important de filmer un Belleville contemporain. Il y a des plans qui sont filmés depuis mon balcon. Ça compte, c'est un moteur.

    La figure du vampire a toujours fasciné. Après une grande période à la mode dans les années 90 et début 2000, il semblerait que cette créature rencontre un petit regain d'intérêt ces derniers temps alors que l'époque est plus propice aux zombies et aux super-héros. Pourquoi selon vous ?

    C'est un sous-genre qui est très porteur et c'est vrai qu'on se rend compte que c'est très riche, on peut raconter plein de choses avec. C'est un terrain de jeu intéressant avec des codes : le sang, le soleil, les pouvoirs et le potentiel métaphorique. Dans un sens, c'est un genre qui ne vieillit pas, ça touche aux choses fortes de l'existence, la vie, la mort et on peut angler tout ça en fonction des projets. On a choisi d'axer sur l'identité, la clandestinité, la vulnérabilité et non pas la sexualité ou la violence qui ont souvent été utilisées.

    On voulait vraiment raconter l'histoire de Doïna à travers son regard avec ce qu'on apelle le female gaze.

    Le vampire est une créature souvent utilisée dans les séries pour adolescents pour représenter une période de construction identitaire, de découverte sexuelle et de conflit avec les parents. Qu'est-ce qui fait de la figure vampirique une métaphore parfaite de cette période du passage à l'âge adulte ?

    On utilise effectivement cette métaphore avec le personnage de Doïna (Oulaya Amamra), le côté coming of age et la découverte du vampirisme. C'est un lieu commun, ça va aussi avec les séries Netflix mais d'un autre côté, on l'explore différemment. On est loin de Twilight ou Vampire Diaries. On est plus inspiré par Buffy sur le côté humain mais surtout on a fait de notre héroïne une vampire, ce qui est plus rare alors qu'on a toujours le schéma d'un humaine qui tombe amoureuse d'un vampire. Et on voulait vraiment raconter l'histoire de Doïna à travers son regard avec ce qu'on appelle le female gaze.

    Contrairement à certaines autres séries de vampires, Vampires désacralise le mythe de cette créature. Elle a souvent été idéalisée, belle, lumineuse paradoxalement, opulente, inaccessible. Dans la série, les vampires sont marginalisés, laids, cachés, vulnérables et pauvres. Le parti pris est intéressant.

    C'est vrai que la vulnérabilité n'est pas associée aux vampires en général. Dans tous les récits classiques, on vit d'un point vue humain une histoire d'amour, de désir, de la tentation avec un vampire comme autre fascinant, transgressif, désirable comme dans Twilight ou Vampire Diaries. Dans Vampires, c'est le contraire. On suit l'histoire à travers le point de vue d'une héroïne vampire, de sa mère Martha (Suzanne Clément), des personnages féminins réalistes. On renverse l'ordre habituel et on revisite le mythe.

    Emmanuel Guimier

    On ressent quelques influences inévitables dans votre série. Certains penseront à Grave de Julia Ducournau ou Buffy, d'autres à Dario Argento ou Only Lovers Left Alive. Quelles ont été vos inspirations ?

    Effectivement, ce que vous citez ont été des inspirations, certaines pour la dramaturgie, d'autres pour l'esthétique pour laquelle je n'ai pas joué un rôle. On a fait appel à de jeunes réalisateurs de cinéma qui avait leurs références. Mais la plus grande inspiration pour moi en tout cas a été Near Dark (Aux frontières de l'aube, en français) de Kathryn Bigelow que la directrice artistique m'a fait découvrir. On a voulu respecter le genre donc on a évidemment des références des canons du genre qui se sont fait une place dans l'imaginaire collectif comme Twilight, True Blood, etc. Mais on a aussi voulu se pencher sur des versions alternatives voire minoritaires comme A Girl Walks Home Alone At Night d'Ana Lily Armipour et Grave de Julia Ducournau et Near Dark du coup.

    La série se termine par un énorme cliffhanger. Est-ce qu'on peut espérer une saison 2 ? Avez-vous déjà des idées ?

    Bien sûr, on en a. Tout dépend de l'accueil de la série, on respectera le choix du public. On espère que les gens vont accrocher. Si ça mord, tant mieux (rires). On verra mais on a une histoire de famille qui peut durer longtemps.

    Propos recueillis à Paris le 10 mars 2020

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