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    L'Homme de Rio à 13h50 sur France 2 : une comédie d'aventures à la Tintin qui a inspiré Indiana Jones
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Diffusé ce vendredi 10 avril à 13h50 sur France 2 et considéré par Hergé comme la meilleure adaptation de Tintin, "L'Homme de Rio" n'est pas qu'une comédie d'aventures mouvementée : c'est aussi le film qui a inspiré la saga "Indiana Jones".

    Les Acacias

    Imaginez un opus de Tintin dans lequel le héros ne serait pas reporter mais un militaire en permission, parachuté malgré lui à Rio pour secourir sa fiancée, enlevée à Paris à cause d'une mystérieuse histoire de statues capables de mener au trésor d'une civilisation éteinte. Si vous avez du mal à le visualiser, ne vous en faites pas, car France 2 le diffuse ce vendredi 10 avril à 13h50, puisqu'il ne s'agit pas d'une bande-dessinée mais d'un film : L'Homme de Rio. Une vraie comédie d'aventures, exotique et mâtinée de romance ainsi que d'un zeste de fantastique, qui achève la transformation de Jean-Paul Belmondo en Bébel, la star casse-cou et bondissante, et aura grandement contribué à faire naître un célèbre archéologue quelques années plus tard.

    Sorti en février 1964 dans les salles françaises, où il attire 4 800 626 spectateurs pour devenir le quatrième plus gros succès de l'année (derrièe Bons baisers de RussieMerlin l'enchanteur et Le Gendarme de Saint-Tropez), L'Homme de Rio marque la deuxième des six collaborations entre Philippe de Broca et Jean-Paul Belmondo, qui se retrouvent très peu de temps après Cartouche (1962) et décident de voir plus grand. Ce sera en Amazonie, où le deuxième classe Adrien Dufourquet se retrouve après avoir suivi les ravisseurs de sa fiancée Agnès Villermosa, fille d'un célèbre ethnologue mort dans des circonstances étranges après avoir participé à une expédition au Brésil. Menée sans temps mort et sans cesse en mouvement (l'une des marques de fabrique du co-scénariste Jean-Paul Rappeneau, futur réalisateur de Cyrano de Bergerac), cette aventure reste aujourd'hui encore un modèle du genre et la meilleure adaptation de Tintin selon Hergé lui-même.

    Quelques années auparvant, Philippe de Broca avait d'ailleurs été approché pour mettre en scène la première adaptation en prises de vues réelles, Le Mystère de la toison d'or. Si le projet n'a pas abouti avec lui, ça n'était que partie remise, car le réalisateur n'a jamais caché avoir allègrement puisé dans divers albums de Tintin au moment de donner naissance à cet Homme de Rio. Ce qui se voit et saute aux yeux, tant les références paraissent nombreuses : le vol de la première statuette dans la scène d'ouverture n'est pas sans rappeler, jusque dans l'accoutrement du malfrat, celui du fétiche arumbaya au musée ethnographique dans "L'Oreille cassée" ; la malédiction qui plane sur les explorateurs ayant trouvé les statuettes en question, et la manière dont Agnès est emmenée, droguée, comme le Professeur Tournesol, rappellent évidemment "Les Sept Boules de cristal", tandis que la rencontre entre Adrien et le petit brésilien Sir Winston fait écho à celle entre le reporter et Zorrino dans "Le Temple du soleil", en plus du décor de jungle.

    On pense aussi au "Crabe aux pinces d'or", à la chasse au trésor du "Secret de la Licorne", à "Tintin en Amérique" lorsque le héros passe d'une chambre d'hôtel à l'autre en passant par la corniche du bâtiment, à "Tintin au Congo" quand il est suspendu au-dessus d'un crocodile et délivré par un piroguier, ou encore au "Sceptre d'Ottokar" pendant la course-poursuite à moto, sans casque, dans les rues de Paris, plus d'un demi-siècle avant que Tom Cruise ne fasse de même dans Mission : Impossible - Fallout. L'influence de l'œuvre d'Hergé transpire de la pellicule du long métrage de Philippe de Broca, et le scénario semble jouer avec nos connaissances, en faisant intervenir un policier aussi fûté que les Dupondt, ou présentant un personnage, enlevé dès les premières minutes, comme le Professeur Tournesol de son histoire. Pour mieux nous surprendre ensuite, et prouver que L'Homme de Rio n'est pas qu'une compilation mais un film qui parvient à en capturer l'essence.

    Capture d'écran

    Évoquant également La Mort aux trousses d'Alfred Hitchcock (en plus de le citer ouvertement lorsque Jean-Paul Belmondo, poursuivi par une voiture, plonge dans un fossé comme Cary Grant dans la scène de l'avion), autre histoire dans laquelle un homme ordinaire est plongé dans une série de péripéties plus folles les unes que les autres, L'Homme de Rio a sans doute séduit Hergé par la capacité de son metteur en scènes, ses scénaristes et ses acteurs à aller au-delà des hommages, qui sont davantage des clins-d'œil que la vraie raison d'être du projet. Un peu comme quand Bruno Podalydès expose sa tintinophilie aux yeux du public dans ses adaptations du dyptique Le Mystère de la chambre jauneLe Parfum de la dame en noir de Gaston Leroux. La force principale du film de Philippe de Broca, outre la beauté de ses décors, réside dans la vivacité de son récit et celle de ses interprètes.

    Imposée avec difficulté par le réalisateur, qui a dû batailler avec les producteurs, la regrettée Françoise Dorléac incarne Agnès qui, bien que fréquemment enlevée, n'est pas une demoiselle en détresse mais une jeune femme fougueuse et aventureuse qui ne fait pas les choses à moitié, quitte à se retrouver dans des situations impossibles. Ou contraindre son compagnon de remuer ciel et terre pour la retrouver pendant sa permission. Ses quelques tête-à-tête avec Adrien sont aussi mouvementés que les scènes d'action du long métrage, et leur couple rappelle les belles heures de la screwall comedy hollywoodienne, ces comédies loufoques à tendance romantique où les prises de becs sont plus fréquentes que les mots d'amour. Face à celle qu'il retrouvera quelques mois plus tard au générique de La Chasse à l'homme, Jean-Paul Belmondo est un Tintin plus râleur et sexué que son modèle, mais tout aussi casse-cou, et l'acteur n'a pas manqué une occasion de faire ses propres cascades, sans protection.

    Capture d'écran

    A l'exception du saut en parachute, exécuté par Gil Delamare, c'est bien l'acteur qui joue avec sa vie à plus d'une reprise : en faisant de la moto sans casque dans les rues de Paris, en passant par la corniche d'un hôtel pour aller d'une chambre à l'autre, en échappant à des voitures qui foncent vers lui à vive allure ou en déambulant sur les échaffaudages d'un immeuble en construction pour échapper à ses assaillants. Une séquence qui a bien failli lui coûter cher car le moment où il glisse sur le rebord et se rattrape de justesse n'était pas prévu dans le scénario, mais bien un accident qui a été conservé au montage. S'il ne l'a jamais vraiment mentionné, nul doute que le Tom Cruise de ces dernières années, celui qui risque de faire de chaque film son dernier, a été influencé par l'acteur français et par ce film, dont on retrouve des traces évidentes dans le second OSS 117 avec Jean Dujardin, fan reconnu de Bébel, et la filmographie de Steven Spielberg.

    Le papa d'E.T. n'a en effet jamais caché s'être inspiré de l'opus de Philippe de Broca, nommé à l'Oscar du Meilleur Scénario en 1965, au moment de donner naissance à Indiana Jones dans Les Aventuriers de l'Arche Perdue. C'est d'ailleurs au moment de la sortie du film, après avoir lu des critiques comparant son héros à celui d'Hergé que Spielberg découvre Tintin et s'empare des droits des bandes-dessinées en 1984, avec l'intention de les adapter sur grand écran, ce qu'il fera enfin, en 2011 et en performance capture, avec Le Secret de la Licorne. Si cela lui aura demandé plus de temps qu'il ne l'imaginait sans doute, le réalisateur a fini par boucler la boucle, en redonnant vie au reporter indirectement à l'origine de l'un de ses plus gros succès. Et si l'adaptation du dyptique "Les Sept boules de cristal" - "Le Temple du soleil" envisagé par Peter Jackson ne devait pas voir le jour, les fans pourront se consoler en se disant qu'une autre version moins officielle existe : elle s'appelle L'Homme de Rio, et elle fait très bien le boulot.

    L'Homme de Rio
    L'Homme de Rio
    Sortie : 1 février 1964 | 1h 52min
    De Philippe de Broca
    Avec Jean-Paul Belmondo, Françoise Dorléac, Jean Servais
    Spectateurs
    3,8
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