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    Les ZAZ : (re)découvrez le cinéma loufoque des rois de la parodie, de Y a-t-il un pilote dans l'avion ? à Hot Shots !
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    En l'espace de quelques longs métrages, ils ont imposé leur style et leur humour, qui ont fait d'eux des rois de la parodie. Quoi de mieux que se replonger dans le cinéma barré des ZAZ, de "Y a-t-il un pilote dans l'avion ?" à "Hot Shots !" ?

    Twentieth Century Fox France

    Ils ont permis à Val Kilmer de faire ses premiers pas sur grand écran, révélé le talent comique de Leslie Nielsen et signé quelques-unes des comédies les plus drôles de tous les temps, qui leur ont conféré le statut de rois de la parodie. Eux, ce sont les ZAZ, acronyme qui désigne le trio formé par David ZuckerJim Abrahams et Jerry Zucker, papas d'un humour qui mêle détournement, gags potaches, sens du détail qui tue et répliques débiles prononcées avec le plus grand des sérieux par les comédiens. Du film-catastrophe à l'espionnage, en passant par le film noir ou le film de guerre, bon nombre de genres sont passés entre les mains des réalisateurs et scénaristes, capable de faire référence à des œuvres telles que Le Magicien d'OzLa Belle et le clochard ou Tant qu'il y aura des hommes au détour d'une scène. Alors qu'une bonne partie de leur filmographie est disponible sur OCS, quoi de mieux que se (re)plonger dedans, pour rire à gorge déployée pendant ce confinement ?

    Si le début des années 80 marque leur véritable acte fondateur, avec Y a-t-il un pilote dans l'avion ?, la naissance de l'humour ZAZ remonte en réalité à 1977 lorsqu'ils participent, en tant que scénaristes, au film à sketches Hamburger Film Sandwich de John Landis. Un long métrage inégal mais dans lequel se trouvent déjà la majorité des ingrédients de leur cinéma, à commencer par ce goût de la parodie avec lequel ils décolleront, au propre comme au figuré, quelques années plus tard en se payant les films-catastrophe, très en vogue à l'époque, type Airport ou encore A l'heure zéro, dont ils reprennent la trame globale, le nom d'un personnage (Ted Stryker, ici joué par Robert Hays) et cette réplique improbable : "Nous devons trouver une personne qui soit non seulement capable de piloter cet avion, mais qui n'a surtout pas mangé de poisson au dîner."

    Car si l'ensemble fonctionne par segments, un fil conducteur lie le tout et ce sera le cas dans leurs longs métrages suivants : à l'urgence, ici, de trouver un pilote capable de faire atterrir un avion en perdition suite à une intoxication alimentaire majeure succèdent en effet les enquêtes de Frank Drebin ou les missions de Topper Harley ou Nick Rivers, le héros de Top Secret !, prétextes à un enchaînement de catastrophes souvent plus drôles les unes que les autres et qui fonctionnent encore après plusieurs visionnages. Parce qu'on y remarque un détail caché au second plan qui nous avait échappé jusqu'ici, qu'ils manient l'absurde et le burlesque avec une universalité qui rend leurs films accessibles à tous, et ont le bon goût de rendre leurs parodies efficaces auprès de tout le monde, y compris ceux qui n'ont pas vu les œuvres détournées. Connaître La Fièvre du samedi soir peut bien sûr aider et décupler l'effet comique de la scène au cours de laquelle les ZAZ s'y attaquent. Mais celle-ci sait se suffire à elle-même, chose que certains des héritiers du trio (les auteurs de Big Movie et consorts) n'auront que trop peu en tête.

    Dès ce premier long métrage écrit et mis en scène par leur soin, la formule de leur cinéma paraît claire avec un humour qui prend diverses formes : visuelle, avec gags purement burleques et physiques (une chute, une porte écrasée sur le nez de Barbara Bush…) ; verbale, au gré de répliques complètement improbables ; en jouant sur les attentes du spectateur et la logique de choses (les héros d'Hot Shots ! 2 qui rejoignent l'hélicoptère qui doit les conduire hors d'Irak à bord d'un taxi… new-yorkais). Il y a aussi des quiproquos, des détournements de films et/ou genres cinématographiques… Bref, l'humour ZAZ s'exprime de différentes manières, ce qui le rend riche et lui permet de supporter plusieurs visionnages permettant de découvrir de nouveaux éléments et mieux apprécier la mécanique de précision qui est la leur.

    Au premier abord, le cinéma des ZAZ paraît foutraque, ce que Y a-t-il un pilote dans l'avion ? et son faible budget qui lui donne une allure fauchée tend à confirmer, au même titre que leur manière de mettre en scène toutes les idées qui leur sont passées par la tête autour d'une situation donnée. Mais c'est une méprise et Top Secret ! (1984), leur second long métrage et le dernier où ils seront tous les trois crédités comme réalisateurs, le prouve bien. Parodie mêlant espionnage et guerre dans laquelle un chanteur de rock américain est plongé dans une histoire de résistance contre des nazis nostalgiques de la Seconde Guerre Mondiale, et où l'influence de Mel Brooks, leur modèle revendiqué, transparaît le plus, le film n'est pas le plus cité de ceux de leurs auteurs mais il gagne à être revu. Son efficacité reste redoutable et il nous offre quelques morceaux de bravoure, à l'image de cette scène montée à l'envers (que les Nuls, fans du trio, reprendront pour un sketch de leur émission), ou du générique hilarant qui combine surf… et ball-trap.

    Plus encore que dans Y a-t-il un pilote dans l'avion ? (dont la suite, malgré le casting, a été faite dans le dos des ZAZ sans leur participation), Top Secret ! fait du montage une composante essentielle de leur humour, au même titre que l'écriture et la mise en scène. Convoquant quelques visages connus (Omar Sharif ou Peter Cushing, qui rejoue et détourne un passage de Frankenstein s'est échappé), il contient des gags qui ont influencé bon nombre de comédies, à l'image de celui où c'est la gare qui bouge et pas le train, et restera comme celui qui a révélé Val Kilmer. L'acteur faisait là ses débuts sur grand écran et il n'a pas fait les choses à moitié puisque c'est aussi lui qui chante les chansons de son personnage. Ce sera pourtant sa seule expérience avec le trio même s'il reviendra dans leur filmographie d'une manière plus inattendue : à travers Cary Elwes, qui parodie son personnage de Top Gun dans Hot Shots !

    Avant cela, les ZAZ créent un écrin pour celui qui restera la figure de proue de leur cinéma : Leslie Nielsen. Comme Val Kilmer, les réalisateurs et scénaristes l'ont révélé, mais différemment. Grâce à des rôles comme celui qu'il tenait dans Planète interdite, l'acteur se destinait à un registre plus sérieux et a même eu sa période "jeune premier". Grâce au trio, il se découvre un incroyable timing comique qui lui permet d'exploser auprès du grand public, quitte à rester cet indécrottable gaffeur jusqu'à la fin de sa carrière. Après le coup d'essai dans Y a-t-il un pilote dans l'avion ?, Jim Abrahams et les Zucker en font le héros de Police Squad ! (1982), série en six épisodes qui servira de base à la saga des Y a-t-il un flic… ? Soient les aventures et enquêtes de Frank Drebin, lieutenant de police plus apte à créer des catastrophes qu'à en empêcher.

    Flirtant régulièrement avec l'incident diplomatique, il parvient néanmoins à sauver la Reine d'Angleterre, le Président des États-Unis et même Hollywood (mais pas l'Humanité aux côtés d'Ophélie Winter, car le long métrage ne fait pas partie de la franchise, et c'est très bien comme ça) pendant que les ZAZ, après le film-catastrophe et l'espionnage, prouvent leur aisance dans le genre policier aux accents de film noir (voix-off pensive incluse), tout en intégrant une romance au long cours entre Drebin et Jane Spencer (Priscilla Presley), qui fera office de fil rouge entre les trois opus et permettra de creuser le héros et le rendre plus attachant, sans rien lui enlever de sa drôlerie. Réalisés par le seul David Zucker (à l'exception du troisième, signé Peter Segal), ils portent la marque du trio qui étend son champ d'action avec sa muse et, comme dans la série, dont chaque épisode s'achevait sur une fausse image arrêtée, joue avec quelques codes du cinéma. Non sans glisser quelques références, ou nous cueillir avec un générique culte qui traduit bien leur façon de jouer la carte de la gradation autour d'une idée.

    Sorti en 1991, Y a-t-il un flic pour sauver le Président ? est le dernier film dans lequel David Zucker, Jim Abrahams et Jerry Zucker sont tous les trois impliqués dans le scénario et/ou la réalisation. Il est pourtant difficile de ne pas considérer les deux Hot Shots, dont le premier épisode date de la même année, comme des opus des ZAZ. Voire leur chef-d'œuvre. Car leur empreinte est partout dans les aventures de Topper Harley, ex-pilote star de l'armée américaine amené à sauver son pays par deux fois tout en gérant sa relation compliquée avec Ramada Thompson (Valeria Golino), psychologue devenue espionne. Réalisé par Abrahams, le dyptique met en lumière celui que l'on peut considérer comme le quatrième membre du trio : le scénariste Pat Proft, qui a également œuvré sur la saga Police Academy, et travaille avec eux depuis la série Police Squad !

    Si les Hot Shots ! sont des films des ZAZ, c'est aussi grâce à lui, car jamais les longs métrages ne jurent au sein de la filmographie du trio dont ils constituent l'un des sommets en s'attaquant au patriotisme américain grâce à des parodies de Top Gun et Rambo III au sein desquelles Charlie Sheen fait des ravages en ersatz de Tom Cruise puis Sylvester Stallone au sérieux imperturbable lorsqu'il s'agit de faire des déclarations d'amour aussi improbables que "Mon cœur se tirebouchonne sur mes chevilles comme un vieux slip moite". A ses côtés, Valeria Golino n'est pas en reste, mais le vrai voleur de scènes, c'est Lloyd Bridges. Comme Leslie Nielsen, Y a-t-il un pilote dans l'avion ? a révélé le talent comique du père de Jeff, mais il a fallu patienter une décennie avant de le retrouver dans cet univers. D'abord Amiral dans le premier opus, il prend du galon dans la suite et devient Président des États-Unis, parodiant ainsi le locataire de la Maison-Blanche de l'époque, George H. W. Bush.

    Avec plus de moyens qu'auparavant, l'humour des ZAZ atteint alors son apogée… avant de décliner, rapidement. Moins réussi que les deux précédents, Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood ? montre des signes d'essoufflement que les amusants mais oubliables Le Détonateur (écrit et réalisé par Pat Proft) puis Le Prince de Sicile (dernier rôle de Lloyd Bridges, sous la direction de Jim Abrahams) ne font que confirmer. Réuni par le Festival du Cinéma Américain de Deauville, qui lui a rendu un hommage en 2009, le trio n'a plus jamais retravaillé ensemble et son cinéma paraît appartenir à une époque révolue. David Zucker a bien essayé de reprendre la saga Scary Movie en main, avec l'aide de Leslie Nielsen, mais si l'épisode 3 est au mieux sympathique, le 4 est raté, alors qu'il a été co-écrit par Jim Abrahams. Un échec qui laisse entendre que leur style appartient bien au passé, et n'est plus en phase avec la comédie et le public actuels, ce qui n'est pas tout a fait exact.

    Qu'ils persistent dans la comédie ou s'essayent à un autre registe, comme Jerry Zucker avec Ghost ou Lancelot, les ZAZ n'ont pas réussi à retrouver le mojo qui était le leur pendant près de quinze ans. Le temps a toutefois œuvré en leur faveur. Car si l'on peut trouver qu'un film comme Y a-t-il un pilote dans l'avion ? a un peu vieilli, leur filmographie n'a pas pris une ride tant son efficacité reste redoutable, chaque revisionnage permettant de constater à quel point ils ont bâti une œuvre unique, en jouant sur plusieurs tableaux dans un registre qui ne pardonne pas la moindre baisse de rythme. Dans la lignée de Mel Brooks, ils ont su s'approprier la parodie, et force est de constater que personne n'est parvenu à leur succéder vraiment.

    Il y a bien eu La Cité de la peur. Ou les OSS 117 de Michel Hazanavicius, qui jouent sur une autre forme de décalage, plus subtile, en reprenant les codes des films de l'époque à laquelle se déroule le récit. Ou les frères Wayans qui, de Spoof Movie à Cinquante Nuances de Black en passant par les deux premiers Scary Movie, ont tenté de marcher sur leurs traces en insufflant dans leurs films une bonne dose de trash qui s'est trop vite muée en solution de facilité au détriment de la qualité. Sans oublier le duo Jason Friedberg - Aaron Seltzer, co-scénaristes du premier Scary Movie, qui se content d'aligner les pastiches sans se soucier de raconter une histoire ni de mettre en scène leur gags dans les longs métrages qu'ils réalisent depuis Sexy Movie et Big Movie. Plus récemment, et de façon inattendue, Angie Tribeca s'est pourtant imposée comme la fille de Police Squad !

    A l'heure où la comédie américaine repose davantage sur les improvisations de ses stars, la série portée par Rashida Jones a fait souffler un vent de fraîcheur et d'absurdité, et rappelé de bons souvenirs aux fans des ZAZ. Annulé au terme de sa quatrième saison, le show n'a pas rencontré le succès escompté mais la qualité et l'humour parodique étaient là, et le co-créateur de cette pépite n'est autre que Steve Carell, dont la prestation dans Max la menace rappelait le Leslie Nielsen des Y a-t-il un flic… ? Un acteur dont Ty Burrell semble d'ailleurs suivre la trajectoire, puisque ce second rôle régulier du cinéma américain passait inaperçu avant de révéler tout son talent comique grâce à Modern Family. Et si le prochain Frank Drebin était là ?

    Plutôt que de jouer la carte du reboot, il serait évidemment mieux que quelqu'un parvienne à s'inspirer de l'humour des ZAZ pour le transformer aussi efficacement qu'ils ne l'ont fait à leur époque, mais l'heureux élu n'est pas encore arrivé, quand bien même les Very Bad Blagues du Palmashow constituent un bel hommage au trio dont ils reprennent l'une des marques de fabrique : les multiples variations autour d'une idée, avec une gradation dans l'absurde et un jeu sur le montage. Des épisodes que vous pouvez revoir en ligne au même titre qu'une bonne partie de la filmographie commune de David Zucker, Jim Abrahams et Jerry Zucker, puisque les Y a-t-il un flic… ? sont visibles sur OCS, au même titre que Top Secret ! et Y a-t-il un pilote dans l'avion ?, classé parmi les dix films les plus drôles de tous les temps selon l'American Film Institute, qui est également disponible sur Amazon Prime Video. On fait difficilement plus drôle pour se changer les idées en cette période de confinement.

    Y a-t-il un pilote dans l'avion ?
    Y a-t-il un pilote dans l'avion ?
    Sortie : 24 septembre 1980 | 1h 25min
    De David Zucker, Jim Abrahams, Jerry Zucker
    Avec Kareem Abdul-Jabbar, Leslie Nielsen, Peter Graves
    Spectateurs
    3,3
    Voir sur Paramount+
    Y a-t-il un flic pour sauver la reine ?
    Y a-t-il un flic pour sauver la reine ?
    Sortie : 1 mars 1989 | 1h 25min
    De David Zucker
    Avec Leslie Nielsen, George Kennedy, Priscilla Beaulieu-Presley
    Spectateurs
    2,9
    Voir sur Paramount+
    Hot Shots!
    Hot Shots!
    Sortie : 30 octobre 1991 | 1h 24min
    De Jim Abrahams
    Avec Charlie Sheen, Cary Elwes, Valeria Golino
    Spectateurs
    3,4
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