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    Search Party sur OCS : comment cette comédie policière est devenue une série incontournable
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Après plus de deux ans d'attente, "Search Party" fait enfin son retour, grâce à HBO Max et OCS, son diffuseur français. Alors que la saison 3 s'apprête donc à débuter, retour sur la façon dont la petite curiosité pop est devenue incontournable.

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    ATTENTION - Cet article évoque en détails certains rebondissements des deux saisons de "Search Party", diffusée depuis 2017 sur OCS en France. Il contient donc bon nombre de spoilers sur l'intrigue, et il vaut donc mieux passer votre chemin si vous n'êtes pas à jour et que vous ne voulez rien savoir. Voire que vous n'avez jamais regardé, auquel cas, laissez-vous d'abord convaincre par ces cinq raisons. Ou les images de la saison 1 ci-dessous.

    "Je regrette l'époque où j'avais des problèmes pour rien", disent les très belles affiches de la saison 2 de Search Party, disponible sur OCS depuis la fin 2017. Car la "party" du titre est bel est bien finie pour Dory, Drew, Elliott et Portia, ces quatre "millenials" que nous avions découvert fin 2016, avec un regard mi-curieux mi-amusé pour cette nouveauté aux faux airs d'How To Get Away with Murder, dont il partage notamment l'ambiance pop. Après être partis à la recherche de leur camarade disparue, les quatre héros doivent désormais faire face aux conséquences de leurs actes, alors que la série s'est, petit-à-petit, muée en incontournable.

    HITCHCOCK EN STOCK

    Là où la saison 1 avait des allures de "Club des Cinq" hipster, la 2 joue la carte Hitchcock dont l'ombre, déjà doucement présente auparavant, est un peu plus écrasante ici. Dans les titres déjà : au "The Woman Who Knew Too Much" ("La Femme qui en savait trop", référence à peine voilée à L'Homme qui en savait trop) de l'an dernier succèdent "Suspicion", "Frenzy" et même "Psychosis". Puis grâce aux thèmes centraux, et notamment la culpabilité, la vérité et la paranoïa, mises en avant par Alia Shawkat, interprète de Dory, au moment de teaser la suite de l'histoire. Sans grande surprise, au vu des événements précédents.

    Un petit retour en arrière s'impose alors : à la fin de la saison 1, nos héros parviennent à retrouver Chantal Winterbottom (Clare McNulty) à Montreal, et découvrent que celle-ci n'a pas vraiment été enlevée. Non, elle a tout simplement organisé sa propre disparition, et la déception des protagonistes laisse plaisse à l'effroi et l'incertitude lorsque qu'une confrontation entre Dory et Keith (Ron Livingston), détective soi-disant engagé par la famille de la disparue, s'achève par la mort "semi-accidentelle" du second, à coups d'oeuvre d'art et de chute sur l'ilôt de la cuisine.

    La saison 2 débute quelques instants plus tard, au même endroit. Et tandis qu'il est déjà trop tard pour ses trois amis, la vie de Portia (Meredith Hagner) bascule lorsqu'elle ouvre la porte de la cuisine dans laquelle se trouve le cadavre de Keith, et perd définitivement son innoncence en devenant complice du meurtre commis par Dory puis Drew (John Reynolds). Jadis futiles, les problèmes du quatuor deviennent palpables alors qu'un sentiment de culpabilité les envahit pour ne plus les quitter. Il n'est ici plus question de jouer au détective amateur, mais de réparer ce que l'on a fait. La preuve dans ces images.

    LES VRAIS COUPABLES

    Au fil des dix épisodes, aux titres courts et qui évoquent les différents états par lesquels passe tout ce beau monde ("Murder !", "Hysteria", "Obsession"...), chacun tente de composer à sa manière avec cette culpabilité et les remords qui vont avec : en cherchant à fuir (Drew), en l'exorcisant à travers l'art (Portia) ou en tentant, tout simplement, de faire comme si de rien n'était, à l'image d'Elliott (John Early)... très vite rattrapé par un subsconscient qui se manifeste sous forme de rougeurs sur son corps et l'entraîne au bord de la folie.

    Plus encore que la précédente, la saison 2 de Search Party excelle lorsqu'il s'agit d'entrecroiser les parcours respectifs de ses protagonistes, sans que personne ne soit laissé sur la touche (à l'exception de Julian, moins en vue que les autres), ni relégué au second plan derrière la partie policière, qui s'incarne à nouveau à travers Dory. Aux premières loges du fait de son implication dans la mort de Keith, avec qui elle avait eu une aventure, la jeune femme est celle pour laquelle nous tremblons le plus. Pas parce que les autres sont moins intéressants, non, mais bien parce que chaque action semble capable de faire éclater la vérité. Et de la perdre.

    Alors que l'étau se resserre lorsque l'ex-femme du détective (Judy Reyes), puis une policière (Tymberlee Hill), se mettent sur son chemin, l'héroïne de la série entame un drôle de pas de deux avec sa propre culpabilité. Capable de se rendre aux obsèques de Keith comme de vouloir s'enfuir le plus loin possible, elle perd progressivement pied sous nos yeux et incarne à merveille la noirceur qui s'empare de la mise en scène et du récit au fil de sa progression. Avec, comme dans How To Get Away With Murder, un dilemme pour le téléspectateur, qui prend fait et cause pour des meurtriers, qu'il espère voir tirés d'affaire.

    L'HUMOUR AUX TROUSSES

    Ce ne sera hélas pas le cas, mais nous y reviendrons plus tard. Car il convient d'abord de vous rassurer par rapport au pessimisme qui ressort des lignes ci-dessus : si vous êtes friands de l'humour de Search Party, celui-ci n'a pas totalement disparu derrière la noirceur, et la cocasserie est encore de mise dans les nouveaux épisodes. Un peu moins qu'avant, certes, mais il y a toujours de quoi nous faire sourire pour atténuer la pression. Même momentanément. Elliott est toujours "over the top", l'audition de Portia pour une pièce centrée sur les meurtres de Charles Manson et sa relation avec le metteur en scène s'avèrent vite lunaires, et les manoeuvres de Drew pour être muté à Hong Kong, bien qu'un peu grosses, sont amusantes.

    Mais rien n'égale, dans ce registre, LE gros noeud dramatique de la saison, lorsque Drew et Dory se rendent compte que quelqu'un est au courant du meurtre et cherche à les faire chanter : de l'ex-femme de Keith au détective qui ne serait finalement pas mort, en passant par l'un des membres du quatuor principal, les suspects potentiels ne manquent pas, alors que le maître chanteur n'est autre qu'April (Phoebe Tyers), leur voisine du dessous, qui a découvert leur terrible secret en... les entendant se disputer à ce sujet. Et que dire de cette scène d'effraction, pour récupérer un enregistrement compromettant, qui se mue rapidement en version comique de Fenêtre sur cour ?

    Des références à Hitchcock que l'on retrouve dans les affiches de la saison 2

    Search Party : comment la petite curiosité pop devient une série incontournable

    C'est aussi dans cet art du décalage (qui prend également des atours politiques via une sous-intrigue autour d'une élection) et l'équilibre qu'elle parvient à trouver avec la gravité, que Search Party transforme l'essai et confirme être le bijou d'écriture que les premiers épisodes laissaient déjà bien transparaître. Et sans perdre de vue sa ligne directrice : comme chez Hitchcock, des personnes ordinaires se trouvent plongées dans des situations extraordinaires, mais l'ensemble ne bascule jamais dans le grand n'importe quoi, quand bien même la situation s'annonce surréaliste, à l'image de la secte de femmes enceintes de la saison 1. La série revient toujours vers l'humain et la simplicité, sans faire de concession pour autant.

    UNE AUTRE FEMME DISPARAÎT

    Outre l'humour et la tension, l'intrigue autour d'April encapsule également le côté imprévisible de la série. Bien malin, en effet, celui qui aurait pu prédire que l'enlèvement de Chantal dans la saison 1 était faux, ou deviner le dénouement particulièrement glaçant de celle-ci. Faute d'avoir pu réunir les 100 000 dollars réclamés par son ex-voisine, Dory lui donne rendez-vous sur le pont d'un ferry et lui propose des photos comprettantes de Mary (J. Smith-Cameron), future sénatrice pour qui elle a travaillé, et qui vaudront de l'or une fois l'élection passée.

    Un marché accepté par April, qui fait néanmoins comprendre à son interlocutrice qu'elle ne compte pas la lâcher aussi facilement : "J'irais m'asseoir derrière toi pour chaque mauvais film que tu iras voir", lui dit-elle. "J'épouserai quelqu'un de ta famille, et peu importe à quel point ils me dégoûtent." Et c'est alors que Dory, après avoir hésité, la peur clairement visible dans son regard, se précipite vers la jeune femme et la pousse par-dessus bord. Un geste desespéré qui marque la fin de ses ennuis ? Bien au contraire, puisque l'héroïne est arrêtée peu de temps après pour le meurtre de Keith, par la police prévenue par une source anonyme.

    S'agit-il de l'un de ses amis, qui a négocié son salut contre cette dénonciation ? De l'ex-femme du détective ? Ou d'un autre personnage que nous découvrirons dans la saison 3, attendue chez nous à partir du 26 juin, et dont les créateurs avaient déjà la trame en tête au moment de boucler la précédente ? Alors que Drew a vu ses manoeuvres aboutir à son licenciement, et qu'Elliott va se marier, Search Party nous abandonne avec une poignée de questions en tête, sur un plan du visage de Dory, qui fait écho à celui en forme d'appel au secours qui clôturait la saison 1.

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    Une image très hitchcockienne, symbole de l'élégance de la mise en scène, qui sait éviter les effets trop appuyés, malgré l'apparition de visions et flashes dans ces épisodes. Difficile de ne pas non plus y voir un résumé de l'état d'esprit de Dory et de celui de ses relations avec les autres, qui ont fini par lui tourner le dos. Pour mieux revenir alors que celle-ci sera derrière les barreaux ? Réponse, on l'espère, fin 2018, avec une saison 3 qui aura fort à faire pour prolonger l'état de grâce. Elle peut, pour cela, suivre l'exemple de sa cousine How To Get Away with Murder, qui n'hésite pas à faire des choix forts, quitte à bousculer ses fans, pour ne pas tourner en rond avec un concept qui peut rapidement s'essouffler.

    Au vu des qualités affichées jusqu'ici, nous faisons entièrement confiance aux scénaristes et showrunners pour écrire une intrigue à la hauteur des attentes suscitées par ces deux premières saisons. Surtout si l'intrigue de la 3 a déjà été pensée. Si la logique est respectée, les héros devraient y subir de plein fouet conséquences de leurs actes, et il ne serait pas étonnant qu'une toute nouvelle histoire commence. La série ne devra cependant pas abandonner ce qui fait sa force, à savoir ce mélange de comédie et de thriller mâtiné de portrait d'une génération, représentée par ces hipsters gentiment caricaturaux devenus meurtriers ou complices.

    Des "imbéciles creux" et "vains" selon April, le temps d'une réplique du final de la saison que l'on imagine destinée aux millenials dans leur ensemble, que l'on prend encore plaisir à suivre même sans cautionner leurs actions, preuve que Search Party a dépassé ce stade de petite curiosité pour se muer, au fil des épisodes, en série incontournable. Un show qui mélange les genres de façon habile et subtile, mais ne sacrifie pas le fond et n'oublie pas de mettre en scène des personnages humains et consistants. Le tout accompagné par une bande-originale envoûtante et aux accents électro, qui lui confère une grande partie de son côté pop. Et que l'on espère aussi bonne dans la saison 3.

    La saison 3 de "Search Party" sera diffusée sur OCS en France à partir du 26 juin

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