Mon compte
    César Wagner sur France 2 : une légiste qui incarne "un maillon essentiel dans la recherche de la vérité" selon Olivia Côte
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Rencontre avec la comédienne prolifique aussi bien au cinéma ("Antoinette dans les Cévennes", "Pupille") qu'à la télévision ("Nous les femmes"), alors qu'un nouvel inédit de la nouvelle série policière de France 2 est diffusé ce soir à 21h05.

    La rediffusion du pilote de César Wagner le 27 novembre dernier a fait de belles audiences sur France 2, vous vous y attendiez ?

    Olivia Côte : Mais oui, on est ravis ! C'est chouette.

    La série s'inscrit dans la démarche de France Télévisions de renouveler les héros de ses séries policières, avec l'introduction d'Astrid et Raphaëlle en 2019 notamment. Etiez-vous enthousiaste à l'idée de faire partie de ce renouveau ?

    Alors je ne connais rien à la télévision pour tout vous dire, je suis une mémé qui écoute France Culture, va au cinéma et lit des livres. C'est vraiment le cordonnier mal chaussé, là... (rires)

    Vous avez tourné dans une première fiction policière en 2018 avec l'unitaire Ronde de Nuit, dans lequel vous incarniez une enquêtrice.

    Oui, j'aimais beaucoup aimé faire ce film, parce que j'y ai rencontré une jeune actrice qui sortait du Conservatoire (Nacima Bekthaoui, ndlr) et c'était la première fois qu'elle faisait une fiction policière aussi. J'ai surtout aimé l'expérience de parler d'autre chose en abordant la communauté maghrébine, qui est une de mes obsessions dans la vie. C'était très chouette à faire, même si je trouve que ce serait encore plus chouette de faire d'autres séries que celles dont l'arène et les personnages principaux sont des policiers, même si j'ai rien contre ce métier. Mais je me dis que c'est dommage, d'autant plus en ce moment, où il y a vraiment une grosse passion triste autour de la police, et malgré tout les séries qui sont le plus regardées sont celles où des héros sont des policiers. Ce contraste est très intéressant.

    En ce moment, les Etats-Unis questionnent justement leur rapport à la représentation de la police dans les séries suite aux récents mouvements populaires, tandis qu'en France, comme le soulignaient Laurence Herzberg et Pierre Ziemniak dans une tribune du journal Le Monde le 20 novembre dernier, cette représentation semble beaucoup plus éloignée de ces enjeux...

    Oui c'est vrai, en France il a peut-être plus une volonté de faire du divertissement que de refléter le réel à la télévision. Je ne sais pas trop, en tout cas pour les chaînes publiques, il faut que même en traitant de sujets graves comme la misère ou la violence, il y ait quand même de l'humour qui hausse le tout. C'est pourquoi qu'il y a souvent ces duos de flics un peu légers, mais c'est plus une culture de bande-dessinée aussi, ou les héros sont des gens qui peuvent quand même nous amuser.

    Il y a un paradoxe entre le réalisme social très prégnant dans le cinéma d'auteur français, et la "légèreté" de mise dans les séries policières du service public.

    Exactement ! A la télé, pour que le public la regarde, j'ai l'impression qu'il faut que ce soit des bouffées d'oxyène. Malgré tout, ces fictions se déroulent quand même dans un univers où il y a des meurtres, de la violence, des profils monstrueux et terrifiants... Ce sont toujours des catharsis assez récurrentes.

    On note tout de même une évolution progressive vers plus de réalisme dans la représentation de la France contemporaine, notamment avec la brillante mini-série Laëtitia de Jean-Xavier de Lestrade, diffusée sur France 2 un peu plus tôt cette année...

    Ah oui, alors le problème c'est que quand j'ai lu le livre d'Ivan Jablonka (dont est tiré la série, ndlr), j'ai vomi. Cette histoire me révulse, au premier degré. Et Yannick Choirat, qui est un de mes meilleurs amis, joue dedans, et il m'a envoyé la série pour que je la regarde, et je n'ai pas encore dépassé le premier épisode. Mais je le ferai parce qu'il m'a dit "si tu veux qu'on soit toujours amis, regarde la série en entier !" (rires) Mais peut-être aussi que je suis vraiment une personne "lambda", et que ce genre de sujets trop trash ça m'est insupportable. Mais le sujet de Laëtitia dépasse l'enquête policière, c'est le monde d'aujourd'hui, la misère sociale, le rapport dominants/dominés, et aussi une enquête judiciaire passionnante qui a entraîné la grève des magistrats en 2011.

    Dans César Wagner, vous jouez Elise Beaumont, une médecin-légiste. Comment avez-vous abordé ce rôle, dans son rapport à la mort et à l'aspect médico-légal ? Que vouliez-vous apporter à ce personnage ?

    Je me suis un peu renseignée, comme sur le film Pupille de Jeanne Herry où j'avais passé beaucoup de temps avec des assistantes sociales, des métiers comme ça où les personnes sont confrontées à la misère, à la violence et à la détresse. Ils consacrent leur vie à essayer d'améliorer celle des autres. Médecin-légiste, c'est un degré au-dessus, ils n'essayent plus d'aider les personnes forcément vu qu'elles sont mortes, mais ils participent à la résolution d'une enquête. J'ai passé un peu de temps avec une médecin-légiste à Strasbourg, âgée de trente ans, qui m'a subjuguée. Quand je lui ai demandé comment elle définirait son métier, elle m'a dit : "c'est cool". Comment ça, c'est cool ?! (rires) De toute façon les gens qui font médecine ont un cerveau différent du mien; dès que je vois quelqu'un qui a une écharde dans le pied, j'ai envie de pleurer. Mon empathie est trop grande pour la douleur des autres, donc je serai surement très inefficace dans ce domaine ! Par rapport au métier de légiste, je me suis demandée quelles étaient les différentes motivations qu'on pouvait rencontrer dans ce choix de métier. L'un des médecins que j'ai rencontré était fasciné par les serial-killers quand il était petit, et la médecin de Strasbourg voulait être juge à l'origine. A 18 ans, elle a hésité entre médecine et la magistrature, mais sa vraie passion ce sont les enquêtes et la justice, et elle me disait qu'elle envisageait dans quelques années de passer une équivalence pour devenir juge, c'est possible apparemment quand on est légiste. Je me suis plus inspirée d'elle au final, de cette envie d'être un maillon essentiel dans la recherche de la vérité. De se dire, quand on est devant un corps, qu'est-ce qui a causé sa mort et comment y donner des réponses. 

    Elise dégage d'elle une espèce de force tranquille, de flegme naturel, qui contraste beaucoup avec l'anxiété permanente de César Wagner. Etes-vous proche d'elle en ce sens ?

    Oui, rien de neuf sous le soleil pour ce duo d'opposés complémentaires. Quand Antoine Garceau (le réalisateur, ndlr) l'a proposé le rôle, au début j'ai dit non parce que je suis snob, mais surtout ce qui me dérangeait dans la façon dont c'était écrit c'est que Elise Beaumont, décrite comme étant une croqueuse d'hommes avec un grand appétit sexuel, était habillée avec des grands décolletés, des jupes courtes, des cuissards... C'était pas possible ! Est-ce qu'on peut essayer d'écrire des femmes extrêmement élégantes et féminines dans le sens de l'attrait, qui "jouent le jeu", sans être dans une espèce d'ostentation sexuelle fantasmée ? Suite à ça avec Antoine on a travaillé un personnage plus élégant, plus raffiné, qu'on a baptisé "British Airways". Dès que sur le plateau je retrouvais mon naturel, en me voûtant, en parlant comme une poissonnière comme je parle un peu dans la vie, il me criait "British Airways !" et je me reprenais. (rires) En effet, je prends ce flegme dont vous parlez, de cette femme passionnée par la justice, et je me suis vraiment inspirée de la médecin-légiste que j'ai rencontrée. Après, me concernant, je ne sais pas si je suis calme dans la vie, mais je pense que plus je vieillis plus je suis philosophe par rapport à la mort. Je tends à accepter cette condition humaine, et cet apaisement je l'infuse dans mon personnage. J'ai l'impression qu'Elise est arrivée à un moment de sa vie où elle accepte qui elle est : une femme complètement marginale, sans enfant, sans mari, qui préfère être aventurière en amour que sédentaire. Mais elle tombe sur César, qui la bouleverse. 

    Au début, elle le trouve beau, elle l'envisage comme une nouvelle proie, mais quand elle découvre sa fragilité et sa pathologie, son hypocondrie qui est un empêchement de vivre total, elle est très émue. L'angoisse de mort tenaille César, tandis qu'Elise a fini par la maîtriser.

    Connaissiez-vous Gil Alma avant de tourner avec lui ?

    Mais pas du tout ! Et comme je suis vraiment une snob, quand on m'a dit qu'il avait joué dans Nos Chers Voisins je me suis dit "oh non, pitié"... (rires) Du coup j'ai regardé le programme quand même et j'ai un peu ri, et surtout, Gil Alma est une perle. J'aime très fort cette personne. Très bosseur, il est pur, gentil, je l'adore ! C'est une vraie rencontre de travail, et une compagnie que j'apprécie beaucoup. Ça nous amusait beaucoup avec Antoine parce qu'on se la jouait un peu série américaine des années 1980, moi avec cet espèce de brushing à la Katharine Hepburn, et lui qui dégageait une attitude d'acteur des années 1960, avec la mâchoire carrée à la Cary Grant et ce froncement de sourcils de cow-boy... Et comme on est très grands tous les deux avec des mâchoires carrées et des grands yeux, on est presque un peu anachroniques, ça nous fait bien marrer ! 

    Plus je vieillis plus je suis philosophe par rapport à la mort. Je tends à accepter cette condition humaine, et cet apaisement je l'infuse dans mon personnage.

    Comment s'est passé votre collaboration avec Antoine Garceau, qui a beaucoup travaillé sur la série Dix pour cent ? 

    Il est peut-être question qu'il ne fasse pas la suite des épisodes de César Wagner pour faire une petite pause... Mais moi je suis en deuil national ! J'ai l'impression qu'un homme me quitte et me laisse un enfant sur les bras. Notez cette phrase, pour qu'il dorme pas pendant une semaine. (rires) C'est devenu un grand ami Antoine. Il est formidable parce qu'il est très exigeant; parfois on s'amuse avant les scènes, on se regarde et il me dit "Bon là, on le fait à la Se7en ?" "Là, on fait Un Air de famille ou Lady Chatterley ?" On se donnait des espèces de références de films improbables pour créer une atmosphère, on s'investissait beaucoup pour créer quelque chose de fort et de joli.

    Amaury de Crayencour, avec qui vous avez tourné la série Les Copains d'abord, tient le rôle d'un médecin qui s'entiche de César Wagner, et avec qui vous vous livrez à une petite rivalité affective...

    Oui, c'est aussi un de mes grands amis, et on tourne ensemble en ce moment d'ailleurs ! On est tous les deux sur le tournage de la série Mensonges, l'adaptation d'une série anglaise (Liar, ndlr) pour TF1. On s'est rencontrés sur Les Copains d'abord, on a joué ensemble dans César Wagner et on est de nouveau réunis. C'est drôle parce que sur Wagner on était tous les deux médecins, dans Mensonges ont est tous les deux flics... (rires) 

    César Wagner
    César Wagner
    Sortie : 2020-01-17 | 90 min
    Série : César Wagner
    Avec Gil Alma, Olivia Côte, Coralie Russier
    Presse
    3,3
    Spectateurs
    3,4

    Justement, le fait de tourner dans César Wagner a-t-il fait changer votre regard sur les fictions policières dont on parlait un peu plus tôt ?

    Je regarde très peu de séries car j'ai un rapport addictif à tout, si je commence à regarder des séries je dors plus, alors que j'adore dormir ! Mais je sais que je passe à côté d'un grand plaisir et de séries géniales. Mais la série policière, comme il y en a beaucoup, je me suis toujours demandé ce que ça donnerait si les figures qu'on retrouve souvent étaient des instituteurs, ou des assistantes sociales, ou des boulangers, ou même des strip-teaseuses ! Plein d'autres corps de métiers qui nous donneraient un point d'entrée dans la société, or c'est très régulièrement des policiers, et ça m'interroge beaucoup. Ca doit être un facteur d'attraction-répulsion, je n'ai pas la réponse. J'ai une amie d'enfance qui est devenu policière et commissaire par la suite; elle porte bien l'expression de "gardien de la paix". C'est une femme extraordinaire, qui a vraiment choisi ce métier pour aider les gens, pas pour les tabasser.

    Qu'on raconte de façon récurrente des histoires par le biais de la vie des policiers, ça interroge.

    Quels sont vos autres projets, après César Wagner et Mensonges ? On vous a beaucoup vu cette année au cinéma (Antoinette dans les Cévennes) et dans les séries (Derby Girl, SKAM)...

    J'écris un projet de série sur la guerre d'Algérie, je suis sur le coup. (rires) Et en parlant de renouveau dans les séries, j'attends beaucoup le projet de Fanny Herrero sur le stand-up pour Netflix. C'est l'arène idéale pour parler de la diversité et de toutes les communautés qui cohabitent en France. Sinon, j'ai tourné une série en février avec Ramzy, et j'étais en extase totale de pouvoir jouer avec lui car je l'adore. Ça s'appelle Or de lui, et ça parle d'un homme à qui il arrive des bricoles par rapport à l'or et aux excréments. Je peux pas vous en dire plus. (rires) C'est surréaliste et totalement génial. Mais oui, j'aime bien faire beaucoup de choses différentes pour plein de publics différents.

    Propos recueillis le 1er décembre 2020

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top