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    La Petite Femelle sur France 2 : que vaut le téléfilm avec Lucie Lucas tiré d'une histoire vraie ?
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Réalisé par Philippe Faucon ("Fatima", "Fiertés"), ce nouvel unitaire historique diffusé ce soir sur France 2 revient sur un fait divers qui a défrayé la chronique en 1953, et inspiré le film "La Vérité" à Henri-Georges Clouzot.

    De quoi ça parle ?

    Un biopic sur la vie tumultueuse de Pauline Dubuisson. Après avoir été tondue à la Libération, elle entame des études de médecine. Elle tue par accident l’homme qu'elle voulait épouser. Après son procès et sa condamnation à neuf ans de prison, elle s'exile au Maroc. Mais son passé la rattrape alors qu'elle est sur le point de se marier…

    La Petite femelle, lundi 1er février à 21h05 sur France 2 et en avant-première sur SALTO

    La Petite Femelle
    La Petite Femelle
    Sortie : 1 février 2021 | 1h 30min
    De Philippe Faucon
    Avec Lucie Lucas, Lorenzo Lefebvre, Victor Boccard
    Presse
    3,2
    Spectateurs
    2,8

    C'est avec qui ?

    Héroïne de Clem sur TF1, Lucie Lucas incarne Pauline Dubuisson aux différents âges de sa vie, de son adolescence pendant la Deuxième guerre mondiale dans la ville de Dunkerque occupée par les Allemands, en passant par ses études de médecine à Lille et la fin de sa vie à Essaouira. Face à elle, Lorenzo Lefebvre (vu dans Bang Gang d'Eva Husson ou encore Marvin ou la belle éducation d'Anne Fontaine) joue Félix Bailly, le petit-ami de Pauline. Autour d'eux, on retrouve Héléna Noguerra et Jean Dell dans le rôle des parents de Félix, et Florence Thomassin dans celui de la confidence de Pauline.

    Ça vaut le coup d'oeil ?

    Adaptation du roman éponyme de Philippe Jaenada par le scénariste Antoine Lacomblez (qui a travaillé sur le scénario de la bouleversante minisérie Laëtitia en 2020, également tiré d'un fait divers) et le réalisateur Philippe Faucon (La Désintégration, Fatima), La Petite Femelle est un téléfilm coup de poing, aussi violent dans son propos que sobre et feutré dans sa mise en scène, qui revient sur un fait divers représentatif des inégalités de genre et de la place des femmes dans la société française d'après-guerre.

    Si l'on est tout d'abord dérouté par un flashforward introductif au Maroc, les tons un peu passés de l'image ou l'enchaînement de plans séquences qui nous résument la jeunesse de l'héroïne à une vitesse folle, on est vite bouleversés par la vie brisée de Pauline Dubuisson, poussée dans les bras des Allemands par son père alors qu'elle était mineure pour faciliter les affaires de son commerce au port de Dunkerque. Tondue à la Libération (mais aussi violée par un tribunal populaire d'habitants de son village, détail glaçant que le téléfilm omet), elle s'oriente ensuite vers études de médecine à Lille. Elle y tombe sous le charme de Félix Bailly, un jeune homme de bonne famille destiné à reprendre le cabinet de son père médecin. Mais ses parents ne voient pas d'un bon oeil la jeune fille, dont la réputation lui colle à la peau.

    Pressée par les demandes en mariage répétés de Félix, Pauline, qui n'aspire qu'à finir ses études pour être autonome, refuse de devenir une femme au foyer. Blessé dans son orgueil, le jeune homme - qui n'a jamais assumé auprès de sa famille leur relation - la quitte pour faire un mariage de raison avec une femme de son rang. Folle de chagrin, Pauline se rend chez lui et menace de se suicider devant lui. Des coups de feu partent... Devant un tribunal bondé, la jeune femme est alors jugée pour son crime, mais aussi et surtout pour ses moeurs "légères", à une époque où la société attend des femmes de tenir leur maison et d'assister à plein temps leurs époux après le mariage, et où les étudiantes dans les études supérieures sont une exception. Quant à celles qui assument leurs désirs et refusent de rentrer dans le rang, elles sont désignées comme des "filles", des putains que l'on ne respecte pas.

    Sarah ALCALAY - JPG Films - FTV

    Lucie Lucas incarne avec retenue la détresse et la douleur ravalée de Pauline, face à ce passé qui la poursuit et qu'elle tenta de fuir toute sa vie. Un rôle fort dans le parcours de la comédienne. Face à elle, Lorenzo Lefevbre incarne de manière remarquable toute la complexité du jeune Félix Bailly, tiraillé entre le poids moral de son éducation et ses désirs, injonctions masculines contraires imposées par une société étriquée.

    Au-delà du fait divers, La Petite Femelle retrace un destin et une affaire française qui ont ébranlé les moeurs dans les années 1950. En adoptant le point de vue de celle à qui l'histoire n'a jamais donné de voix et à qui on a prêté mille intentions, le réalisateur et son coscénariste donnent une vraie relecture moderne à un drame sociétal qui nous semblerait presque surréaliste aujourd'hui tant la violence ordinaire subie par Pauline Dubuisson paraît insoutenable. Dans ce téléfilm à la facture classique trompeuse, pas besoin d'effusions ou de grands effets pour susciter l'émotion : la violence des mots et des silences suffit pour traduire les injustices et les procès d'intentions, et étouffer de honte la jeune femme.

    Philippe Faucon fait un pas de côté par rapport au film La Vérité d'Henri-Georges Clouzot, sorti en 1960. Inspiré de l'affaire qui fait les choux gras des journaux de l'époque, le film achève de faire de Pauline Dubuisson un objet de fantasme et de haine, celui de l'amante meurtrière, en lui donnant les traits de la sulfureuse Brigitte Bardot. Dans une mise en scène dépouillée, La Petite Femelle expose les épreuves traumatisantes vécues par une jeune femme brillante qui ne rêvait que d'indépendance, en avance sur les moeurs de son temps, et qui en a payé le prix fort. Et redonne une voix à un destin brisé par les inégalités entre les hommes et les femmes, à une époque où l'on venait tout juste d'autoriser le droit de votes à ces dernières, marquant un jalon vers les premiers mouvements féministes.

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