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    Ces figures historiques qui méritent une fiction : H.H. Holmes et le château de l'horreur
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Considéré comme le premier serial killer américain, l'histoire de H.H. Holmes n'a jusqu'à présent jamais été adaptée en fiction. Il y a pourtant une matière incroyable, sur cet homme qui assassina des dizaines de personnes à la fin du XIXe siècle.

    Auteur inconnu via Wikimedia Commons License by.

    Cela fait désormais bien longtemps que les scénaristes hollywoodiens se sont emparé avec gourmandise du thème de la maison piégée, souvent le réceptacle abominable des pires tortures à peine imaginables nées d'esprits malades, où tous les occupants - ou presque- y passent.

    Du Sous-sol de la peur de Wes Craven à la terrifiante saison 5 d'American Horror Story qui se déroule dans un hôtel conçu par un esprit sadique, en passant par le torture porn Hostel, la saga des Saw, ou les inévitables expériences malsaines et inhumaines dans les hôpitaux psychiatriques, pour ne citer qu'une poignée d'exemples, les variations autour de cette thématique abondent logiquement dans le genre horrifique.

    Pourtant, le mètre étalon en la matière n'est pas, loin s'en faut, un personnage de fiction et ne l'a jamais été jusqu'à présent, hormis bien entendu des documentaires qui lui ont été consacrés. Homme aux multiples identités (jusqu'à sept connues), polygame, surnommé Docteur Torture ou la bête de Chicago, H.H. Holmes est souvent considéré comme le premier tueur en série américain.

    Arrêté par des hommes de l'agence de détectives Pinkerton après une cavale le 17 novembre 1894 à Boston, H.H. Holmes avouera 27 meurtres et six tentatives de meurtres. Mais les spécialistes estiment qu'il en aurait commis près de 200, dans son hôtel de Chicago qu'il avait ouvert à l'occasion de l'Exposition universelle de 1893.

    C'est là, dans ce véritable manoir de l'Enfer possédant une centaines de pièces, qu'il se délectait des tortures qu’il infligeait à ses victimes dans certaines chambres secrètes de sa bâtisse, dont il avait lui-même concu les plans diaboliques. Un bâtiment si vaste, ultra moderne et bénéficiant des innovations les plus récentes, installé non loin des célèbres abattoirs de Chicago, qu'il fut baptisé par les voisins "le château"...

    Les débuts d'une carrière criminelle

    Herman Webster Mudgett, mieux connu sous le nom de H.H. Holmes, est né en mai 1860 à Gilmanton, dans le New Hampshire, au sein d'une famille aisée. Cadet de quatre enfants, ses parents, Levi Horton Mudgett et Theodate Page Price, étaient tous deux descendants des premiers pionniers de cette région.

    Entre un père alcoolique violent, et une mère fervante méthodiste lisant régulièrement des passages de la Bible à Herman, celui-ci manifeste des signes d'intelligence précoce. Mais c'est un enfant peureux, souvent victime de harcèlements par les camarades de classe. Traversé par des pensées morbides, il se met aussi à torturer et tuer des animaux.

    Sa vie criminelle commence assez tôt. Diplômé comme assistant en pharmacie, il fabrique par la suite un faux diplôme du département de médecine de l’université du Michigan, en 1884, pour pouvoir exercer en tant que médecin. Alors qu’il y étudie, Herman Webster Mudgett vole avec l'aide d'un complice des corps du laboratoire et les défigure, pour ensuite prétendre que les gens ont été tués accidentellement, dans le but d’obtenir de l’argent sur les assurances-vies qu’il avait souscrites sur chacune des personnes décédées.

    En 1885, il s'installe à Chicago, et trouve du travail, sous le pseudonyme Dr Henry H. Holmes, dans une pharmacie tenue par un certain Dr E.S. Holton. Ce dernier étant atteint d'un cancer de la prostate, c'est sa femme qui tient le commerce. Elle ne tarie pas d'éloges sur Holmes, employé modèle, consciencieux, qui sera finalement bombardé gérant du magasin, avec une clientèle toujours plus affluante.

    Lorsque le Dr E.S. Holton décède en 1887, sa veuve vend ses parts à Holmes. Un jour, celle-ci disparaît sans laisser de traces. A ceux qui demandent de ses nouvelles d'un éventuel retour, Holmes répond qu'elle est partie en Californie sans laisser d'adresse...

    La construction du Château de l'horreur

    En 1886, Holmes finit par acquérir un terrain qu'il convoite depuis longtemps, situé en face de la pharmacie, pour y faire construire un bâtiment. S'il n'est évidemment pas architecte, il tient cependant tout particulièrement à en dessiner les plans, et à superviser sa construction dans les moindres détails. Holmes change d'ailleurs à quatre reprises de constructeur, afin d'être le seul à comprendre pleinement la disposition de la maison, et ainsi réduire les chances d’être signalé à la police. 400 ouvriers travailleront durant trois ans sur ce chantier pharaonique.

    "Létal, pratique et confortable, le Château comprend une centaine de pièces, des appartements et des magasins" écrivait Alexandra Midal, commissaire d'exposition et professeure de théorie du design, dans un passionnant essai publié en 2018 consacré à ce sujet, intitulé La Manufacture du meurtre : vie et oeuvre de H.H. Holmes, premier serial killer américain. Ce bâtiment de trois étages de 35 pièces chacun est un "chef-d'oeuvre rationnel et mécanique cosy du crime en pantoufles" écrit A. Midal.

    Un génie-artisan du crime d'une machiavélique inventivité, dont le récit semble se confondre parfaitement avec l'histoire de l'industrialisation de cette seconde moitié du XIXe siècle, boostée par les progrès et innovations technologiques. Dans cette "machine à tuer dont chaque pièce, chaque couloir et chaque trappe étaient ingénieusement conçus pour servir ses crimes", H.H. Holmes a notamment fait installer "un réseau de gaz domestique et d'électricité, alors que ses contemporains continuaient pour la plupart de s'éclairer à la bougie".

    Voici une photo du "château" de H.H. Holmes à Chicago, dans les années 1890...

    Wikimedia Commons

    C'est un véritable labyrinthe, avec ses chambres dépourvues de fenêtres, de portes donnant sur des murs en briques, escaliers n'aboutissant nulle part, ses judas dissimulés derrière les miroirs, ses trappes et chutes permettant de balancer les corps directement au sous-sol...

    Ici, dans ce laboratoire de l'horreur, Holmes asphyxie ses victimes grâce aux tuyaux d'arrivée du gaz, en les regardant agoniser dans des chambres insonorisées. Mais elles sont aussi brûlées vives, enfermées dans des malles, des pièces sans issues, ou même un énorme coffre-fort qui sert en réalité de cachot dans lequel les victimes étouffent...

    Quand il ne dissoue pas les corps dans des bains d'acide, il démembre ses victimes et n'hésitent pas à vendre à diverses écoles de médecines les squelettes et organes, car celles-ci en ont toujours besoin pour pratiquer l'étude de l'anatomie et la dissection...

    Au cours de l’Exposition universelle de 1893 qui se tient à Chicago, Holmes ouvre sa maison en tant qu’hôtel pour les visiteurs... Non seulement certains n'en sont jamais ressortis, mais les victimes de Holmes seront souvent des femmes. Comme ses employées, engagées comme secrétaires ou femmes de ménage, contraintes de souscrire à une assurance vie avant d'être tuées, petites-amies séduites et escroquées, etc...

    L'homme ne recule d'ailleurs devant rien. Après avoir quitté Chicago quelques temps après l'exposition universelle, Holmes s'emploie à liquider son vieux complice Benjamin Pitezel, avec qui il avait monté de nombreuses escroqueries aux polices d'assurances.

    Après avoir dit à la veuve Pitezel que son mari était toujours en vie et dans la clandestinité, Holmes la convainc de lui confier trois de ses enfants pour les emmener en voyage : Alice, 14 ans; Nellie, 11 ans; et Howard, 8 ans. Il tue Howard à Indianapolis, et les adolescentes à Toronto.

    Il tente de tuer la veuve et son dernier-né à distance, avec de la nitroglycérine : "Après avoir scié une marche d'escalier de sa maison à Burlington, il l'y envoie après lui avoir demandé de déplacer d'urgence une boîte fermée contenant des papiers d'une extrême importance. En réalité, la boîte contient une fiole d'explosif [...]. Par chance pour eux, Madame Pitezel et son nourrisson ne trébuchent pas sur la marche et échappent à la mort" écrit Alexandra Midal.

    L'épilogue réel... Et fictif

    Dénoncé par un complice qui croupissait en prison et n'avait pas touché la part qui lui revenait dans une entreprise d'escroquerie à l'assurance-vie, Holmes est finalement appréhendé en novembre 1894 à Boston. Durant sa détention, il monnaye 7500 $ ses confidences glaçantes, où il raconte dans le détails certains de ses meurtres, notamment au journal Philadelphia Inquirer.

    Menteur et affabulateur patenté, il livre sans sourciller des récits contradictoires qui brouille aussi les pistes. Des aveux initiaux de 14 meurtres, il finira par en revendiquer 27, alors que seuls neuf ont pu être confirmés aux termes de longues investigations. Ce n'est là qu'une infime partie : des restes humains retrouvés, parfois dans un état de décomposition trop avancé, n'ont pas permis de lui attribuer davantage de meurtres. "je suis né avec le diable en moi. Je ne peux nier que je suis un assassin, pas plus que le poète ne peut nier l’inspiration qui le pousse à chanter" lâche-t-il à la Presse à sensations, qui n'en perd évidemment pas une miette.

    Le 7 mai 1896 à 10h12, dans l'enceinte de la prison de Moyamensing située à Philadelphie, H.H. Holmes est pendu. Dans une cruelle ironie et injustice, seules les accusations de meurtre de son complice Pitezel et ses trois enfants auront servi pour le faire condamner à mort.

    Dans ses dernières volontés, Holmes exprime le désir que son corps soit inhumé dans du béton : il ne souhaite pas que sa dépouille soit dérobée ou mutilée, là où, pourtant, durant des années, il n'avait guère eu d'état d'âme à le faire pour satisfaire son entreprise criminelle.

    Des rumeurs circulèrent abondamment après sa pendaison. On affirma ainsi que le corps qui fut transporté par les pompes funèbres n'était en réalité pas le sien... Ce n'est que 121 ans après sa mort, en juillet 2017, que ces rumeurs prendront fin, avec l'exhumation de son squelette, demandée par Jeff Mudgett, l'arrière arrière petit fils du tueur en série.

    Par la dimension industrielle de ses meurtres, son hallucinant modus operandi, sa rigueur perverse et diabolique, le contexte dans lequel il a oeuvré, la vie de H.H. Holmes méritait largement une adaptation sur grand ou petit écran, même si l'intéressé a évidemment été dans le passé une source d'inspiration pour de nombreux réalisateurs.

    Or il n'en a rien été, du moins jusqu'en 2010, date à laquelle Leonardo DiCaprio a acheté les droits d'adaptation du best-seller écrit par Erik Larson, Le Diable dans la ville blanche, qui évoque notamment la figure de Holmes, et a pour toile de fond l'exposition universelle de Chicago de 1893.

    En 2019, désormais associé à Martin Scorsese, le projet s'est mué en série. Aucune nouvelle depuis... On va donc croiser très fort les doigts pour que le projet voit le jour, après le tournage de Killers of The Flower Moon.

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