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    The Beta Test : à Hollywood, "des gens glorifient Harvey Weinstein"
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Rencontre avec Jim Cummings pour son nouveau long métrage, "The Beta Test", l'histoire très actuelle d'un agent hollywoodien à succès sur le point de se marier, recevant une lettre anonyme l'invitant à une mystérieuse rencontre sexuelle.

    The Beta Test sort ce mercredi dans les salles. Son réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain Jim Cummings était de passage au Festival de Deauville en septembre dernier pour présenter le film en avant-première. Il était de retour au Festival 3 ans après y avoir remporté le Grand Prix pour son film Thunder Road.

    The Beta Test
    The Beta Test
    Sortie : 15 décembre 2021 | 1h 31min
    De Jim Cummings (II), PJ McCabe
    Avec Jim Cummings (II), Virginia Newcomb, PJ McCabe
    Presse
    3,1
    Spectateurs
    2,4
    louer ou acheter

    AlloCiné : Votre film évoque plusieurs thématiques, des agences hollywoodiennes, une histoire d'amour, l'après #MeToo, mais quelle était celle qui a donné naissance au projet ?

    Jim Cummings : The Beta Test a commencé avec l'idée du service de rencontre aux enveloppes pourpres. PJ [son co-réalisateur et co-scénariste, prononcez "Pi-djai"] est marié, je suis fiancé et nous étions à une soirée et une fille dont je sais qu'elle a un petit ami a laissé un peu plus longtemps sa main dans mon dos que la normale, et j'ai pensé que c'était une invitation au sexe.

    Je me suis peut-être emballé, mais le lendemain, j'ai appelé PJ en lui disant : "tu ferais quoi si t'étais contacté (...) pour une invitation sexuelle ?" Il m'a répondu : "je ne le ferais jamais, parce que ce serait probablement pour me tuer, et ma femme me tuerait". Et j'ai ajouté : "et si ça arrivait à quelqu'un prêt à mentir et à tromper sa compagne ?"

    Et au même moment, une lutte entre les agences et les créateurs se déroulait à Hollywood et ça aussi, c'était sur l'infidélité et le mensonge. Je me suis donc dit que ça se marierait bien.

    Qu'Hollywood aille se faire f**tre !

    Justement, pour le grand public, pouvez-vous expliquer cette lutte entre les agences et la Guilde des scénaristes américains, qui est une partie importante du film ?

    Bien sûr ! A l'origine, dans les années 20 et 30, les agences sont apparues et avec elles des contrats les empêchant de créer leurs propres contenus et de devenir des studios. Mais durant les dix dernières années, les agences ont essayé de contourner ces contrats. Au lieu que les créateurs/clients aient le pouvoir et embauchent des agents, les agences ont essayé d'inverser cela et que ce soit le client qui travaille pour l'agence.

    Vanishing Angle

    Ça aurait pu détruire l'art et le cinéma américain, sauf que la Guilde des scénaristes américains s'y est opposé. Elle aurait pu laisser passer, mais du coup c'est devenu un énorme combat entre les puissants hommes en costumes trois pièces et les créatifs.(...) Et personne n'en parlait. Variety et le Hollywood Reporter écrivait dessus tous les jours, mais d'en parler en public créait un malaise puissant, à cause des jeux de pouvoir.

    Et moi, j'ai trouvé ça très drôle. (...) J'ai interviewé des assistants, des ex-agents et des agents encore en poste...

    Je crois d'ailleurs que vous êtes membre de la Guilde ?

    Pu**in que oui ! (...) Et j'ai appelé PJ en lui disant : "Tu sais quoi ? qu'Hollywood aille se faire f**tre, et tout ça ! Prétendons qu'on est Trey Parker et Matt Stone de South Park et faisons-le !"

    Retour au film, votre personnage est très perturbé au début, et redoute de donner suite à l'invitation qu'il reçoit mais va tout de même le tenter, alors que son meilleur ami a tenté de l'en dissuader. Est-ce parce qu'à Hollywood, le pouvoir rend en quelque sorte aveugle ?

    Oui, et lorsque vous êtes proches de vous marier, l'ego masculin est perturbé par l'idée de n'être plus qu'avec une seule personne pour le restant de ses jours. Aux Etats-Unis, il y a cette idée de l'enterrement de vie de garçon où on doit coucher avec quelqu'un [avant le mariage]. Donc quand cet homme a cette possibilité juste avant son mariage, il ne résiste pas (...).

    J'ai apprécié le montage du film...

    ... Merci, c'est moi qui l'ai fait ! (rires) Il est beaucoup plus monté que Thunder Road, qui avait genre 50 plans maximum, et beaucoup de plans séquences.

    C'était votre volonté d'avoir un long métrage plus rythmé pour suivre les tourments du personnage ?

    Oui ! Et comme nous traitons de problèmes globaux, le rythme n'impacte pas que le personnage.(...) Dans Thunder Road, je suis de tous les plans car c'est l'histoire de ce policier, Dans celui-ci, c'est plus large, car tout le monde est impacté par le mensonge et l'infidélité.

    Rien n'a changé à Hollywood...

    Comme dans Thunder Road, vous vous permettez des moments assez gênants, est-ce que ça ne serait pas le début d'une signature de réalisateur ?

    Non, j'arrête, c'est trop nul. Dans la scène finale du parking, je suis vu pendant le montage en me disant "je crie encore" alors que j'essaye des choses nouvelles, je me retrouve encore avec une scène où j'enlève mes vêtements et je hurle. C'est mon plus grand moment Nicolas Cage ! Mais je vais me calmer.

    Vanishing Angle

    Qui est ce PJ qui co-réalise le film avec vous ?

    Il n'a jamais mis en scène un court métrage ! C'est un acteur et après l'Université, il est devenu l'un de mes meilleurs amis. Nous avons fait une école, moi en réalisation, lui en comédie. Nous avons fait un film en 3D baptisé The Flamingo (2012), dans lequel il jouait et participait à l'écriture.

    Et pendant 5-6 ans, nous avons travaillé sur des scénarios. Quand il s'est proposé sur Beta Test, je n'avais jamais co-réalisé et c'était parfait. Nous avons écrit oralement en jouant les scènes, presqu'en dirigeant le film avant de le tourner. (...) Nous avons transformé ces séances d'écriture en un podcast avec bruitages et musique où nous jouions tous les rôles (...).

    Il était toujours là pour me dire quand c'était nul, pour m'épauler.(...) Je veux retravailler comme ça. (...) Et nous donnons le podcast aux acteurs, ça nous évite beaucoup de répétitions préparatoires, qui coûtent très cher.

    Et pour finir, une réplique m'a beaucoup marqué dans votre film, c'est "tout le monde veut encore être Harvey [Weinstein]", pensez-vous que quelqu'un de l'industrie du cinéma ou d'une autre industrie puisse encore dire une chose pareille aujourd'hui, dans une ère post-MeToo ?

    Rien n'a changé à Hollywood. Les dynamiques de pouvoir sont les mêmes, des hommes cruels abusant de leur pouvoir sont toujours en place à tous les niveaux. (...) Et en privé, en coulisses, ces gens glorifient Harvey Weinstein, disant que [le Festival de] Sundance ne sert plus à rien et que c'est grâce à Harvey qu'il était quelque chose d'important à Hollywood. Et c'est dégueulasse. Ils insistent sur le fait qu'il produisait la trilogie du Seigneur des anneaux et l'excusent, sans parler des abus et des viols sur 15 femmes !

    Tous ceux qui le soutenaient sont en prison, lui aussi, mais le système qui lui a permis tout cela lui est en place. Il n'y a pas de femmes à des hauts postes au sein de ces grosses structures, c'est toujours un "boys club" toxique et horrible pour quelqu'un qui débute, et surtout les femmes.

    Donc cette réplique est importante pour moi, car il y a toujours ces gros types en costumes à Hollywood, qui cherchent même à lui ressembler physiquement. Ils ne devraient plus être là et ne pas avoir la moindre implication dans l'artistique.

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