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    One Piece : la success story du manga vue par son éditeur français
    Clément Cusseau
    Clément Cusseau
    -Rédacteur
    Après des études en école de cinéma, il intègre la rédaction d’AlloCiné en 2011. Il est actuellement spécialisé dans les contenus streaming et l’actualité des plateformes SVOD.

    Avec 1000 épisodes au compteur pour sa série, et bientôt 100 volumes pour son manga, "One Piece" confirme son statut de série majeure. Nous sommes allés à la rencontre de l'éditeur Glénat pour retracer ce formidable parcours !

    ONE PIECE © 1997 by Eiichiro Oda / SHUEISHA Inc.

    Comment One Piece est arrivé en France ?

    Benoît Huot (Responsable éditorial manga chez Glénat) : One Piece est arrivé en France en 2000, ce qui veut donc dire que les négociations ont débuté courant 1998 et en 1999, puisque le manga est sorti en 1997 au Japon. En France, les premiers mangas sont arrivés au début des années 90. Dix ans plus tard, nous traversions une époque de renouvellement où les éditeurs se mettaient en quête de nouvelles séries, puisque toutes les séries emblématiques portées par le succès d’un dessin animé (dont Dragon Ball) étaient déjà publiées.

    Les éditeurs étaient en quête de sang neuf et comme Internet n’était pas aussi développé à l’époque qu’aujourd’hui, la logique a été de consulter le magazine de prépublication dans lequel avaient été publiés les mangas les plus populaires, c’est-à-dire le Weekly Shonen Jump. One Piece était l’une des nouvelles séries de ce magazine.

    À l’époque nous n’étions pas dans une consommation de l’instantané, où les fans peuvent avoir accès à chaque nouveau chapitre dès sa parution et ce temps a permis d’observer le développement de la série, de s’assurer que les promesses des premiers chapitres étaient bel et bien tenues par la suite de l’histoire. Comme l’idée était de se renouveler, One Piece offrait la particularité d’être une série atypique, déjà pour son sujet, puisque aucun autre manga ne racontait à l’époque d’histoire de pirates, mais aussi pour son humour et son univers décalé.

    Je rappelle souvent que One Piece est l’histoire de Luffy, qui veut devenir le roi des pirates et dispose de pouvoirs élastiques, mais qui perd tous ses pouvoirs au contact de l’eau de mer ! De ce paradoxe est née toute l’originalité du manga, ce qui a attiré notre attention. Et les chapitres suivants n’ont fait que confirmer notre avis initial !

    One Piece
    One Piece
    Sortie : 1999-10-20 | 25 min
    Série : One Piece
    Avec Mayumi Tanaka, Chikao Otsuka, Kazuya Nakai
    Spectateurs
    3,9
    Voir sur Netflix

    En France, One Piece a été mis en concurrence avec Naruto, autre manga phare des années 2000. Comment expliquer cette situation, propre au marché français ?

    Cette concurrence entre les deux séries s’explique entre autres par la diffusion de l’anime. À partir du moment où un anime est diffusé à la télévision, qui plus est sur une chaîne hertzienne ou de la TNT, l’audience du manga papier augmente fortement. Les spectateurs de la série qui trouveraient le rythme trop lent vont se rabattre sur le manga pour connaître la suite de l’histoire ; ou alors certains souhaitent explorer plus en profondeur les thèmes de la série par le biais du manga, sans oublier ceux qui adorent l’anime, et qui souhaitent prolonger le plaisir en lisant le manga.

    C’est un phénomène récurrent : la diffusion d’un anime augmente sensiblement la visibilité et la popularité du lectorat du manga dont il est issu. C’est donc un indicateur important pour les éditeurs, et on s’attend généralement à ce qu’un manga connaisse un nouvel engouement dès que son adaptation est annoncée sur une plateforme SVOD, qu’elle soit généraliste (Netflix, Amazon…) ou spécialisée (ADN, Wakanim…).

    Donc, il est vrai que Naruto a eu davantage de visibilité, tout simplement parce que sa série animée était diffusée, ce qui n’était pas le cas de One Piece. À partir du moment où l’anime a été diffusé sur des chaînes de la TNT (Virgin 17, Direct Star, MCM…), les ventes ont décollé pour de bon, d’autant que la publication de Naruto s’est depuis arrêtée, ce qui n’est pas encore le cas de One Piece.

    Au départ, One Piece marchait bien, puis de mieux en mieux au point d’être devenu le phénomène que l’on connaît aujourd’hui.

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    Avec 1000 épisodes au compteur pour la série animée, et 100 tomes pour le manga, comment s’assurer que la série puisse encore être découverte par de nouveaux spectateurs ?

    Cela fait un certain temps que nous concevons One Piece selon ses arcs narratifs : East Blue, Alabasta etc. Pour aider les libraires, nous avions déjà édité des stop-pile qui classent les tomes selon ces arcs. One Piece est une formidable épopée maritime, et qui dit voyage sur la mer dit escales. Et chacun de ces arcs correspond plus ou moins à une escale. Nous avons donc l’équipage de Luffy qui l’accompagne dans chacune de ses aventures, et d’autres personnages le rejoignent au fil de ces escales.

    Par ailleurs, on constate chez les plus jeunes que les nouveaux fans de One Piece découvrent la série par l’anime, et non via le manga. Donc si un spectateur ou une spectatrice a découvert cet univers à partir d’un arc de l’anime, et souhaite lire la suite, il peut commencer depuis le premier tome, ou depuis l’arc qu’il ou elle souhaite lire. Ces arcs permettent donc de pouvoir accéder plus facilement au manga, sans avoir forcément à commencer sa lecture depuis le tout début.

    Quel bilan tirer sur l’année 2021 ?

    En premier lieu, il faut constater – et pas uniquement chez Glénat – que le manga est un secteur extrêmement dynamique. L’année 2020 avec le confinement a été marquée par le doute, en raison de la fermeture des librairies ; or dès le mois de juin, les ventes ont explosé de manière considérable ! En 2021, cette dynamique s’est confirmée, et même amplifiée, sur l’ensemble du secteur manga car selon moi nous sommes désormais dans une société de l’image, alors que nous étions auparavant dans une société de l’écrit.

    Depuis l’avènement des réseaux sociaux et des plateformes comme Youtube, les gens consomment davantage d’image que d’écrit à proprement parler, et les mangas s’inscrivent en toute logique dans cette nouvelle tendance. Concernant Glénat, l’année a été marquée bien évidemment par One Piece avec des éditions normales et collectors qui ont davantage exposé la série.

    Concernant Tokyo Revengers, la diffusion de l’anime a eu un impact bénéfique sur les ventes et nous avons constaté avec joie que cette série était susceptible de séduire un grand public, ainsi qu’un lectorat composé à parts égales de lecteurs et de lectrices. C’est certes un shonen, mais avec un lectorat mixte, ce qui est très appréciable.

    2021 a également été marquée par le décès tragique de Kentaro Miura (Berserk), nouvelle à laquelle nous ne nous attendions évidemment pas. Nous avons partagé les hommages d’autres artistes mais également de fans dans les jours qui ont suivi cette annonce. Il est assez rare qu’un auteur de manga décède durant la publication de son œuvre et il nous a fallu du temps pour encaisser la nouvelle.

    Pour conclure, 2021 a été une année particulièrement mouvementée pour nous, aussi bien dans le bon que dans le mauvais sens du terme.

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