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    Une si longue nuit sur TF1 : que vaut la version française de The Night Of avec Mathilde Seigner ?
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Lancée ce soir sur TF1, la série policière adaptée de la fiction britannique "Criminal Justice", plus connue dans sa version américaine produite par HBO, narre la descente aux enfers d'un jeune homme accusé d'un meurtre qu'il dit ne pas avoir commis.

    De quoi ça parle ?

    Sami, étudiant de 20 ans, vit chez ses parents dans la banlieue résidentielle de Marseille. Ce soir-là, c’est la fin des cours. Il est invité à LA soirée. Celle où il faut être. Suite à un imprévu, Sami emprunte le taxi de son père pour s'y rendre et rencontre la mystérieuse Gloria, avec laquelle il passe la nuit. Mais lorsqu’il se réveille, Gloria est morte, sauvagement assassinée.

    Sami est arrêté sur les lieux du meurtre. Pour Jeff, le flic en charge de l’enquête, il est le coupable idéal. La route de Sami croise celle d’Isabelle, avocate pénaliste fantasque et désabusée qui accepte de le défendre et devient sa seule chance de s’en sortir. Mais Sami est-il vraiment innocent ? Et au fond, cela a-t-il une quelconque importance ?

    Une si longue nuit - 6x52 minutes

    Chaque jeudi à 21H10 sur TF1 et en avant-première sur SALTO

    C'est avec qui ?

    Pour l'un de ses premiers rôles principaux à l'écran, Sayyid El Alami, vu dans la série Netflix Messiah et le film Zombi Child de Bertrand Bonello, incarne Sami, garçon sans histoires issue d'une famille aimante dont les parents sont interprétés par Zinedine Soualem (Leur Algérie) et Samira Lachhab (Demain nous appartient), alors qui se retrouve accusé d'un meurtre sordide.

    Pour le défendre, Isabelle Courville, avocate marginale mais déterminée, est jouée par Mathilde Seigner, figure récurrente des fictions TF1 avec Sam et Le Temps est assassin. Elle est assistée par Leïla Koffi, une jeune avocate convaincue de l'innocence de son client jouée par Assa Sylla (SKAM France.)

    Côté judiciaire, Jean-Pierre Darroussin (Le Bureau des Légendes) joue Jeff Berroyer, un commandant de police en fin de carrière chargé de mener l'enquête sur le meurtre de Gloria (Liv Del Estal, vue dans Validé). Enfin, Gwendoline Hamon (Cassandre) et Lannick Gautry (Peur sur le lac) jouent la mère et le beau-père de la victime, tandis que le rappeur Kaaris (Bronx) incarne Anis, un détenu influent qui va prendre Sami sous sa protection.

    Ça vaut le coup d'oeil ?

    Pour les sériephiles qui ont pu découvrir The Night Of sur OCS, il pourrait sembler difficile de rivaliser avec l'excellence de l'adaptation américaine produite par la chaîne HBO de la série policière anglaise Criminal Justice, créée par le showrunner Peter Moffat en 2008, tant la qualité de sa mise en scène et la performance bouleversante de noirceur de Riz Ahmed dans le rôle du héros, Naz, étaient inoubliables.

    Pourtant, la force de l'histoire de ce jeune homme arrêté au mauvais endroit au mauvais moment, et la description de la redoutable mécanique judiciaire qui va en faire le coupable idéal, est un choc trop puissant pour ne pas être addictive, y compris dans cette adaptation locale.

    Clothilde Jamin et Nicolas Clément, tous deux coscénaristes de la série Balthazar, transposent la série à Marseille dans un récit condensé qui passe de huit à six épisodes. Au coeur de la cité phocéenne, on y suit la descente aux enfers de Sami Kacem, un jeune garçon de 19 ans dont le destin va basculer suite à une rencontre fortuite avec Gloria, une jeune femme au comportement autodestructeur.

    Alors que tous les éléments semble le désigner comme le meurtrier, de ses origines maghrébines et son milieu modeste au profil de la victime (une jeune étudiante bourgeoise), le déroulement de l'enquête menée en parallèle par une avocate bon marché et un commissaire sur le point de partir à la retraite tente, plutôt que de chercher à faire douter le spectateur de l'innocence de Sami, de dépeindre les arcanes de la justice et de son implacable logique, dans laquelle la vérité importe peu face à la crédibilité des arguments avancés par chaque partie.

    FRANCOIS LEFEBVRE / TF1

    En arrivant à maintenir un degré de noirceur assumé ainsi qu'une certaine sobriété, la proposition de TF1 respecte le matériau de base de la série originale, qui dénonce l'état d'un système carcéral violent qui broie ses détenus laissés pour compte, et où les erreurs judiciaires sont permises par un système en crise.

    Avec son air angélique et son jeu aussi naturaliste que sensible, Sayyid El Alami est parfait dans le rôle de Sami, illustrant la perte d'innocence d'un agneau envoyé à l'abattoir. Prochainement à l'affiche de la série Disney+ Oussekine inspirée du fait divers du même nom, l'acteur apparaît comme une véritable révélation à l'issue de ces six épisodes, et un nom à suivre de près parmi la nouvelle génération.

    En revanche, on peine à adhérer au personnage de l'avocate, jouée par Mathilde Seigner, transposition du personnage de Jack Stone tenu par John Turturro dans la série HBO. En guise d'un avocat rongé par son métier, victime de crises d'urticaire géantes traduisant un dévouement sacrificiel pour les clients les plus démunis qu'il défend, on a ici affaire à une femme roublarde et alcoolique en rupture avec son milieu aisé, dont le seul passe-temps est de rencontrer des hommes sur Tinder en se faisant faire une manucure.

    Une modification d'autant plus étonnante que la caractéristique obsessionnelle du personnage joué par Turturro a ici été remisée au personnage du commandant de police interprété par Jean-Pierre Darroussin, qui évacue son anxiété en boulottant des barres chocolatées de manière compulsive. Un personnage qui trouve un écho avec l'affabilité du chef de la DGSE qu'il incarnait dans Le Bureau des Légendes, et dont on se demande bien pourquoi son interprète n'a pas été casté dans le rôle de l'avocat qui lui serait allé comme un gant.

    Quant au rappeur Kaaris, qui reprend le rôle tenu par le regretté Michael K. Williams dans The Night Of, celui-ci s'avère crédible en ex-baron de la drogue tenant les ficelles de l'intérieur de la prison et qui prend Sami sous son aile afin de l'aider à survivre dans un monde dont il ignore tout, mais aussi l'utiliser à ses dépends.

    Malgré quelques maladresses de cohérence dues à la contrainte de faire tenir l'histoire en six heures, Une si longue nuit n'en reste pas moins une série dramatique addictive et sombre, et sera un choc d'autant plus puissant pour les téléspectateurs qui découvriront ce drame sociétal et judicaire pour la première fois. Pour les autres, la comparaison avec la version d'Outre-Manche la rendra certainement plus laborieuse.

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