Mon compte
    The Batman : comment renouveler un héros déjà incarné par 6 acteurs au cinéma ?
    Maximilien Pierrette
    Batman ou Flash. Le nouveau reboot de Spider-Man. Des X-Men marginalisés. L’évolution du personnage de Captain America. L’architecture complexe du Marvel Cinematic Universe. Les tentatives indé. Les super-héros du grand et du petit écran n’ont aucun secret pour lui. Ou presque.

    "The Batman" au cinéma, ce sera le 2 mars. Donc dans moins d'un mois. Pour patienter, retrouvez chaque semaine des extraits des interviews de l'équipe du film DC avec laquelle nous avons pu nous entretenir. Aujourd'hui : l'approche de ce reboot.

    La pandémie est venue s'ajouter à ses adversaires en le contraignant à remettre son enquête dans les rues de Gotham City à 2022. Mais The Batman est désormais dans la dernière ligne droite qui le sépare des salles obscures mondiales. Et c'est à partir du 2 mars que les spectateurs français pourront découvrir ce reboot signé Matt Reeves et porté par Robert Pattinson.

    Un long métrage qui compte parmi les plus attendus de l'année et dont chaque bande-annonce n'a fait qu'accroître l'impatience autour du projet. Début décembre 2021, AlloCiné a eu la chance de pouvoir s'entretenir avec le réalisateur, le producteur Dylan Clark et une bonne partie du casting, et nous vous donnons rendez-vous chaque semaine qui précède la sortie pour retrouver leurs propos.

    Au programme du jour : l'approche et le ton de ce nouveau Batman, qui marque la septième incarnation du personnage en prises de vues réelles sur grand écran.

    The Batman
    The Batman
    Sortie : 2 mars 2022 | 2h 57min
    De Matt Reeves
    Avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano
    Presse
    3,9
    Spectateurs
    4,1
    louer ou acheter

    UN BATMAN PLUS SOMBRE

    Dylan Clark (Producteur) : Matt et moi avons travaillé sur ses épisodes de La Planète des singes et il sait vraiment se connecter aux personnages et à ce qu'ils doivent explorer sur le plan émotionnel de manière très viscérale. Et il construit son histoire à partir de cela. Batman n'ayant pas de super pouvoirs, il peut endurer des choses, émotionnellement parlant.

    Recevoir un appel pour faire un film Batman est terrifiant. Car on aime ce type. C'est à la fois l'appel le plus excitant et le plus horrible, car tu ne veux pas merder et rater le personnage. Mais une fois que Matt a compris qu'il y avait une manière différente et unique de l'aborder, en optant pour une exploration psychologique plus profonde, le projet est vraiment devenu excitant. Il recherche vraiment l'honnêteté et a signé un film contemporain, épique, avec du spectacle. Mais il secoue Batman, qui doit se frayer un chemin pour arriver du bon côté.

    Matt Reeves (Réalisateur, co-scénariste) : Je voulais prendre le personnage très au sérieux. Il est difficile pour moi de m'attaquer à Batman avec la pression liée au fait qu'il y a eu de grands films avant le mien. Ce qui m'importait, si j'acceptais de le faire, c'était de trouver une manière d'être irréfutable sur les raisons d'en faire un nouveau. Nous avions vu des histoires émotionnelles où il était question de la façon dont Batman a surmonté son traumatisme, de ses origines et de son entraînement et perfectionnement pour devenir l'Homme Chauve-Souris.

    Mais j'avais le sentiment que ce que nous n'avions pas vu, c'est sa psychologie. Celle d'un personnage imparfait, au début de sa carrière de Batman, alors qu'il ne sait pas vraiment comment il doit l'être. Le cheminement, pour parvenir à comprendre cela, est très personnel. Très psychologique : pourquoi ce type fait-il cela et que pense-t-il obtenir par ce biais ?

    Il est difficile pour moi de m'attaquer à Batman avec la pression liée au fait qu'il y a eu de grands films avant le mien (Matt Reeves)

    Dans ce sens, l'idée était donc de laisser le personnage avoir cet arc. Car bien souvent, une fois la partie origin story terminée, les histoires de Batman nous le montrent alors qu'il a fini d'être quelqu'un d'autre. Quand il va bien, qu'il s'est entraîné et maîtrisé. L'histoire tourne alors autour de ce que les méchants vont réussir à faire pour que le héros s'implique.

    Moi je voulais que notre arc narratif soit centré sur Batman. Montrer qu'il avait encore du chemin à parcourir, qu'il ne comprenait pas encore totalement comment être Batman. Il fallait donc le prendre très très au sérieux, sur le plan psychologique. Mais cela ne veut pas dire que le film est dénué d'humour. Lorsque Robert et moi parlions du rôle, nous étions conscients qu'il y avait quelque chose d'absurde dans le fait d'être Batman. Parce que vous portez un costume pour faire ça.

    J'ai essayé de faire en sorte que la façon dont le personnage agit ait autant de sens que possible. Et l'humour du film, qui est en réalité assez présent, vient de là. Lorsque nous lisions le scénario, Robert me faisait remarquer que l'humour vient du fait que Batman n'a, justement, aucun sens de l'humour. Et c'est exactement ça ! Il est très investi et sérieux dans ce qu'il fait, il ne dit pas les choses avec ironie. Donc l'humour provient du décalage entre ce qu'il dit et fait, et l'absurdité de certaines situations.

    Capture d'écran

    L'approche de Robert est vraiment merveilleuse et il y a deux ou trois moments dans le film qui résultent de cela. Au final, The Batman se situe bien sûr dans le spectre plus sombre de ce que fait DC au cinéma. Il cherche à prendre le personnage au sérieux et repose beaucoup sur cette idée de faire croire que le personnage pourrait exister. Beaucoup de super-héros ont des super pouvoirs, mais Batman fait partie des rares à ne pas en avoir. À part sa volonté obsessionnelle de faire ce qu'il fait et sa capacité à endurer beaucoup de choses.

    Et ses ressources. Il provient d'une famille riche et possède donc les moyens de faire tout cela. Mais à part ça, c'est une vraie personne. La noirceur et la saleté proviennent du fait de faire un thriller, un film d'enquête, qui portent une forme d'obscurité en eux. Mais il y a un peu d'amusement, lié au fait que le héros se trouve être Batman.

    UN BATMAN PLUS JEUNE

    Matt Reeves : Beaucoup de films ont montré le moment où Bruce Wayne décide de devenir Batman, et ils l'ont très bien fait. Je savais que je voulais le montrer jeune, sans faire une origin story pour autant. Que vous le découvriez en plein dans son expérience criminologique. L'idée de devenir Batman repose sur le fait de voir si l'on peut intimider les criminels pour faire baisser la criminalité.

    C'est une idée un peu folle car il décide de devenir un justicier. De faire justice lui-même. Je voulais quand même voir ça donc j'ai décidé de faire un "Batman - Année Deux" [par opposition au comic book "Batman - Année Un", qui sert souvent de référence quand il est question des origines du héros, ndlr]. C'est-à-dire qu'on le découvre un an après sa décision de devenir cette figure, alors qu'il n'a pas encore l'effet voulu, car le crime à Gotham est inflexible. C'est comme s'il jetait de l'eau dans un puits qui en a déjà, ça ne fait qu'en rajouter.

    Même dans un monde aussi sombre, isolé, dystopique et froid, il y a un cœur qui bat en son centre, personnifié par la relation entre Bruce et Alfred (Andy Serkis)

    Il est torturé par ces conséquences, et je voulais qu'il cherche à se dépasser, pour voir s'il peut avoir un autre effet sur la ville. L'idée d'avoir un Batman qui n'est pas parfait m'a aidé dans ma recherche d'une approche différente. Et cela nous donne un Batman avant tout motivé par la vengeance. Chaque personne qu'il croise fait, en quelque sorte, écho à ce qui est arrivé à ses parents - une scène que nous ne voyons pas dans le film mais qui le façonne.

    Notre Bruce Wayne est donc un type très perturbé, qui a entre 20 et 30 ans, cherche à ce que ses actes comptent, se surpasse, et se révèle accro à cette expérience très sensorielle : vous sortez la nuit en mettant un masque pour que personne ne sache qui vous êtes, vous cachez votre identité, vous allez dans un quartier réputé pour ses criminels, vous cherchez les ennuis, et cela vous fait presque planer.

    Peter Sarsgaard (Gil Colson) : Bruce Wayne est ici dans une phase de transition. C'est son adolescence. Pas littéralement, mais dans le sens où il cherche son identité. Je trouve cela très stimulant et c'est pour cette raison que les gens gravitent autour de la jeunesse : car c'est une période de transition.

    Warner Bros. Pictures

    Matt Reeves : Nous avons souvent vu un Batman qui se cache derrière le masque de Bruce Wayne, un playboy riche et imposant, qui se pavane avec de très belles femmes dans des voitures luxueuses. J'ai pris le parti d'imaginer un jeune homme faisant partie d'une lignée royale qui aurait subi un événement tragique. Il est comme cet enfant qui serait devenu solitaire et un peu dérangé, et que les gens imagineraient être drogué. Ce qui est le cas, car sa drogue est Batman. Cette drogue qu'il prend le soir, sa façon de planer, c'est de devenir Batman.

    C'est d'ailleurs la raison de la présence de la chanson "Something in the Way" de Nirvana dans la première bande-annonce : cela vient du scénario. J'avais Kurt Cobain comme référence. Je voyais une personne solitaire qui fait de la musique avec des amplis étalés dans un Wayne Manor délabré quand je songeais à mon Batman. Et c'est ce qui m'a attiré vers Robert Pattinson. Il avait ce côté rock'n'roll et autodestructeur, et j'étais excité de voir qu'il s'identifiait au personnage.

    Robert Pattinson (Bruce Wayne / Batman) : [Créer le costume] était un processus intéressant à ce titre, où vous parlez de ce que vous voulez ressentir dedans. J'ai essayé plusieurs éléments individuels et cela reste quelque chose de théorique pendant longtemps. Et quand nous sommes parvenus, ensemble, à ce costume final, je me souviens l'avoir essayé et d'être resté assis à glousser. J'avais envie d'aller vers le miroir pour voir le résultat en grognant (rires) Tu as presqu'envie de frapper quelqu'un au visage (rires) Mais c'était une grande expérience.

    Andy Serkis (Alfred) : Gotham City et l'environnement dans lequel se trouve Batman paraissent toujours mythiques. Et il y a un équilibre parfait entre un monde auquel on peut s'identifier tout en étant légèrement métaphorique, assez pour nous paraître familier. Mais c'est l'émotion qui est au cœur de l'histoire et cela correspond à Matt en tant que réalisateur. Même dans un monde aussi sombre, isolé, dystopique et froid, il y a un cœur qui bat en son centre, personnifié par la relation entre Bruce et Alfred. Cela créé de l'espoir et de la lumière au milieu de l'obscurité.

    Ma version d'Alfred est comme ce père de substitution qui ne pourra jamais être un père. Et sa relation avec Bruce est très complexe, dysfonctionnelle et pleine de nœuds. Le jeune homme est comme un ado renfermé qui refuse qu'on l'aide, autant que toute forme de sagesse et des mots de la part d'une figure paternelle, d'un mentor. Surtout qu'Alfred n'est pas programmé pour ressentir ce que c'est que d'être un parent.

    Warner Bros. Pictures

    En tant que soldat, il a été désensibilisé par la guerre. Il y a presqu'un côté psychopathe chez Alfred, dans le sens où il ne ressent pas d'émotion. Mais il ressent une douleur en n'étant pas capable de ressentir cette émotion. Et c'est aussi en cela que leur relation est complexe. Heureusement, ils se comprennent et se connectent sur leur capacité à déchiffrer les codes et les messages. C'est comme un hobby qu'ils partagent et qui réduit la distance entre eux, en leur permettant de se parler.

    Quand il était plus jeune, ils avaient sans doute une très bonne relation, quand Alfred lui enseignait ces compétences. Mais je pense qu'il a assisté à la désintégration de cette relation et ressenti une profonde tristesse. C'est comme voir vos enfants entrer dans l'adolescence et commencer à se renfermer en n'ayant plus besoin de vous. Alors que vous avez été le centre de leur monde à un moment, vous évoluez maintenant en périphérie. 

    UN BATMAN PLUS VIOLENT ?

    Dylan Clark : Le film sera définitivement PG-13 [interdit aux moins de 13 ans non accompagnés, classification américaine de la grande majorité des blockbusters, ndlr]. Cela a toujours été notre intention. Notre travail a été d'aboutir à une expérience sincère, honnête et viscérale. Et certaines choses sont évidemment sombres, surtout dans une ville telle que Gotham City, avec un personnage comme Batman, qui va se retrouver face à cette frontière entre le Bien et le Mal. Mais nous avons toujours visé le classement PG-13.

    Il y a de l'intensité, donc ça n'est pas pour un enfant de 8 ans, même si je le montrerai à mes jeunes enfants. Il faut juste avoir en tête qu'il est réaliste et viscéral, et que le grand arc émotionnel que nous avons cherché à créer pour Bruce passe par l'exploration psychologique de certaines choses plus sombres qui lui sont arrivées, comme on le voit dans les bandes-annonces.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 6 décembre 2021

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top