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    Là où chantent les écrevisses avec Daisy Edgar-Jones : la révélation de Normal People dans l'adaptation d'un best-seller
    Maximilien Pierrette
    Un feel-good movie avec une BO aux petits oignons, un drame situé dans l’Amérique rurale, une pépite qui prend le pouls des États-Unis, il aime se pencher sur la dernière sensation venue de l’autre côté de l’Atlantique.

    Daisy Edgar-Jones, Taylor John Smith, Michael Hyatt, Sterling Macer Jr. et la réalisatrice Olivia Newman évoquent le drame "Là où chantent les écrevisses", adapté du best-seller homonyme de Delia Owens.

    Paru en 2018 aux États-Unis (et deux ans plus tard en France), Là où chantent les écrevisses de Delia Owens n'aura mis que quelques années pour être transposé sur grand écran. Grâce à la réalisatrice Olivia Newman et la révélation de Normal People, Daisy Edgar-Jones, tête d'affiche au cinéma pour la première fois de sa jeune mais prometteuse carrière.

    Aux côtés de ses partenaires Taylor John SmithMichael Hyatt et Sterling Macer Jr., ainsi que de la réalisatrice, la comédienne revient sur ce rôle très physique : celui de Kya, jeune fille ayant grandi dans un marais loin de la ville, et qui se retrouve impliquée dans une histoire de meurtre. Et tous évoquent les thèmes très actuels de ce récit qui entremêle plusieurs genres.

    Là où chantent les écrevisses
    Là où chantent les écrevisses
    Sortie : 17 août 2022 | 2h 05min
    De Olivia Newman
    Avec Daisy Edgar-Jones, Taylor John Smith, Harris Dickinson
    Presse
    2,6
    Spectateurs
    4,0
    Voir sur Prime Video

    AlloCiné : Le film est aussi bien une romance que le portrait d'une marginale, une lettre d'amour à la nature ou un drame doublé d'une histoire de procès. Lequel de ses aspects vous a le plus parlé au premier abord ?

    Daisy Edgar-Jones : Je suis une grande romantique, donc j'ai aimé la partie histoire d'amour. Mais l'histoire de meurtre vous donne envie de tourner les pages du livre, et je pense que c'est pareil avec le film, car cela maintient le suspense et que ça a bien été intercalé tout au long du récit. Mais l'histoire d'amour épique est ce que je préférais.

    Taylor John Smith : Lorsque j'étais plus jeune, mon film préféré était Stand By Me. Et j'ai retrouvé des éléments de cette belle histoire de passage à l'âge adulte dans Là où chantent les écrevisses. Mais j'aime aussi la romance, au fur et à mesure que le récit progresse.

    Michael Hyatt : La conscience sociale est ce qui m'a le plus parlé. La conscience sociale et raciale. Et les conséquences de l'acceptation, le besoin d'être accepté ou la vérité liée au fait de vivre en marge, et la manière dont cela affecte votre vie et votre socialisation.

    Voilà ce que je vois dans Là où chantent les écrevisses, qui parle d'une jeune femme qui a choisi - car rien ne l'y obligeait - de sortir des sentiers battus, et un coupe afro-américain qui vit hors des cases dans lesquelles la société voudrait qu'il vive. Voir ces trois personnes se rassembler, partager leur marginalité pour découvrir comment cela les sert tout en étant un défi.

    C'est une chance que de pouvoir remonter le temps pour vivre ce que nos prédécesseurs ont vécu. Car on apprécie davantage où nous en sommes aujourd'hui, tout en ayant conscience du chemin qu'il nous reste à parcourir

    Sterling Macer Jr. : Ces films historiques qui se penchent sur l'expérience des personnes afro-américaines et la manière dont nous avons persévéré face aux lois Jim Crow [en vigueur de 1877 à 1964, et à l'origine de la ségrégation, ndlr] sont toujours captivants à mes yeux. C'est, en quelque sorte, une chance que de pouvoir remonter le temps pour vivre ce que nos prédécesseurs ont vécu. Car on apprécie davantage où nous en sommes aujourd'hui, tout en ayant conscience du chemin qu'il nous reste à parcourir.

    L'humanité de ces personnages m'a également parlé. Notamment la relation entre Kya et nous. Ou le fait que, au sein de cette communauté, nous sommes des piliers de cette humanité, alors que nous n'avions pas à l'être. Et c'est une dichotomie qui m'intéresse également. Les questions que j'ai dû me poser étaient à quel point j'étais prêt à accepter la douleur de cette époque, et si je pouvais en tirer quelque chose dont je serais assez fier. 

    Olivia Newman : Le fait que le film contienne tous ces éléments, c'est ce qui m'a attirée en tant que réalisatrice. C'est très stimulant de pouvoir explorer tous ces genres différents, mais le plus gros défi était de parvenir à les lier. Mais chaque jour de tournage était différent : nous pouvions filmer la romance entre Kya et Tate pendant une journée, puis être davantage focalisés sur l'histoire de meurtre le lendemain… Cela m'a permis d'utiliser différents muscles tout au long des prises de vues.

    A-t-il été nécessaire de faire beaucoup de changements par rapport au livre ? Afin de mélanger tous ces éléments dans un même film ?

    Olivia Newman : Dans le livre, vous passez du point de vue d'un personnage à un autre. Et vous n'arrivez pas au procès avant la fin. Donc le plus gros changement que nous avons fait consistait à rester le plus proche possible du point de vue de Kya, et c'est pour cette raison que nous avons avancé le début du procès dans le récit. Ainsi, que vous soyez dans l'intrigue du présent, au tribunal avec elle ou dans le passé, pour voir comment elle a survécu et tombe amoureuse, c'est toujours son personnage que vous suivez.

    Autant que faire se peut. Car il a aussi fallu transposer à l'écran tous les éléments du livre de Delia Owens et nous assurer de rester le plus fidèles possible au matériau original, donc le défi a été de trouver une manière d'en conserver le plus possible. Pendant toutes les versions du scénario, le tournage et même le montage, quand il a fallu couper de scènes afin que le film soit regardable (rires)

    Un rôle comme celui de Kya semble exigeant sur le plan physique, à cause de ce qu'il nécessite en termes de force ou même d'accent. Était-ce le cas, et qu'avez-vous dû apprendre pour ce rôle Daisy ?

    Daisy Edgar-Jones : J'ai eu de la chance car nous avons passé un mois à la Nouvelle-Orléans avant le tournage, et je n'avais jamais eu autant de temps. Donc j'ai pu apprendre à conduire un bateau - ce que j'ai adoré car tu peux aller vite (rires) J'ai aussi appris à pêcher ou essayé de faire du dessin, mais travailler l'accent était important. Il fallait qu'il paraisse authentique. J'ai eu beaucoup à faire.

    La nature se présente parfois comme un personnage à part entière. Est-ce ainsi qu'elle a été approchée, ou a-t-elle influé sur votre manière de tourner le film ?

    Olivia Newman : Un peu des deux, chacun a influencé l'autre. Ce qui m'excitait le plus était de parvenir à ressentir ce paysage si particulier à travers Kya. Comment elle se sent dans le marais. Elle peut très bien y ressentir une grande liberté à un moment, et le trouver écrasant et puissant lorsqu'elle s'y perd étant petite. L'étendue du marais est imposante. Mais elle parvient à s'y sentir libre, vivante. Nous avons donc toujours filmé en cherchant à retranscrire le ressenti de Kya, c'était notre ligne directrice.

    Mais, bien sûr, lorsque vous tournez sur place, des choses se passent. Et vous ne pouvez pas les contrôler, donc vous finissez par les capturer à l'image, car c'est ce que la nature te dicte. Mère Nature est une force très puissante et difficile à contrôler (rires) Donc elle a influé sur notre manière de la filmer.

    Taylor John Smith : Le marais est effectivement un personnage à part entière. Si nous n'avions pas tourné sur place, il aurait été difficile de le faire ressentir à travers les personnages. Cela changeait tout que de pouvoir être dans le marais ou les estuaires, même si le climat était un vrai défi. Mais cela explique aussi la résilience du personnage de Kya, qui est parvenue à vivre là-bas. À survivre depuis qu'elle est jeune.

    Si nous n'avions pas tourné dans le marais, il aurait été difficile de faire ressentir sa puissance à travers les personnages

    Daisy Edgar-Jones : Lorsque vous êtes sur place, vous pouvez difficilement ignorer l'énorme pouvoir de la nature. Nous avons fait face à des orages qui nous ont contraints à arrêter de filmer pendant des heures, nos plateaux ont été inondés. Mais Kya est amoureuse de cette nature qui l'entoure et dont elle apprend beaucoup. Notamment dans la manière dont elle peut faire que l'on se sent tout petit en son sein. Pouvoir tourner dans ces conditions était une bénédiction, et mon respect de la nature en est ressorti grandi.

    Le récit est situé dans le passé, mais il reste très pertinent pour aujourd'hui. Car il parle notamment de racisme alors que le procès évoque les mouvements comme #MeToo et ces femmes qui se sont élevées contre un système. L'avez-vous également vu ainsi ?

    Michael Hyatt : Le film montre la beauté de la défiance. L'éclat de cette défiance. Je pense notamment au livre de Barack Obama : "L'Audace d'espérer". Ce fait d'être assez courageux pour dire "Ça, c'est ta façon de penser, moi je vais faire autrement. Je vais raconter ma vérité. Et je me fiche qu'elle ne soit pas comme la tienne. J'ai le droit de vivre la mienne."

    J'aime que ce film montre aussi bien ce qui le font que ceux qui ne le font pas. Et ce qu'il se passe dans chacun des deux cas. Il est important de s'autoriser à être rebelle, si la vérité énoncée ne vous parle pas. C'est que j'aime avec Mabel et Jumpin : nous avons créé notre réalité malgré celles qui nous entourent. Nous nous sommes autorisés à tisser des liens avec cette femme, alors que cela aurait pu être dangereux pour nous à cette époque. C'est en ça que l'histoire est belle.

    Daisy Edgar-Jones : Le film se déroule dans les années 60, dans un Sud soumis aux lois Jim Crow. Mais des éléments de l'histoire sont, hélas, encore d'actualité. Comme vous le dites, les gens ne comprennent pas Kya, et la jugent car ils ont peur d'elle. Surtout à cette époque où une femme devait se conformer à ce que la société attendait d'elle, faire profil bas pour s'adapter à un homme.

    Olivia Newman : Ce que raconte le film est, malheureusement, toujours d'actualité. La loi n'est pas toujours du côté de la justice, comme on le voit souvent dans notre pays. Cela rend, hélas, le récit intemporel : il est question d'une personne jugée pour des raisons qui lui échappent, car des partis pris et préjugés sont à l'œuvre. Et, à cette époque, il n'y avait pas de loi aux États-Unis pour protéger les femmes victimes de violences domestiques.

    Ayant vu ce qui est arrivé à sa mère, et vu la force qui est la sienne, Kya a compris qu'elle devait trouver une manière de se protéger et se sauver, pour ne pas vivre dans la peur comme sa mère l'a fait. Ce sont des choses qui résonnent encore aujourd'hui, que l'on voit toujours, même s'il y a eu quelques toutes petites améliorations.

    Daisy Edgar-Jones : Je trouvais cet aspect d'autant plus intéressant que l'équipe était majoritairement féminine. Il y avait des femmes à la tête des principaux départements, donc c'était très exaltant d'être sur ce plateau pour parler d'émancipation féminine et de voir ces femmes dans des rôles de leaders. J'espère que cela va perdurer dans cette industrie, pour devenir la norme en matière de représentation derrière la caméra.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 8 juillet 2022

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