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    "La polémique va vite disparaître, Rodeo va rester", réagit Lola Quivoron
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Au micro de France Inter, la réalisatrice de Rodeo, Lola Quivoron, est revenue sur la polémique survenue à Cannes au moment de la présentation de son film :"La polémique va vite disparaître, le film va rester".

    À quelques jours de la sortie de Rodeo, le 7 septembre prochain, la réalisatrice et scénariste française Lola Quivoron était l'invitée de France Inter. Entre autres sujets, elle a été questionnée sur la polémique qui a agité la présentation de son film au Festival de Cannes en mai dernier. Une phrase prononcée en interview a déclenché des torrents de réactions sur les réseaux sociaux et fait l'objet de récupération politique.

    Cannes 2022 : pourquoi ce film sur le rodéo urbain fait polémique ?

    "[Cette phrase] ne reflète pas ce que je pense. Elle a été mise en exergue. Elle a été tordue un peu dans tous les sens, caricaturée, beaucoup, et ce n'est qu'une facette de la réalité, encore une fois. (...) Je peux comprendre que la phrase ait pu choquer. Elle est inscrite dans un montage, en flux tendu, en continu. Il y a presque une arrogance aussi parce que je suis à Cannes. Je parle des violences policières. C'est aussi cette mise en scène là qui a créé, je pense, énormément la polémique."

    "Après, je pense que la responsabilité est partagée, Konbini, certainement aussi ma parole, poursuit-elle. Mais il y a quand même l'adverbe souvent qui nuance le discours. Ce n'est pas parce que je pointe cette réalité-là que j'oublie toutes celles qui existent, et notamment celle que vous venez de citer [à l'adresse de la journaliste Léa Salamé, Ndlr.], les faits divers toutes les deux semaines."

    Léa Salamé a également demandé à Lola Quivoron comment elle avait vécu cette polémique. "J'ai envie de revenir au cinéma. J'ai écrit un grand texte, car, pour moi, très important. J'ai mis du temps à l'écrire justement pour prendre de la distance. En fait, on ne peut pas réagir comme ça à une polémique. On est obligé de prendre un peu plus de temps pour prendre de la distance, être dans la pensée. J'ai écrit ce texte, et il recontextualise vraiment la polémique. Je vous invite à le lire [il s'agit d'un texte relayé par nos confrères du Parisien en juillet dernier, Ndlr.] pour vraiment comprendre d'où c'est venu, et surtout mon point de vue là-dessus."

    Remettre au centre que c'est du cinéma

    "L'actualité, la surcharge, la saturation de ces faits divers dans l'actualité, reliée à mon film, a tendance à invisibiliser le plus important : le cross bitume est la toile de fond de mon film, ce n'est pas le sujet de mon film. Ce n'est pas les riders. Ce qui est intéressant est de remettre au centre que c'est du cinéma, le fait que c'est de la mythologie, c'est épique, c'est de la fiction, que c'est écrit, et surtout ça parle d'un parcours de femme. On n'a pas envie d'oublier ça. La polémique va vite disparaître, le film va rester."

    Voir l'interview sur France Inter au complet :

    Ci-dessous, nous reproduisons une partie du texte que Lola Quivoron évoque sur France Inter, publié le 25 juillet dans Le Parisien / Aujourd'hui en France

    "Je suis réalisatrice de films. Je ne suis ni journaliste d’investigation ni chroniqueuse ni une personnalité politique. Je ne suis pas habituée à l’exposition médiatique. Ce que m’apprend la polémique provoquée au Festival de Cannes par mon premier long-métrage, Rodeo, c’est que chaque parole prise dans le cadre médiatique engage une responsabilité indéniable. Par-là, je peux comprendre que les propos sur la police arbitrairement mis en valeur dans la vidéo de Konbini aient pu choquer. Cette phrase sortie de son contexte, a généré beaucoup d’incompréhension et de violence. Violence reçue par la police qui s’est sentie visée. Violence reçue par les familles des victimes causées par les accidents sur la voie publique. Violence que j’ai moi-même reçue à travers des salves d’insultes quotidiennes. Des messages et des commentaires sexistes et racistes instrumentalisant mon film ont saturé les réseaux."

    "Tout est parti de cette interview filmée et d’un retweet du compte le plus populaire de la fachosphère, repris opportunément par des élus locaux et nationaux en pleine période électorale, puis par des syndicats policiers, dont certains affiliés à l’extrême droite. Mes propos ont été caricaturés, surinterprétés, extrapolés au fil des articles et des plateaux TV par des journalistes, qui n’avaient eux-mêmes pas vu mon film. Dans l’interview de Konbini, les journalistes m’interrogent sur le cross bitume en effaçant leurs questions. Ma phrase Les accidents sont souvent causés par les flics qui prennent en chasse et qui poussent les riders vers la mort, volontairement érigée en slogan, a été totalement tronçonnée, saucissonnée et recomposée. Ce type de montage transforme le sens et produit un discours en flux tendu, sans déploiement réel d’arguments, rendant ma parole superficielle, brutale, et agressive. Il n’y a pas de profondeur, pas de développement, pas de pensée. C’est du contenu choc."

    "Je n’incrimine pas la police, je fais seulement un constat simple. Oui il y a des accidents, et je ne fais pas de généralités en les imputant exclusivement à la police. Je sais seulement que lors de ces fameux rodéos urbains dont tout le monde parle, des riders ont été blessés ou ont trouvé la mort en étant poursuivi par la police. L’adverbe de temps souvent nuance le discours. Ce n’est pas parce que je précise cette réalité que je nie d’autres types d’accidents : des collisions, des piétons fauchés, des chutes tragiques, etc. Je parlais à titre d’observatrice. La bavure policière n’est pas le sujet que j’élabore dans Rodeo. On a très vite associé mon film aux rodéos urbains, aux rodéos sauvages, des termes qui qualifient une pratique marginale, dangereuse, qui a lieu sur la voie publique, au milieu des voitures et des piétons. Or je ne mets en scène aucun rodéo urbain. On ne voit pas de riders rouler en ville dans mon film, pas non plus de course-poursuite avec la police qui n’apparaît jamais."

    Rodéo
    Rodéo
    Sortie : 7 septembre 2022 | 1h 46min
    De Lola Quivoron
    Avec Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi
    Presse
    3,6
    Spectateurs
    1,8
    Voir sur Universciné

    Texte à retrouver en intégralité sur le site du Parisien / Aujourd'hui en France.

    Rodeo de Lola Quivoron sort ce mercredi 7 septembre. 

    Le pitch : Julia vit de petites combines et voue une passion dévorante, presque animale, à la pratique de la moto. Un jour d’été, elle fait la rencontre d’une bande de motards adeptes du cross-bitume et infiltre ce milieu clandestin, constitué majoritairement de jeunes hommes. Avant qu’un accident ne fragilise sa position au sein de la bande...

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