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    Etre ou ne pas être un film choquant

    Le retrait du visa d'exploitation de "Baise-moi" par le Conseil d'Etat a déclenché une vive polémique, qui rappelle une série de précédents depuis 1960.

    La décision avait sans doute pour but de mettre un terme à la polémique qu'avait enclenché la sortie mercredi dernier du film de Virgine Despentes et Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Vendredi, le Conseil d'Etat a décidé de retirer le visa d'exploitation du film, jusque là à l'affiche avec une interdiction aux moins de 16 ans. En faisant de Baise-moi un film classé X, quelques jours après sa sortie, le Conseil d'Etat a relancé les débats.

    D'un côté du ring, parents de mineurs et l'association de défense des valeurs judéo-chrétiennes Promouvoir, présidée par un membre du MNR, le parti de Mégret. Le Conseil d'Etat a cédé sous leur pression. Résolument Anti-Baise-moi, Bruno Mégret a accueilli avec grand plaisir "la décision du Conseil d'Etat de retirer des circuits commerciaux le film pornographique Baise-moi".

    En face, les professionnels du cinéma. Les exploitants de salles sont les plus durement touchés par cette décision, à laquelle la Pan-Européenne, distributeur du film, s'est conformé en leur demandant de retirer le film des salles.

    L'avis de Maurice Laroche, responsable du Beverley, dernier cinéma X de Paris inscrit au CNC (Centre National de la Cinématographie), est tranché. "Il serait ridicule de classer ce film X, car ce n'est pas un film porno... Je reste persuadé que ce film est plus violent que pornographique, et n'a pas sa place dans un cinéma comme le mien. C'est pourquoi je soutiens MK2 dans son obstination à le projeter."

    Dans les MK2 justement, les salles continuent à projeter Baise-moi, avec un accès réservé aux personnes majeures. Marin Karmitz, propriétaire de ce réseau d'exploitation s'explique : "Je suis certes assujetti à la loi, en tant que citoyen et professionnel. Mais dans certaines circonstances, il faut savoir la contester. Le Conseil d'Etat doit veiller au respect de l'ordre public et je constate que ce film, projeté depuis mercredi, n'y a pas porté atteinte. En revanche, la décision du Conseil menace la liberté d'expression."

    Avec l'interdiction de Baise-moi, le Conseil d'Etat récidive. Depuis les années 60, le cinéma mâtiné d'un brin de provocation et de crudité a constamment été en lutte avec les autorités. Les films qui ont eu à en souffrir sont devenus des martyrs du 7e Art.

    On se souvient de La Religieuse de Jacques Rivette, interdit, projeté puis autorisé au gré des changements ministériels entre 1966 et 1967. Il y eut aussi Ave Maria (1984) de Jacques Richard, Je vous salue Marie (1985) de Jean-Luc Godard, Le miraculé (1986) de Jean-Pierre Mocky, La dernière tentation du Christ de Martin Scorsese ou encore Une affaire de femmes (1988) de Claude Chabrol, qui n'ont pas manqué de mettre en émoi les associations au credo bien-pensant.

    Et pourtant, cette France à la censure cinématographique en apparence facile, sera le premier pays à accueillir les Fantasmes du réalisateur sud-coréen Jang Sun-Woo.

    Film sulfureux tiré d'un roman interdit en 1976, Fantasmes est banni dans son pays. L'auteur du livre a purgé une peine de prison pour pornographie. Dans l'hexagone le film n'est qu'étiqueté d'un "interdit aux moins de 16 ans". Et le réalisateur de conclure : "Tout dépend de ce que l'on pense. Si l'intention est pornographique, le film sera pornographique, sinon il ne le sera pas". Esprits mal-tournés, passez votre chemin.

    M.C.B.

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