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    Kusturica unit musique et cinéma

    Emir Kusturica a présenté au dernier Festival de Berlin "Super 8 stories", un documentaire sur la tournée de son groupe No Smoking Orchestra.

    8 ans après avoir remporté l'Ours d'argent à Berlin pour Arizona Dream, Emir Kusturica y est repassé pour présenter Super 8 stories, hors compétition. Entre sérieux et dérision, le réalisateur du Temps des gitans et d'Underground s'est livré, de bonne grâce, au rituel de la conférence de presse.

    Egalement connu sous le nom Silence, Motherfucker, ce documentaire est un road movie, qui met en scène No Smoking Orchestra, le groupe dont il est guitariste, lors de sa dernière tournée. Interrogé sur le style musical du groupe, le cinéaste a expliqué : "pour moi, c'est un cirque en perpétuel mouvement, qui rend les gens heureux.", avant d'ajouter : "pour nous, c'est aussi une thérapie collective."

    Dr Nelle, le chanteur de No Smoking Orchestra, a défini ainsi l'apport du cinéaste au groupe : "quand il joue, il pense comme un réalisateur. C'est une bonne chose pour nous, car cela nous a permis de réduire la durée de nos morceaux. Avant, nous composions des morceaux d'une dizaine de minutes et maintenant nous nous limitons à 4 ou 5 minutes." Plein d'humour, Emir Kusturica a renchéri : "ma musique se raccourcit, mais mes films se rallongent !".

    Super 8 stories est construit sous la forme d'un collage de moments personnels, publics et scéniques, regroupant des souvenirs de la tournée, des réactions du public, mais aussi des archives historiques, des interviews de musiciens, et d'images de Belgrade sous les bombes. Le film navigue donc entre documentaire et fiction, ce que le cinéaste analyse ainsi : "la frontière invisible entre fiction et documentaire est mon obsession. J'ai commencé à travailler là-dessus avec Underground, et je vais poursuivre dans cette voie : c'est ce qui m'intéresse le plus."

    Emir Kusturica étant réputé pour être un bon client, les journalistes n'ont pas hésité à l'interroger sur la situation du cinéma mondial. Selon le cinéaste, être un auteur actuellement est un combat de tous les jours : "si vous voulez rester un auteur aujourd'hui, vous devez insister, car il est très difficile de résister à la globalisation et à la lobotomisation présentes partout dans le monde, pour rester vous-même. Tout va contre les auteurs : que vous preniez le fonctionnement des studios, qui traitent les films de "produits", ou les erreurs de la production indépendante dans la manière de faire des films, tout va dans ce sens, c'est-à-dire contre les auteurs." Seule exception pour le cinéaste : l'Europe, où il existe encore des possibilités pour réaliser des films dans un bon esprit.

    Justement en ce qui concerne les producteurs, une journaliste a demandé à Emir Kusturica s'il était vrai que les producteurs ne le trouvaient pas sympathique, comme elle l'avait lu dans la presse. Le réalisateur a d'abord fait mine de s'énerver en demandant le nom du producteur qui avait déclaré cela, avant de déclarer : "c'est vrai, mais pas pour ce film, car il n'était pas cher". Alors que la salle riait de bon coeur, il a poursuivi : "la plupart du temps, je suis trop à fond dans mes films, et je n'arrive pas à savoir comment et quand m'arrêter de tourner. C'est pour cela que mes films sont si chers, et cela peut expliquer de telles déclarations. Mais Karl Baumgartner [ndlr : patron de Pandora Films], qui a produit trois de mes films, est présent dans cette salle. Il est toujours vivant, et regardez-le : il sourit !". Avant d'ajouter, toujours plein d'humour : "il n'a peut-être pas obtenu de rendez-vous avec de grands studios, mais je crois qu'il est heureux", déclenchant des rires toujours plus nombreux dans l'assistance, décidément sous le charme.

    Après avoir été nominé au César du Meilleur second rôle pour son interprétation d'un prisonnier condamné à mort dans La Veuve de Saint-Pierre, de Patrice Leconte, Emir Kusturica reprend la route avec No Smoking Orchestra, qui poursuit sa tournée. Le groupe fera une halte à Paris le 18 avril prochain, à l'Elysées-Montmartre. On ne saurait trop vous conseiller d'y aller...

    F.M.L.

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