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    Claire Denis

    La cinéaste Claire Denis nous parle de son nouveau film, "Trouble every day", qui sort ce mercredi 11 juillet.

    Pourquoi avez-vous eu envie de réaliser un film de genre ?

    Le film est parti d'un projet que j'avais eu aux Etats-Unis avec Vincent Gallo (ndlr : l'un des acteurs principaux du film) il y a dix ans. A aucun moment Trouble every day n'a été pensé comme un film de genre. Finalement, il a été inspiré par la littérature de vampires ou par certains films fantastiques. Mais je ne me suis jamais dit : "je vais faire un film de genre maintenant".

    Un film de genre est-il difficile à réaliser en France ?

    J'aime beaucoup le film de genre. Il existait surtout en Italie ou aux Etats-Unis, dans des pays ayant un cinéma industriel. Il fallait recycler des décors, des acteurs et des metteurs en scène auxquels on ne pouvait pas confier de gros films. Il y avait donc des espaces ouverts pour des films à petits budgets. Le film de genre permettait ainsi de détourner une certaine censure. Les vampires et les monstres sont une façon de franchir la censure sur la sexualité. Mais, avant tout, ces films ont un rapport économique avec le cinéma. C'est donc difficile d'en réaliser en France où l'économie du cinéma est spécifique. Il est impossible de dire : aujourd'hui je fais une comédie, demain je ferai un film policier et après-demain je ferai un film de genre, ou alors cela deviendrait de la parodie.

    Vous ne vouliez surtout pas faire une parodie...

    Non pas du tout. Je n'ai jamais fait de parodies parce que j'en suis incapable et parce que je n'aime pas ça.

    A Cannes, lors de la conférence de presse, vous expliquiez avoir été inspirée par les peintures d'Alex Descas, l'un des acteurs...

    Il y a quelques années, Alex m'a montré des autoportraits qu'il avait faits. Il m'a prêté des toiles que je n'ai pas perçues tout de suite. Elles étaient dans des teintes oranges et rouges. Petit à petit, j'ai compris que c'était son corps avec des blessures. C'était très charnel. Il y avait dans les harmonies de couleurs quelque chose qui ressemblait à du sang séché. Je me suis souvenu avoir vu avec Alex, il y a plusieurs années, des objets de Jean-Michel Basquiat. Ils étaient rouge sombre, ce qui donnait une impression de sang séché. Je pense que ces sensations ont servi pour la réécriture du film. Je ne saurais pas bien les décrire. Pour moi, la plus belle affiche de Trouble every day aurait certainement été une peinture d'Alex.

    Peut-on dire que c'est un film d'amour ?

    Je crois que oui. Toute la trame est faite d'amour. C'est l'amour qui tend un peu tout, au-delà de la morsure.

    Pourquoi avoir choisi Béatrice Dalle ?

    J'avais travaillé avec elle sur J'ai pas sommeil. Elle formait déjà un couple avec Alex Descas et on s'était promis de retravailler ensemble. Je crois qu'elle a vraiment inspiré mon film. J'ai tout de suite pensé que Béatrice serait capable de me comprendre quand je lui demanderai de jouer une femme qui se métamorphose en fauve mais qui en souffre. Une femme qui n'est pas une bête sauvage mais qui, par moment, sent une transformation s'opérer en elle comme dans La Féline de Jacques Tourneur. Je pensais que Béatrice avait cette puissance et cette liberté.

    Et le choix de José Garcia qui fait une petite apparition dans votre film...

    Je l'avais beaucoup aimé dans Extension du domaine de la lutte de Philippe Harel.

    Les couleurs et la lumière sont très importantes dans ce film. Comment avez-vous travaillé avec votre chef-opératrice, Agnès Godard ?

    Avec Agnès, on ne se pose pas de questions visuelles mais plutôt des questions d'espaces. Comme nous travaillons souvent ensemble, nous n'avons plus vraiment besoin de nous parler. La question esthétique ne s'est jamais posée entre nous. On a toujours fait des choix que je qualifierais de "cinématographiques", c'est à dire simplement raconter une histoire. Après, si les images sont belles, c'est dû au talent d'Agnès ou d'Arnaud de Moléron, le décorateur. Au fond, on a aucun principe esthétique.

    M-C.H.

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