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    Interview : François Dupeyron

    Le réalisateur François Dupeyron a accordé un entretien à AlloCiné à l'occasion de la publication de son premier roman : "Jean qui dort".

    Ce mercredi 6 mars paraît chez Fayard dans la collection Un Cinéaste/Un Roman, dirigée par Benoît Delmas, le premier roman du réalisateur Francois Dupeyron : Jean qui dort. Ce nouveau romancier a accordé un entretien à AlloCiné au lendemain de la cérémonie des César, durant laquelle deux statuettes furent attribuées à sa Chambre des officiers.

    AlloCiné : Jean, le personnage principal de votre roman, est-il l'alter-ego de Marc, interprété par Jean-Pierre Darroussin dans votre film "C'est quoi la vie ?" ?

    François Dupeyron : Ce sont effectivement deux agriculteurs en crise mais je ne me suis aperçu de leurs points communs qu'après-coup.

    Quelles sont les causes de la dépression de Jean ? Vouliez-vous évoquer le drame des agriculteurs endettés ? Ou encore aborder de façon plus générale le malaise provoqué par une société qui demande d'être toujours plus productif ?

    Je ne tenais pas à décrire le drame paysan en particulier. Un agriculteur en crise est un homme comme tout le monde. Ce sont sûrement plusieurs facteurs qui provoquent la dépression de Jean : son père, sa femme, son travail, l'absence d'amis... C'est au lecteur de s'approprier le texte que j'ai écrit et de l'interpréter comme il veut.

    L'habitude d'écrire des scénarios vous a-t-elle aidé dans l'écriture de ce roman ?

    J'avais un manque total de confiance en moi en tant que romancier. Mais pas en tant que dialoguiste, grâce aux scénarios que j'avais précédemment écrits. J'ai donc commencé par ce que je savais faire, les dialogues, ce qui m'a donné de l'élan pour construire le reste. Par ailleurs, j'ai installé, comme dans mes scénarios, une situation de départ à laquelle j'ai ensuite greffé d'autres éléments et personnages qui ont fait évoluer progressivement cette situation initiale.

    Est-ce plus difficile et plus impudique d'écrire un roman que de réaliser un film ?

    Je dirais l'inverse : écrire un roman m'a semblé plus facile. Cela m'a procuré une sensation de liberté beaucoup plus grande. Dans un roman, on peut facilement jouer avec le temps et introduire des scènes passées, l'esprit peut accomplir des aller-retours sans contrainte. Dans un film, revenir en arrière oblige à recourir à des procédés un peu lourds comme les flash-backs. Le cinéma s'arrête toujours sur le présent, ce dont le réalisateur tente de se dégager.

    Autre aspect plus facile : je dirais que le roman est de l'ordre du rêve et le film de l'ordre du réel. Sur un tournage on doit confronter au réel ce qu'on a écrit dans le scénario : c'est une façon de se mettre à nu, de se révéler de façon beaucoup plus brutale. Mais je ne crois pas que la démarche qui m'a poussé d'abord à réaliser des courts puis des longs métrages soit fondamentalement différente de celle qui m'a poussé à écrire un roman...

    Votre roman se lit rapidement et votre écriture est épurée, comme si vous vouliez la condenser...

    Cela vient sûrement de ma formation de monteur : j'ai tendance à enlever des éléments -je prèfère le terme "enlever" à celui de "couper"- plutôt que d'en rajouter. J'ai retenu aussi de Georges Simenon le principe d'une dramaturgie qui capte l'attention du lecteur sur un temps court. J'écris également avec beaucoup de ruptures et d'associations, comme pour le montage d'un film.

    Que signifie pour vous le titre "Jean qui dort" ?

    Ca sonne bien et ça fait penser à l'expression "Jean qui rit et Jean qui pleure". Enfin, il y a évidemment la notion de sommeil dans lequel le personnage de Jean est plongé à plusieurs reprises.

    Comment avez-vous réagi à l'annonce des nombreuses nominations aux César de "La Chambre des officiers" ?

    Ce n'était pas désagréable. J'ai pris cela comme une reconnaissance de la profession.

    Vous adaptez souvent des romans au cinéma. Pourquoi ? Allez-vous adapter "Jean qui dort" pour votre prochain long métrage ?

    Quand je décide d'adapter un roman, c'est parce que j'y ai trouvé quelque chose de moi, que tout seul, je n'aurai pu exprimer parce que je n'en aurai peut-être pas eu la force. Non, je n'adapterai pas Jean qui dort, ce serait trop difficile à cause de ces contraintes temporelles que j'ai évoquées précédemment. Sinon je prépare effectivement un prochain long métrage : c'est une adaptation de la pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran que je tournerai cet été. Je suis en train d'en faire la distribution.

    Propos recueillis par Amélie Charnay

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