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    Interview : "La Vie à la folie"

    A l'occasion de la sortie de "La Vie à la folie", ce 27 mars, AlloCiné a rencontré le réalisateur John Carney et l'acteur Cillian Murphy.

    Le réalisateur John Carney était à Paris en compagnie de l'acteur Cillian Murphy pour présenter La Vie à la folie, un long métrage dramatique irlandais, saupoudré d'un humour noir bien de chez eux. Allociné les a rencontrés.

    AlloCiné : Comment décririez-vous votre film à quelqu'un qui n'en a jamais entendu parler ?

    John Carney : Je dirais que c'est une romance entre deux jeunes gens, qui résident tous deux dans un institut psychiatrique, et qui découvrent l'amour au sein de cet environnement particulier. Cet amour semble les sauver d'un besoin mutuel d'autodestruction, temporairement du moins. En fait je crois que c'est une histoire assez optimiste, pleine d'espoir, sur l'amour.

    A quand une sortie américaine de La Vie à la Folie ?

    J.C. : C'est difficile à dire... Je pense qu'ils (le film est produit par les studios Universal - NDLR) sont un peu nerveux, il ne savent pas trop comment le film va être reçu par les Américains. Ils sont donc en train d'expérimenter, de tester l'audience en vue d'une sortie prochaine. (...) Je ne suis pas autant excité à l'idée de voir mon film sortir sur le sol américain que je ne le suis par sa sortie ici en France. Jusqu'à présent nous avons reçus de très bonnes réactions de la part des journalistes. Et puis La Vie à la folie est probablement plus un film européen, donc destiné en priorité à un public européen.

    Pourquoi avez-vous décidé d'écrire et de réaliser un film sur des adolescents suicidaires ?

    J.C. : L'idée originale n'est pas de moi, je ne veux en aucun cas minimiser le travail de David James, le scénariste qui en est le véritable auteur. Ceci dit, je dirais que ce qui m'a le plus attiré réside dans le personnage central, ce jeune homme (Jonathan Breech, interprété par Cillian Murphy) doté d'un sens de l'humour très noir, sarcastique, un personnage cynique mais en même temps un héros très traditionnel qui, comme bien d'autres avant lui, réagit face à ses problèmes en usant de cet humour. Il me fait d'ailleurs penser à ce genre de personnages qui, quoi qu'il arrive, restent fidèles à eux mêmes, et ne changent jamais.

    Pourtant son personnage évolue à travers le film, non ?

    J.C. : Je ne dirais pas ça. Evidemment, il y a quelques détails qui changent, des choses qui entrent dans sa trajectoire, mais pour moi il reste d'un bout à l'autre ce héros cynique, très sûr de lui, qui n'acceptera aucune des conneries qu'on tente de lui faire avaler sur son état suicidaire. C'est ça qui m'a beaucoup plu en lui je dois dire. Et puis bien sûr l'histoire d'amour qui se créé entre lui et Rachel.

    Quelle est selon vous la plus grande qualité du film ?

    Cillian Murphy : Difficile de répondre objectivement... Je dirais que j'aime beaucoup la bande originale, et l'ambiance du film en général. Et puis c'est vraiment un film pour les jeunes, qui parle des jeunes sans vouloir leur donner de leçons, il parle de leurs problèmes, de leurs aspirations de manière crue et réaliste.

    J.C. : Ce n'est pas un film ambitieux, c'est un petit film qui parle de choses importantes. J'aime le fait que les acteurs aient pu s'exprimer librement sur le sujet qui leur était proposé, sans restriction. Le concept de claustrophobie dans cet hôpital était également une idée intéressante qui m'attire beaucoup.

    Des regrets ? Des détails qui ne fonctionnent pas autant que vous l'auriez espéré ?

    J.C. : Je n'aime pas avoir de regrets. C'est toujours facile de dire ‘On aurait du faire ci ou ça' après coup. Je ne suis pas comme ce peintre, je ne sais plus s'il s'agissait de Renoir ou quelqu'un d'autre, qui se levait la nuit pour rectifier un détail gênant sur ses propres toiles. Mais puisqu'il y a toujours ce genre de choses, la fin du film est un peu différente de ce que je voulais en faire. Personnellement, et sans vouloir raconter ce qui arrive, j'aurais aimé que les deux personnages principaux se suicident. Je pense que cela aurait rendu le film beaucoup plus intéressant, car il serait devenu LE film dans lequel les héros se suicident à la fin...

    Cela aurait donné un film complètement différent. Vous parliez d'optimisme et d'espoir...?

    J.C. : Oui. Mais je ne pense pas que le suicide soit, dans ce cas, une fin pessimiste en soi, mais plutôt le passage vers un monde meilleur, ce n'est pas pessimiste de dire ça.

    C.M. : Oui et puis je pense que la fin telle qu'elle est n'est pas si optimiste que ça. Le fait qu'ils partent main dans la main ne veut pas dire qu'ils sont sauvés, que tout ira bien à présent. Ils ont encore un long chemin à parcourir avant leur guérison.

    J.C. : Il y avait une autre fin dans laquelle ils repartent pour l'hôpital, mais on s'est dit que cela ne collerait pas avec l'image de ces falaises et de l'océan qui dénotent une certaine liberté.

    Récemment nous avons pu voir d'autres films du même genre tels que "28 Jours en sursis" ou "Une vie volée", en quoi "La Vie à la folie" est-il différent ?

    J.C. : Il est tout simplement bien meilleur (rires).

    N'aviez-vous pas peur de reproduire les clichés déjà établis par ces films là ?

    J.C. : Pensez-vous que c'est ce que nous avons fait ?

    Pas du tout, mais il s'agissait vraiment d'un piège à éviter, non ?

    J.C. : Tout à fait. A vrai dire, il n'y a pas un seul cliché dans le film que nous n'ayions pas anticipé. Il fallait donc être sûr de nos influences. Je pense que le fait que La Vie à la folie soit mon premier film produit par un studio ajoutait un peu plus de pression sur mes épaules, et j'avais peut-être peur que mes idées soient mal interprétées, ou mal comparées. Lorsque l'on réalise un film avec son propre argent c'est différent, on peut se permettre tous les clichés que l'on veut, mais là...

    C.M. : Et il y a les bons et les mauvais clichés.

    J.C. : Je suis d'accord, tant qu'à reproduire des clichés, autant choisir les bons. Tout dépend ensuite de la façon de les présenter. Si vous le faites correctement, le public n'y verra pas d'objections. Prenons le cliché du psychologue qui a toujours la bonne réplique, puisque c'est de cela qu'il s'agit, et bien si vous regardez des films comme Will hunting ou Le Cercle des poetes disparus, ils sont bourrés de clichés ! Mais la performance de Robin Williams les met entre parenthèses. C'est un parti pris, il faut l'assumer et faire avec. De toute façon c'est inévitable.

    Cillian, l'histoire évolue autour de votre personnage, Jonathan, pouvez-vous nous parler de lui ?

    C.M. : J'ai toujours horreur de parler de mes personnages (rires), je ne sais pas pourquoi. Il y a beaucoup de gens comme lui, arrogants, sûrs d'eux mêmes, vifs d'esprit, j'aime beaucoup ça. (Le téléphone de John Carney se met à sonner, l'acteur et le réalisateur se regardent, visiblement gênés) Tu réponds ?

    J.C. (au téléphone) : Allô ? Oui ? Ah, oui ! Alors, est-ce que tu as vu les affiches de La Vie à la Folie en ville ? Non ? Bon et bien fais moi savoir si tu en vois. Au revoir. (Il raccroche. Cillian reprend)

    C.M. : Où est-ce que j'en étais ? Jonathan, mon personnage, est envoyé dans cet institut, où il est entouré de toutes sortes de personnes qui lui font réaliser qu'il n'est pas seul au monde, que d'autres ont des problèmes plus graves que les siens. Et puis il rencontre cette fille, avec laquelle il peut parler. Il ne tente pas de la sauver mais simplement de l'aider, et cela est en quelque sorte un moyen d'exorciser ses propres démons.

    Jonathan essaye désespérément de cacher son chagrin derrière son sens de l'humour, vous ne pensez pas ?

    C.M. : Absolument, c'est comme un mécanisme de défense pour lui. Il ne se remet pas de la mort soudaine de son père, alors il fait de tout ça une sorte de blague.

    Y-a-t-il un peu de Jonathan en vous ?

    C.M. : J'ai tendance à être beaucoup plus ouvert, cependant je comprend la situation dans laquelle il se trouve, et comment il est devenu ce qu'il est. J'adore la grande confiance qu'il a en lui, et je n'ai malheureusement pas cette confiance.

    La présence d'un acteur aussi expérimenté que Stephen Rea a du être un plus non-négligeable pour vous deux ?

    J.C. : Oui, il est très bon. Il a une présence incroyable, pourtant c'est un acteur si tranquille, silencieux. Il est civilisé, courtois, il ne semble jamais forcer sa performance, il est vraiment naturel.

    C.M. : Oui, il était très sympa. Il m'a donné plein d'astuces pour m'aider dans mon travail.

    Etait-il votre premier choix pour l'interprétation du psychiatre qui tente de sauver ce groupe d'enfants suicidaires ?

    J.C. : Oui. Les Américains voulaient Peter Falk à la place, mais franchement je ne crois pas que l'inspecteur Colombo aurait été le choix le plus judicieux (rires). Ils sont vraiment bizarres ces Américains...

    Propos recueillis et traduits par Mickaël Azi

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