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    Rencontre avec David Fincher

    A l'occasion de la sortie, le 24 avril, de "Panic room", AlloCiné a rencontré David Fincher. Retrouvez notre interview vidéo avec ce cinéaste culte...

    Découvrez l'interview vidéo de David Fincher ( et )

    En seulement quatre films, l'Américain David Fincher a su s'imposer comme l'un des réalisateurs les plus talentueux de sa génération. Issu du clip, il débute en signant Alien 3 puis se révèle en 1996 avec l'impressionnant Seven. The Game et surtout le controversé Fight club viendront ensuite confirmer le talent d'un metteur en scène déjà culte, tributaire d'une vision sombre et cynique du monde contemporain.

    A l'occasion de la sortie de Panic room le 24 avril, AlloCiné a rencontré le cinéaste, de passage à Paris. Il y évoque le tournage de ce thriller à huis-clos, son rapport avec les comédiens et Jodie Foster en particulier, sa vision personnelle du cinéma... et ne ferme pas la porte à l'éventuelle réalisation de Mission : Impossible 3 ! Passionnant...

    AlloCiné : Après "Fight Club", grande source de polémique, ce nouveau film présentait-il pour vous une chance de tourner quelque chose de plus "classique" ? Un retour au calme après la tempête, en quelque sorte...

    Non... De nombreuses personnes sont venues me demander : "Alors, Fight club t'a-t-il servi de leçon ? Maintenant, vas-tu enfin faire le genre de films que le public veut voir ?" Non. En fait, je n'ai pas abordé le film de la sorte. Je suis très content de ce que j'ai fait avec Fight Club et avec Panic room. Ce sont deux genres de films complètement différents. Je veux être un réalisateur capable de faire différents types de films. Je ne veux pas que mes choix soient limités par ce que je pense que les autres voudraient que je fasse ou par le fait qu'ils me collent une étiquette, vous comprenez ?

    Mon approche est davantage : "Qu'ai-je envie de faire ? Quels genres de films ai-je envie de voir ? Pour quels genres de films ferais-je la queue ?" Je me suis donc demandé comment j'aimerais que quelqu'un me parle de Panic room, en me présentant l'histoire... Honnêtement, si quelqu'un me racontait les grandes lignes de l'histoire, je ne serais sans doute pas plus emballé que ça. En revanche, s'il ajoutait : "Non, c'est vraiment cool. Tu devrais y aller", alors, oui, j'irais le voir. Ce sont là mes critères.

    Comment s'est déroulé le tournage ? Filmer à huis-clos présente-t-il des difficultés techniques ?

    Nous pensions que cela allait nous prendre huit à dix semaines. Mais, en réalité, le tournage a duré 24 ou 26 semaines ! C'était extrêmement compliqué. Il fallait faire très attention à cause des prises de vue peu ordinaires. Il fallait créer un monde à partir d'une maison. Nous passions notre temps à filmer de la cheminée ou du haut d'un miroir, ou encore en partant des pieds des personnages, à travers le plancher. Avec le recul, cela a peut-être été plus compliqué que nécessaire. Mais, à ce moment-là, cela nous semblait être le seul moyen de maintenir l'intrigue, qui tourne autour de ce seul et unique endroit. Il n'y avait pas d'autres toiles de fond. Les différentes pièces de la maison que nous découvrons au cours des cinq premières minutes du film sont les seules pièces que nous allons voir pendant deux heures.

    Êtes-vous devenu claustrophobe à la fin du tournage ?

    Non (rires) ! Il est vrai que nous avons fini par étouffer un peu. Nous finissions par nous marcher dessus. C'était toujours les mêmes pièces. C'est intéressant d'ailleurs de travailler sur un plateau. Ce dernier était très grand, mais la maison en soi n'était pas très grande. Nous commencions le tournage vers neuf heures du matin. Puis, vers 16 heures, nous avions "épuisé tout l'oxygène" sur le plateau ! Les gens s'écroulaient dans leur chaises. C'était épuisant ! Mettez par exemple 90 personnes dans deux pièces, toutes en train de parler et de s'agiter. Vous aurez l'impression que l'oxygène s'amenuise. Tout le monde sombre alors dans un état léthargique. Cela peut être très frustrant, c'est une expérience très frustrante. J'imagine que cela doit se rapprocher d'un tournage sur un bateau...

    Il y a eu quelques problèmes avec le casting, notamment avec Nicole Kidman...

    Oui, Nicole Kidman s'est cassée la jambe durant le tournage, elle s'est fêlé le genou en montant les escaliers en courant, je crois. C'était très douloureux et elle n'avait pas le droit de se mettre debout sur sa jambe pendant environ six semaines. Et il n'y avait pas moyen de retarder le tournage.

    C'est alors que Jodie Foster s'est jointe au projet...

    Nous avons eu une chance inouïe... Quand Nicole s'est blessé, j'ai sincèrement cru qu'ils allaient mettre un terme au projet. Et je n'étais pas contre, parce que je ne voyais pas qui pouvait la remplacer, il fallait quelqu'un qui possède un charisme suffisant pour porter ce film et qui ait la présence nécessaire... Il fallait que le public ait envie de vivre ce film par procuration à travers cette personne. Cette dernière servirait de lien entre les spectateurs et l'intrigue du film. Pour ce faire, il fallait donc trouver quelqu'un d'exceptionnel. Et il se trouve qu'au même moment, Russell Crowe s'est blessé sur le tournage de Flora Plum, ce qui fait que Jodie Foster était disponible.

    Nous nous sommes rencontrés, elle a été très emballée par le projet et a accepté de reprendre le rôle. Nous sommes très complémentaires... Elle est le genre d'actrice qui me correspond parfaitement et j'ai l'impression d'être le genre idéal de réalisateur pour elle, dans le sens que je cherche à donner aux acteurs talentueux l'univers dont ils ont besoin pour faire leur travail. Je ne serai jamais le genre de réalisateur qui aidera un comédien à changer ou à se redéfinir. Je suis incapable de les aider à se sortir d'une impasse, je ne connais pas suffisamment le métier de comédien pour aider. Mon travail consiste à leur fournir les informations telles que le décor, les vêtements, le genre de personnage, les accessoires que ce dernier aura... Et c'est à eux de jouer !

    Jodie Foster a récemment déclaré qu'elle vous trouvait meilleur "technicien" que Martin Scorsese, car vous supervisez absolument tout sur un tournage...

    Je ne vous crois pas (rires) !

    Cela renforce en tout cas le fait qu'après seulement cinq films, vous bénéficiez déjà du statut de réalisateur culte...

    Est-ce vraiment un avantage (rires) ?

    Je savais que vous alliez dire ça ! Mais que pensez-vous de ce statut que l'on vous prête ?

    Je ne sais pas... Bien que je travaille dans un art coûteux et populaire - dans lequel la capacité de rendre quelque chose intéressant dépend de vos particularités personnelles -, je n'ai jamais eu peur de faire ce que je pensais être bon. Même si cela ne semble pas forcément être le plus... En fait, des points litigieux reviennent souvent entre les studios et moi ; ils préfèrent voir des actes héroïques non spécifiques que des actes spécifiques non héroïques. Ils préfèrent voir des personnages qui se comportent de façon noble et générique, que des personnages qui se comportent de façon étrange ou d'une façon propre à leur milieu. Cela ne m'a jamais intéressé.

    Des personnages comme Luke Skywalker ne m'intéressent pas. Le héros au sens propre du mot, le Chevalier blanc, ne m'intéresse pas. Je suis davantage intrigué par des gens qui... Enfin, disons que je connais davantage de personnes comme Michael Douglas dans The Game que de personnes comme Luke Skywalker.

    De "Alien 3" à "Panic room", vous cultivez une vision très sombre du monde...

    Je ne le fais pas exprès. C'est juste que je tombe toujours sur des scénarios qui se déroulent la nuit. J'ai tendance à trouver que la majorité des films ont trop de lumière. J'ai l'impression que de nombreuses choses que l'on voit dans les films ne sont claires que pour attirer l'attention du public. De mon côté, je pense qu'il y a d'autres moyens d'attirer leur attention. Ce qui me plaît dans un film, c'est quand les spectateurs, au lieu d'être assis au fond de leur siège avec la tête en arrière, se penchent en avant... J'aime bien quand les personnages d'un film parlent doucement et que les spectateurs sont obligés de tendre l'oreille pour suivre ce qui se passe. C'est pour moi une autre façon d'attirer l'attention du public, au lieu de les voir affalés dans leurs sièges à attendre que quelque chose se passe, en disant : "Ouais, ouais, ouais ! J'attends. Allez-y, faites sauter quelque chose !"

    Qu'en est-il de vos projets à venir ? Ce projet de science-fiction adapté d'un roman d'Arthur C. Clarke, "Rendez vous with Rama" ?...

    Je ne sais pas. J'espère... Je suis censé lire un scénario à mon retour à Los Angeles. J'espère que ce scénario sera le bon, celui qui vaudra 200 millions de dollars plus ou moins... enfin, le prix qu'engendra ce film. J'espère. Je croise les doigts...

    Et cette rumeur selon laquelle vous pourriez réaliser "Mission : Impossible 3" ?

    C'est en cours de discussion. Tom Cruise et moi avons parlé des différentes idées qui pourraient nous intéresser tous les deux. Mais j'ai tendance à me méfier des franchises. J'aime bien que le public ait certaines attentes quant à un film, mais je ne suis pas sûr de pouvoir réussir à celles d'une aussi grosse franchise, qui est censée rapporter beaucoup d'argent. Cela dit, on ne sait jamais... (Depuis cette interview, le projet semble d'ailleurs se concrétiser, Variety affirmant aujourd'hui que le réalisateur est en négociations finales pour réaliser le film).

    Propos recueillis par Clément Cuyer - Traduction de Camille Joubert

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    Retrouvez la de "Panic room" et quatre extraits du film

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