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    David Cronenberg, le cinéaste de la mutation
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    David Cronenberg fête ses 75 ans, l'occasion de revenir sur l'un des grands thèmes de sa filmographie : la mutation. Que cela soit avec le célèbre "La Mouche", "Videodrome" ou le moins connu "Rage".

    Constantin Film Verleih

    Avant d'être un réalisateur régulièrement en compétition au Festival de Cannes, David Cronenberg a commencé dans le cinéma horrifique d'exploitation. A 75 ans aujourd'hui, et après 21 films à ce jour (23 si l'on compte ses films expérimentaux de jeunesse, Stereo et Crimes of the Future), il a su développer des thèmes récurrents dans son œuvre, dont celui de la mutation.

    "La Mouche", classique du "Body Horror"

    Le corps et ses transformations sont un élément central de la filmographie du metteur en scène canadien. On pense dans ce cas évidemment à La Mouche (1987) et au pauvre Jeff Goldblum qui va autoexpérimenter la téléportation, fusionner son code génétique avec celui d'une mouche et... se retrouver changé en insecte géant ! Mais le film porte davantage sur le lent processus de mutation et surtout la façon dont le personnage se retrouve mentalement humain dans un corps animal.

    Mais cet amour de la mutation du corps n'est pas née avec La Mouche puisque dès Frissons (1975) et Rage (1977), Cronenberg aborde ce sujet via un étrange parasite pour l'un et un organe sous l'aisselle d'une femme pour l'autre. Le parasite et l'organe viennent soudainement lancer une épidémie massive et incontrôlable. Dans ces films, l'humain est l'hôte du parasite, à la façon de ce que proposera notamment Alien de Ridley Scott en 1979 avec l'alien s'extrayant de la cage thoracique d'un être humain.

    En cela, le film s'inscrit parfaitement dans un sous-genre du cinéma d'horreur, le "Body Horror", à savoir des films dans lesquels l'effet horrifique provient de la transformation ou de la dégénérescence du corps physique. On trouve dans ce sous-genre bon nombre de films de David Cronenberg, mais aussi The Thing (1982), Re-Animator (1985), Braindead (1992) ou Cabin Fever (2002).

    Cronenberg le visionnaire

    C'est avec Videodrome (1984) que Cronenberg confirme un changement initié dans Scanners (1981) : la mutation est abordée par l'angle des nouvelles technologies. Véritable anticipation d'internet et des avatars, le film présente un monde de surmédiatisation voyant l'arrivée de technologies de pointe. Cela se traduit par des excroissances étranges sur certains humains, comme une fente abdominale permettant de lire des VHS ou des armes incrustées aux membres du corps façon cyberpunk. Le personnage de James Woods accueillera d'ailleurs dans le film ce changement d'un mythique "Longue vie à la nouvelle chair !"

    Puis, il y aura les insectes qui se changent en machines à écrire parlant avec leur anus dans la difficile adaptation du roman de William S. Burroughs Le Festin nu (1992), ou les jumeaux gynécologues de Faux-Semblants (1988), reliés l'un à l'autre (le temps d'un cauchemar) par un organe qu'une femme voudra dévorer et qui opèrent des femmes mutantes.

    Avec eXistenz (1999), qu'il écrit seul et qui n'est pas une adaptation de roman, Cronenberg frappe à nouveau très fort en prévoyant la plongée du monde dans le virtuel avec cette histoire de joueurs se connectant à un jeu en réalité virtuelle via un bioport organique qu'ils branchent à la base du dos et qui agit sur leur système nerveux. On n'en dira pas plus pour ne pas ruiner le film mais à bien des égards, eXistenz est un prolongement de Videodrome, en ce qu'il continue l'exploration de nouvelles technologies en en faisant des organismes vivants et visqueux. Le tout en anticipant le futur "accidentellement" (comme le dit Cronenberg, en grand modeste).

    Mais pas sans humour !

    Il ne faudrait cependant pas limiter le cinéma de David Cronenberg aux seules mutations, qu'elles soient biologiques, épidémiques ou mentales, car une grande partie de sa filmographie subversive est saupoudrée d'un humour noir qui n'est pas sans désamorcer l'aspect glauque de bien des situations.

    Le metteur en scène nous montre toujours que la fusion du corps et de la technologie est vouée à l'échec, car elle crée des dégâts souvent irréparables comme dans La Mouche ou Videodrome. Mais la mutation devient toute intérieure dans l'expressionniste Spider (2002), deuxième film de son réalisateur à avoir été présenté en compétition au Festival de Cannes après Crash en 1996. Si dans les précédents films de Cronenberg la mère ou la future mère subissait des mutations physiques liées à sa psyché (Chromosome 3, Faux-Semblants), dans Spider elle va changer aux yeux de son fils, qui est atteint de schizophrénie, et sans subir de modifications corporelles.

    Un cinéaste... en mutation

    Spider marque un tournant dans l’œuvre du cinéaste, qui se portera alors d'avantage sur d'autres sujets comme la psychanalyse (A Dangerous Method), la violence contagieuse comme un virus (A History of Violence), la violence organique (Les promesses de l'ombre) ou les coulisses glauques de Hollywood (Maps To The Stars).

    Pour ses 75 ans, David Cronenberg n'a à ce jour pas de nouveau projet (à part un hypothétique Promesses de l'ombre 2), ce qui est un bon prétexte s'il en fallait pour rattraper la filmographie riche et pourtant courte de ce cinéaste atypique et surtout subversif.

    La bande-annonce de "Videodrome" :

     

    La Mouche (1986)

    Chromosome 3 (1979)

    Videodrome n°1 (1984)

    Scanners n°1 (1981)

    eXistenZ (1999)

    Jude Law branché à la réalité virtuelle.

    Videodrome n°2 (1984)

    Frissons (1975)

    Scanners n°2 (1981)

    Le Festin nu (1992)

    Videodrome n°3 (1984)

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