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    Mes Provinciales : la jeunesse à l'assaut du cinéma !
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    "Mes Provinciales", à l'affiche ce mercredi", suit une bande de jeunes, passionnés de cinéma. Un beau film initiatique, cinéphile, très référencé, qui nous a donné envie d'interroger ses comédiens sur leur vision du cinéma et son avenir entre autres.

    AlloCiné

    Comment la nouvelle génération s'empare-t-elle du cinéma ? Comment suit-elle les écrans et ses évolutions ? Quelle place occupent les nouvelles plateformes comme Netflix ? Alors que sort ce mercredi Mes Provinciales, nouveau long métrage de Jean-Paul Civeyrac, un beau roman d'apprentissage, ôde à la jeunesse et à la cinéphilie, nous avons convié son casting, composé de comédiens tous prometteurs et déjà vus pour la plupart ici ou là (Corentin Fila chez Téchiné ou Diane Rouxel chez Emmanuelle Bercot par exemple), à un grand échange sur le cinéma et ses évolutions. 

    AlloCiné : Comment "consommez"-vous les images aujourd'hui ? Allez-vous encore beaucoup au cinéma ? Est-ce que Netflix, si vous êtes abonnés, commence à prendre la place du cinéma ? Est-ce que votre façon de regarder des films ou des séries est en train de changer ? 

    Gonzague Van Bervesselès : Je vais énormément au cinéma depuis que j’ai une carte illimitée depuis 2 ans. Avant, j’y allais très peu. Je vois beaucoup de films actuels surtout. Je dois y aller 10 ou 15 fois par mois. J’ai des préférences, mais je vais aussi bien voir des comédies populaires comme des films plus pointus. Je regarde très peu de séries, pas assez. Je ne regarde pas Netflix ou occasionnellement par des amis.

    Sophie Verbeeck : Moi j’achète sur iTunes, à l’ancienne ! 

    Corentin Fila : Sur Netflix, tu as un peu une consommation McDo. C’est un truc un peu goulu, quoi.

    Bestimage

    C’est du binge, binge-watching. « Bouffer », se gaver, en quelque sorte…

    Andranic Manet  : Ca désacralise vachement l’image. 

    Sophie : Je regarde des films en streaming. Je mange des films. Mais la qualité de l’image, c’est souvent une catastrophe. Tu ne vois pas le film tel qu’il a été conçu. Je trouve ça assez navrant de le voir dans ces conditions. 

    Corentin : En plus, tu le regardes sur l’ordi. Souvent, tu es dans ton lit, avant de t’endormir. Je regarde beaucoup de séries sur Netflix pour m’endormir en fait ! Ce n’est pas une expérience de cinéma transcendante ! Même si parfois tu as des séries géniales !

    Diane Rouxel : C’est sûr qu’Internet a beaucoup changé les choses, à partir du moment où j’ai pu regarder plein de films chez moi. Mais je continue à aller au ciné, de temps en temps. 

    Andranic : J’ai aussi une carte illimitée. Je vais beaucoup au cinéma. Un peu moins en ce moment. Sinon je télécharge aussi, mais pas des films récents, uniquement des anciens films. Je peux regarder des films sur l’ordi quand je voyage, dans l’avion ou dans le train. 

    Diane : Moi aussi je télécharge. Une place de cinéma coûte très cher… Il faut se déplacer.

    Gonzague  : Prends une carte illimitée ! (rires) J’habite à côté d’un cinéma. 

    ARP Sélection

    Sophie : Rien ne remplace l’expérience que tu vis au cinéma. 

    Diane : J’ai des copines à qui je propose souvent d’aller au cinéma, et elles ne veulent pas dépenser 10 balles pour voir un film alors qu’elles peuvent le voir chez elle. Il y a plein de gens qui ne peuvent pas se permettre de dépenser des sous pour aller au cinéma.

    Corentin : Le changement de l’espace – temps au cinéma est quelque chose de super important. Tu as ton téléphone à côté...

    Sophie : De temps en temps tu regardes tes messages. Tu vas chercher de quoi grignoter. C’est désacralisé quoi. 

    Vous parliez de rendre la culture plus accessible. Comment justement peut-on la rendre plus accessible selon vous ?

    Andranic : Corentin en parlera très bien car il fait des ateliers magnifiques avec des migrants à La Chapelle. Ça, c’est du concret.

    Corentin : Le camp est fermé maintenant, mais avant, toutes les semaines, du lundi au vendredi, on faisait des ateliers théâtre toute la journée avec les migrants du camp de Porte de La Chapelle. Tous les samedis, on faisait un spectacle, ouvert au public. Il y avait des moments de grâce exceptionnels. Et dans l’ouverture à la culture, c’est vrai qu’il y avait des gens qui étaient un peu curieux, des gens du théâtre qui venaient. Beaucoup de migrants ont pu aller au Cirque du soleil par exemple, ou ils sont allés au Bouffes du Nord voir Peter Brook. Ca, c’est assez incroyable comme expérience. C’était ouf. 

    Wild Bunch

    Sophie : Je n’ai pas de réponse à la question. C’est une question compliquée, mais je n’aime pas l’idée d’amener les gens à quelque chose. Peut être que ça passe par la passion de raconter son travail.

    Diane : On rejoint le sujet des réseaux sociaux. On peut intéresser les gens par ce biais, en éveillant la curiosité.

    Andranic : Je pense plus que ce n’est pas amener les gens, mais plus de leur rendre : tu leur donnes, et ils en font ce qu’ils veulent après. Tant qu’ils ont la possibilité, que c’est gratuit, ils ont la possibilité de le faire. C’est donner le moyen de découvrir.

    Corentin : Ca peut passer par l’école en fait. On s’en parle souvent entre nous : dans le théâtre, souvent les gens dont on parle ne sont pas dans la salle. J’ai eu beaucoup de conversations sur ce sujet. Comment faire ? Ca passe beaucoup par l’école. Par exemple, il y a des jeunes dont les parents ne leur ont jamais parlé de théâtre, et qui ont de vrai coup de foudre en allant voir des pièces.

    Sophie : C’est hyper beau ce genre de révélations.

    Quelle a été la révélation pour vous justement, qui peut être à fait que vous êtes comédien aujourd'hui ? Est ce que vous vous souvenez d'un moment où il y a eu comme un déclic ?

    Sophie : Ce n'est pas une révélation, ou un film, ou un réalisateur. J'étais allée voir Titanic à Chamonix, et j'avais vu tout le matériel, les lumières, les projecteurs, les acteurs qui rentraient dans l'espace… Il se passait un truc que je trouvais très étrange et j'avais très envie d'être dans cet espace. J'ai eu envie de faire plein de métiers, donc me transformer. C'est quand même le meilleur des métiers pour pouvoir se transformer. Tu es tout le temps en train de te transformer. C'est un métier pour lequel tu travailles la transformation et je trouve ça hyper beau. 

    Céline Nieszawer

    Diane : Moi non plus, je ne pense pas qu'il y ait de film, de déclic comme ça. Je sais que quand j'étais petite, mes parents avaient une caméra, et avec mes frères ont faisaient des petits films, des petits courts métrages. J'adorais ça, j'avais tout le temps envie qu'on fasse des films ou qu'on parte des vacances pour faire des vidéos, parce que ça m'éclatait. Après, de savoir que je pouvais en faire un métier, je trouvais ça trop bien. En arrivant à Paris, j'ai une copine qui elle est comédienne et ça me fascinait un peu, elle bougeait tout le temps, elle faisait plein de personnages différents. Je l'accompagnais à ses castings en espérant qu'ils me fassent passer des essais aussi. Voilà comment ça a commencé. 

    Gonzague : C'est ma sœur [Charlotte Van Bervesselès, qui joue également dans Mes Provinciales, Ndlr], qui a commencé à faire du théâtre au lycée. Je suis allé voir son spectacle de fin d'année. Je me suis dit que j'allais faire la même chose. 

    Corentin : J'ai vu une pièce de théâtre de Peter Brook aux Bouffes du Nord en 2014. J'étais allé au théâtre petit mais j'y ai été très peu retourné. J'ai vu ces acteurs noirs, sud africains, je ne sais pas si ça m'a aidé à m'identifier ou pas, mais en voyant la pièce, je me suis dit que je devais faire la même chose. Et finalement, je ne fais même pas de théâtre (rires). 

    Andranic : Mon papa est comédien.

    Il joue dans Mes Provinciales d'ailleurs !

    Andranic : Bien vu ! Mais du coup j'ai rejeté ça très vite : crise d'ado, je voulais tout faire sauf acteur. C'est normal ! Mon père est acteur, je fais autre chose ! Et puis c'est venu comme si j'avais ça en moi. Et je me suis fait la réflexion récemment : peut être que je fais ce métier parce que ça peut me rendre meilleur, en tant qu'homme. Sinon, il y a un film qui m'a bouleversé, c'est Il était une fois en Amérique de Sergio Leone. J'ai regardé ce film avec mon père, le film est très long, il dure 4 heures, j'ai tellement pleuré. Je me suis dit que si ça pouvait provoquer des émotions pareilles et le film m'a fait tellement réfléchir sur beaucoup de choses. Si je me sens utile à faire ça, autant le faire car ça serait du gachis de ne pas le faire ! Mais je ne sais pas, peut être que je suis fait pour être boulanger ! (rires)

    ARP Sélection

    Parlons également des réseaux sociaux. Qu'en pensez-vous par rapport à l'usage que l'on peut en faire dans le métier ? Pourquoi y êtes-vous ou n'y êtes-vous pas ?

    Corentin : Le seul intérêt des réseaux sociaux, pour nous, acteurs, je pense que c'est dans une démarche pour les campagnes, les pubs, les trucs comme ça. Ça c'est important si tu veux choisir tes films pour avoir un peu d'argent pour pouvoir vivre, être « coolos », choisir tes films, de beaux projets qui ne sont pas forcément bien payés, de ne pas être obligés d'accepter certains projets.

    Diane : Et même pour s'en servir pour faire la promo des films aussi.

    Corentin : Est-ce que c'est un compte très pro ?

    Diane : Oui, justement, je ne mets pas de trucs trop perso. Je mets des choses quand j'ai un film qui sort…

    Corentin : Moi, c'est un peu mélangé. Il y a des vidéos de soirée. Du coup c'est pas très pro quoi. Et de temps en temps, s'il y a une photo dans un magazine, je la mets.

    Andranic : Je ne suis pas sur Instagram, mais je suis un peu sur Facebook. En ce moment, je poste des choses par rapport à Mes Provinciales. Mais après j'ai très peur des réseaux sociaux. Je me dis que ça peut surtout jouer contre moi. Du coup, je fais très attention. J'ai entendu des histoires, ça me fait peur. J'ai l'impression que le désir d'un réalisateur de bosser avec un acteur est si brut, si soudain, si imperceptible, qu'il suffit qu'il aille sur Facebook et qu'il voie des conneries… 'Oh finalement il n'est pas si intéressant que ça' (sourire)

    Diane : Garder le mystère ?

    Andranic : Oui, un truc comme ça.

    Sophie Verbeeck : C'est chouette en même temps [de garder le mystère]. Moi je suis ni pour ni contre, mais en fait, d'abord, ça m'ennuie. Au départ, je le faisais, je postais quelques trucs. Mais je me rendais compte que ça me prenait du temps et que ça m'emmerdait. Et après, j'aime bien le secret, je n'aimerais pas étaler des trucs. J'ai une page et je mets juste quelques articles.

    Andranic : C'est ça qu'il faut faire, une page [Facebook].

    Corentin : Après quand tu as un compte Instagram, tu n'es pas obligé de mettre des choses trop perso 'petit café à St Michel avec les amis #instapicoftheday #lovemylife'. Mais c'est parfois ce que nous demandent les marques. Parce qu'en vrai, si tu veux gagner des followers, sauf si tu es une 'big star', il y a un fonctionnement. On nous incite un peu à avoir un compte Instagram. C'est vrai qu'on se heurte à un truc. Donc ma page est un peu foutraque.

    Thomas Aufort

    Diane : Vous avez tous Facebook ? [ils répondent tous par l'affirmative]. Moi j'ai déjà reçu des propositions par Facebook de gens qui me proposaient de tourner avec eux.

    Sophie : C'est bien pour ça.

    Diane : J'ai fait une page il y a pas longtemps, sinon des gens peuvent t'envoyer des messages directement et c'est un peu intrusif. Mais d'avoir une page Facebook ou un compte Instagram peut faciliter des échanges. Et ça peut être agréable de recevoir des messages de gens qui ont aimé un film.

    Gonzague : Moi je suis un "stalker", j'observe ! (rires) Je partage tout ce que poste Andranic ! Mais je n'ai pas peur pour moi, je n'ai rien de précieux, rien de compromettant.

    Andranic : Je ne dis pas ça pour ça, mais comme on peut voir tout ce qu'on 'like'.

    Pour rebondir sur ce que tu disais sur le nombre de followers, Corentin, est-ce que tu penses que c'est le genre de chose que pourrait regarder un directeur de casting ?

    Gonzague : Je l'ai déjà entendu moi.

    C'est quelque chose qu'on entend par rapport aux Youtubeurs par exemple…

    Corentin : Mais pas par rapport au cinéma que nous on veut faire. Les acteurs de ciné d'auteur français, il y en a aucun qui a des millions de followers. C'est un système beaucoup plus américain, qui n'est pas encore le cas en France. Aux Etats-Unis, je sais que ça marche beaucoup comme ça. Il y a des acteurs qui parfois n'ont pas les rôles car ils n'ont pas assez de followers. Quand tu as 2 millions de followers, c'est une promesse d'entrées. Mais à mon avis Kev Adams en a beaucoup aussi, mais c'est autre chose, c'est un autre cinéma. Le seul intérêt pour des acteurs comme nous d'avoir beaucoup de followers, c'est si on veut faire des campagnes.

    Dernier point, si vous deviez conseiller Mes Provinciales autour de vous, peut être justement ceux qui vous disent que "10 balles, c'est trop cher", que leur diriez-vous ? 

    Diane : pour moi, c'est un film qui donne envie de faire des choses. Comme on suit une bande de jeunes en pleine évolution, après le lycée, qui rencontrent plein de gens, ça bouge beaucoup. Pour les gens de notre age, on s'y retrouve. De suivre des jeunes qui ont envie de faire des choses, qui ont envie de faire du cinéma engagé, en ressortant du film, on a envie de se bouger !

    Andranic : Je dirais que c'est important de voir aussi les films qu'on n'aime pas, donc si les gens ne sont pas attirés par ça, c'est bien d'avoir une curiosité. Souvent on peut avoir de bonnes surprises. Je n'aime pas les films du genre Tarantino, mais je connais tous ses films. Je vais souvent voir des films populaires aussi, comme Gonzague, même si je sais que je ne vais pas forcément y prendre beaucoup de plaisir.

    Gonzague : Malgré tous ces éléments qui pourraient être rebutants, le noir et blanc, les références littéraires, le contexte des étudiants en cinéma, c'est très simple, comme l'amour, l'amitié, des thèmes qui passionnent tout le monde, qui sont des sujets de notre vie quotidienne. On peut très bien voir un film sur la Révolution française sans rien y connaître, et tout comprendre. Là, c'est pareil, avec un contexte s'intéresse aux étudiants en cinéma.

    Corentin : Ce sont des provinciaux qui viennent à Paris pour devenir. Ils sont tous dans une espèce de quête. Ils viennent pour devenir : c'est quelque chose qui peut toucher tout le monde. C'est un film sur la recherche de soi-même, de qui on est, qui on aspire à être surtout. Rien que ça, on ne le sait pas forcément. Le noir et blanc, les longues discussions, ça ne va pas du tout contre ça.

    La bande-annonce de Mes Provinciales de Jean-Paul Civeyrac, à l'affiche ce mercredi :

    Mes Provinciales de Jean-Paul Civeyrac

    L'intrigue : Étienne monte à Paris pour faire des études de cinéma à l’université. Il y rencontre Mathias et Jean-Noël qui nourrissent la même passion que lui. Mais l’année qui s'écoule va bousculer leurs illusions…

    L'équipe de Mes Provinciales

    Corentin Fila, Sophie Verbeeck, Andranic Manet, Diane Rouxel et Gonzague Van Bervesseles, l'équipe de Mes Provinciales de Jean-Paul Civeyrac

    Corentin Fila, révélé dans Quand on a 17 ans d'André Téchiné

    Andranic Manet a notamment participé au film Réparer les vivants

    Diane Rouxel dans The Smell of us de Larry Clark

    Echange avec l'équipe de Mes Provinciales

    Corentin Fila dans Mes Provinciales

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