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    Brian De Palma : voyeurisme, manipulation... Les obsessions d'un cinéaste de légende
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    A l'occasion de la rétrospective Brian De Palma à la Cinémathèque française, retour sur les obsessions du réalisateur et de son cinéma.

    D.R.

    Découvrez une nouvelle série d'articles qui revient sur les obsessions des grands réalisateurs. A l'heure où la Cinémathèque française rend hommage à Brian De Palma, focus sur ce cinéaste nourri de références cinéphiles.

    OBSESSION 1 - LE CINEMA D'HITCHCOCK

    Brian De Palma est un grand fan d'Alfred Hitchcock, ce qui transparaît dans Soeurs de sang, le 7ème long métrage du réalisateur, suivant les aventures de sœurs jumelles dont l'une couche avec un homme qui est assassiné le lendemain. Sauf qu'une journaliste a tout vu de l'autre côté de la rue... Outre la musique de Bernard Herrmann connu pour être son fidèle compositeur, on pense sans cesse au maître du suspense et à ses  Psychose (avec une scène de meurtre au couteau dans la douche), Sueurs froides et Fenêtre sur cour.

    Mais c'est avec Obsession que De Palma va réellement faire écho au cinéma d'Hitchcock en se réappropriant l'histoire de Sueurs froides (un homme cherche à recréer son amour défunt), ajoutant à la nécrophilie d'origine le sujet de l'inceste. Les travellings offrent une fluidité à l'ensemble, et Bernard Herrmann, à nouveau présent, accompagne la caméra mouvante de De Palma avec une composition très axée sur les cordes. Le panoramique à 360° du film d'Hitchcock est même poussé plus loin par son héritier, qui le démultiplie pour renforcer l'émotion.

    L'ouverture de Pulsions est à nouveau une scène de douche qu'on découvre être un pur fantasme d'une des protagonistes du film. Il s'agit d'un clin d’œil assumé au cinéma d'Hitchcock qui se régalait à tromper le spectateur. Le film se base également sur le même principe que Psychose en proposant l'histoire d'un tueur psychopathe tuant un personnage féminin dès les prémices du film.

    Dans Body Double (1986), son dernier film "hitchcockien", De Palma explore à nouveau Fenêtre sur cour et Sueurs froides, tant sur la question du voyeurisme que le héros développe (nous y reviendrons) que sur la claustrophobie, qui lui vaut dans le film de perdre son emploi. On retrouvera également une référence à Hitchcock dans L'impasse (1993), chef d’œuvre de De Palma dans lequel amour et mort s'opposeront avant de se croiser, un thème récurrent du réalisateur des Oiseaux.

    OBSESSION 2 - L'IMPORTANCE DU POINT DE VUE

    L'assassinat de John F. Kennedy en 1963 va avoir une influence considérable sur le cinéma américain en général et sur De Palma en particulier, surtout ce qu'en montre le célèbre film tourné par le vendeur de vêtements Abraham Zapruder, filmé au moment du drame. De Palma comprend avec ce film qu'un événement est perçu différemment selon la façon dont il est montré, dont il est filmé. Cette constatation va parsemer son cinéma d'une réflexion sur la paranoïa que peuvent générer les images (le film de Zapruder étant très court, il avait déchaîné des interprétations très différentes chez les téléspectateurs le découvrant).

    Le paroxysme de cette paranoïa sera atteint avec Blow Out, dans lequel le personnage joué par John Travolta enregistre par hasard le son d'un accident de voiture. Il sauve la passagère de la mort mais comprend que l'accident était en fait un attentat contre le gouverneur également à bord du véhicule, candidat à la Présidence des États-Unis. Jack va alors tenter d'identifier un bruit quasi imperceptible présent dans son enregistrement, notamment en reconstituant la scène qui s'est passée en quelques secondes. On repense alors aux moins de 30 secondes du film de Zapruder. Sauf que le montage de Jack destiné à prouver son point de vue -montré par De Palma comme une façon de manipuler- ne changera rien et n'élucidera pas l'affaire.

    De la même façon, le cinéaste recourra à de nombreuses reprises à l'écran divisé (split screen) pour montrer des événements vus de différents points de vue. On pense notamment à Snake Eyes (1998), qui met en parallèle des séquences destinées à se rejoindre ou présentant par exemple les actions de différentes personnes au moment où retentit un coup de feu. Évidemment, De Palma choisit de ne montrer le point de vue que des victimes, laissant le tireur à l'imagination et au fantasme du spectateur.

    De Palma utilise le split screen dans près d'une dizaine de films dont Mission: Impossible (1996), et passe souvent par la présence d'écrans montrant ce que les personnages ne voient pas forcément. On peut citer les écrans de surveillance de Tony Montana dans Scarface (1983), la télévision allumée de Blow Out pendant que Jack travaille à identifier le mystérieux son ou l'écran de cinéma de Femme fatale (2002).

    OBSESSION 3 - LA FIGURE DU DOUBLE ET LE VOYEURISME

    A la manière d'un David Cronenberg première période (le gore en moins), De Palma s'intéresse lui aussi au corps en mutation que cela soient les changements liés à l'adolescence (Carrie), le visage défiguré de son Phantom of the Paradise (1975), mais aussi la gémellité dans Soeurs de sang (1973, sorti en France en 1977). Dualité soutenue par une utilisation intensive du split screen. Le double apparaît aussi en trame de fond dans Body Double, dans lequel les personnages sont des "doublures" symboliques d'autres personnages du film.

    Le voyeurisme est lui aussi un objet d'intérêt pour De Palma, qui n'aura de cesse de l'explorer dans des films aussi différents que Furie ou Mission: Impossible (via les caméras de surveillance), Les Incorruptibles ou Pulsions (la caméra subjective du voyeur) ou Body Double (depuis un immeuble voisin). Cette obsession pour l'observation à distance est propice à la possible manipulation de celui qui observe, motif que De Palma aime à développer.

    Ces thèmes, alliés aux influences cinéphiles dont il a su tirer profit en s'en démarquant, font de Brian De Palma un réalisateur majeur du Nouvel Hollywood. Ses films sont diffusés à la Cinémathèque française à partir de ce jeudi soir et jusqu'au 4 juillet à l'occasion d'une rétrospective de tous ses longs métrages en sa présence. Révisons les classiques !

    Découvrez la bande-annonce d'"Obsession" :

     

    Brian De Palma en 2016

    Du "split-screen" dans "Blow Out"

    Le voyeurisme dans "Sœurs de sang"

    Le "double" dans "Pulsions"

    La paranoïa d'"Obsession"

    Voyeurisme dans "Body Double"

    Amour et mort dans "L'impasse"

    Nicolas Cage et les écrans de télé de "Snake Eyes"

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