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    Quentin Tarantino : fétichisme, cinéphagie... Les obsessions de l'enfant terrible de Hollywood

    Découvrez une nouvelle série d'articles qui revient sur les obsessions de grands cinéastes. Alors que le casting de son prochain film "Once Upon A Time In Hollywood" prend forme, retour sur celles de l'enfant terrible du cinéma : Quentin Tarantino.

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    En janvier 1992, le public du Festival de Sundance assiste en avant-première mondiale à la projection du premier film d’un jeune réalisateur américain, alors âgé de vingt-neuf ans : Quentin Tarantino. Un premier film, réalisé avec le modique budget d’un million et demi de dollars, présenté quatre mois plus tard sur la Croisette, au festival de Cannes, hors compétition, où il fait l’effet d’une petite bombe. Après Reservoir Dogs, ayant déjà piqué au vif la curiosité d’un public cinéphile averti, le jeune cinéaste s’attèle à son nouveau projet, Pulp Fiction, qui lui apporte, deux ans plus tard, la consécration : il remporte la Palme d’or, au Festival de Cannes 1994. 

    En deux films, le jeune réalisateur qui travaillait, adolescent, dans un vidéoclub de Manhattan Beach à Los Angeles, et dont la culture cinématographique ferait rougir les nonagénaires les plus érudits, a su braquer les projecteurs sur lui. Et vingt-cinq ans plus tard, chaque nouveau film de Tarantino de devenir un véritable phénomène culte. Car, comme le faisait remarquer Brad Pitt de manière tout à fait humoristique lors d’un hommage rendu à celui qui l’a dirigé sur le tournage d’Inglourious Basterds, les termes de « tarantinesque » ou de « tarantinien » font à l’heure actuelle partie intégrante du langage cinéphile. Mais c'est quoi, un film de Tarantino ?

    La vengeance est un plat qui se mange froid

    La vengeance - et la catharsis qui va avec - y est certainement un des thèmes les plus présents, qui le traverse dans son entier. Le règlement de compte était déjà au centre de Reservoir Dogs, et on croise dans tous ses films des personnages à la destinée vengeresse : La Mariée, Django, Shosanna, les héroïnes de Boulevard de la mort, pour ne citer qu'eux. Oeil pour oeil, dent pour dent : c'est ce que permet le cinéma, pour Tarantino. Mettre en scène une forme de catharsis, incompatible avec la réalité, qui repose sur le fait de se faire justice soi-même. 

    D'où la nécessité d'aller au bout, car tous les personnages vengeurs du cinéma de Tarantino vont au terme de leur quête : Beatrix Kiddo tue toutes les Vipères Asassines, y compris Bill ; Django met le feu à Candyland ; Shosanna parvient à mettre le feu au cinéma et à tuer Hitler ; Zoe, Kim et Abernathy font sa fête au pervers Stuntman Mike. Le sang gicle, à outrance, c'est violent, c'est extrême, mais c'est nécessaire : parce que le cinéma le permet. 

    Dans le petit monde de Tarantino

    Le cinéma de Quentin Tarantino fait en quelque sorte office de réalité alternative, où déambulent des personnages qui parlent beaucoup, pour tout dire et ne rien dire. Ce petit monde où l'on imagine très bien Jackie Brown croiser Abernathy, où l'on voit parfaitement Bill croiser Joe Cabot, repose sur un certain nombre d'éléments de mise en scène que l'on retrouve d'un film à l'autre.

    Les plans sur des personnages depuis le coffre d'une voiture (Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Jackie Brown), les innombrables plans sur des pieds (ceux d'Uma Thurman, de Bridget Fonda, de Rosario Dawson), les fausses marques de burgers, de cigarettes, les dialogues à rallonge qui rythment la narration (les séquences d'ouverture de Reservoir Dogs ou d'Inglourious Basterds), sont autant d'éléments qui truffent l'univers tarantinien et lui donnent sa cohérence. Sans oublier des bandes originales qui amènent un peu de rock ou de soul dans ces mondes violents.

    Le cinéphage qui faisait du neuf avec du vieux

    Davantage encore que ses références musicales, ce sont ses références cinématographiques qui nourrissent parfois à outrance les films de Tarantino. Il les compose à partir d’une matière d’une rare densité, d’une grande hétérogénéité. Véritable concentré de pop culture, l’œuvre de Tarantino intervient comme un pivot, faisant le lien entre cent-vingt ans d’histoire du cinéma (des plus grands chefs d’œuvres aux films bis les plus méconnus, sans hiérarchie) et l’expression d’une modernité, d’une nouveauté. Il s’agit, en un sens, de faire du neuf avec du vieux.

    Son univers est un microcosme ultra-référencé, souvent assez manichéen en apparence, dans lequel cohabitent les personnages aux contours accusés au marqueur. De la Nouvelle Vague qu'il vénère (sa société de production s'appelle A Band Apart) à Sergio Leone (Django Unchained) et John Ford qu'il adule (Les Huit Salopards), des films de sabre (Kill Bill vol. 1) à la Blaxploitation (Jackie Brown), chez Tarantino, le système de référence fonctionne en interaction avec le spectateur. Et s’il ne la saisit pas, elle agit comme un activateur de curiosité. Surtout, sa cinéphilie (conséquence directe d'une cinéphagie aiguë) n'a pas de hiérarchie, ni de limite. 

    Tension entre violence et comédie

    Autre chose frappe, à la découverte de chacun des films de Quentin Tarantino. Ils sont tous animés par une tension permanente entre violence et comédie : le metteur en scène alterne effusions de sang et fulgurances humoristiques, qui reposent les unes sur les autres et nourrissent le rythme et l’efficacité de ses films. Cette tension, que l'on retrouve comme un fil rouge, de Reservoir Dogs aux Huit Salopards, participe de manière déterminante à la définition de l'identité de son cinéma. Ce rapport atypique entre violence et comédie insuffle un rythme spécifique, et maintient une cohérence, dans la totalité de son œuvre cinématographique. 

    Dans chacun des films de Quentin Tarantino, la violence apparaît sous plusieurs formes. Comme motif visuel : dans Django Unchained, lors de la séquence de fusillade à Candyland ; dans Kill Bill vol. 1, lors du combat entre les Crazy 88 et la Mariée. La violence se présente alors comme une accumulation de sang, qui gicle à outrance, et se matérialise généralement par l’utilisation du gore. Ou comme épreuve psychologique pour le spectateur : dans Reservoir Dogs, la douleur de Mr Orange, touché à l’estomac lors du casse raté ; dans Django Unchained, la mise à mort de l’esclave échappé D’Artagnan, dévoré par les chiens.

    Ces surgissements n’ont d’égal, dans le cinéma tarantinien, que la multitude des fulgurances humoristiques qui font pencher chacun de ses films, librement, entre les différents genres cinématographiques dans lesquels ils se catégorisent – film noir, film d’action, film de guerre, etc. – et le genre comique. Si l’on ne peut pas certifier qu’un Tarantino est par essence une comédie, il y a toujours, en revanche, un moment où il tend à y basculer. Souvent, les dialogues ou la musique apportent le décalage qui fait passer le spectateur du rire à l'effroi, puis de nouveau au rire. Tarantino prend constamment le spectateur à partie, le provoque, le questionne sur son propre rapport au rire et à la violence. 

    En raison de ces motifs, de ces obsessions, d'un système de référence d’une densité hors du commun et de son imprégnation totale de pop culture, Quentin Tarantino a acquis et occupe une place toute particulière dans l’histoire du cinéma américain contemporain. Il réconcilie tous les cinémas et, qu'il plaise ou ne plaise pas, il ne laisse personne indifférent. En attendant son prochain fait d'armes, Once Upon A Time In Hollywood, qui reviendra sur les meurtres perpétrés par la "Famille" de Charles Manson à l'été 1969, revoyons tous les autres !

    Quentin Tarantino parle des Huits Salopards et de son cinéma au micro d'AlloCiné :

     

    Quentin Tarantino sur le tournage de Kill Bill

    Quentin Tarantino sur le tournage de Boulevard de la mort

    Quentin Tarantino fétichiste des pieds ?

    "La vengeance est un plat qui se mange froid" - Kill Bill

    "La vengeance est un plat qui se mange froid" - Django Unchained

    "La vengeance est un plat qui se mange froid" - Inglourious Basterds

    "La vengeance est un plat qui se mange froid" - Boulevard de la mort

    "Dans le petit monde de Tarantino" - le plan depuis le coffre dans Reservoir Dogs

    "Dans le petit monde de Tarantino" - les pieds de Rosario Dawson

    "Dans le petit monde de Tarantino" - le twist dans Pulp Fiction

    "Le cinéphage qui fait du neuf avec du vieux" - le western et Django Unchained

    "Le cinéphage qui fait du neuf avec du vieux" - la Blaxploitation et Jackie Brown

    "Le cinéphage qui fait du neuf avec du vieux" - John Ford et Les Huit Salopards

    "Tension entre violence et comédie" - Reservoir Dogs

    Tension entre violence et comédie" - Reservoir Dogs

    "Tension entre violence et comédie" - Pulp Fiction

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