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    Christopher Nolan : réalisme, manipulation, famille... Les obsessions d'un réalisateur perfectionniste
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Des héros qui n'en sont pas vraiment, un rapport complexe au temps, un goût prononcé pour le film noir et la manipulation... Passage en revue des obsessions de Christopher Nolan, qui fête ses 48 ans ce 30 juillet.

    Warner Bros. Pictures

    Il y a vingt ans, quelques rares spectateurs découvraient en salles celui qui allait devenir l'un des cinéastes majeurs du XXIè siècle, capable de conjuguer l'ampleur d'un blockbuster à une vision d'auteur. Sorti en 1998, Following marquait les débuts de Christopher Nolan, qui allait ensuite frapper un grand coup deux ans plus tard grâce à Memento et son concept retors, avant de se voir confier la mission, alors périlleuse, de ressusciter Batman. Passant d'un genre à l'autre, il n'a cessé de suivre la ligne directrice de ses débuts, développant des thèmes, figures et obsessions d'un film à l'autre.

    LA MANIPULATION

    Qu'il parle d'un justicier habillé en chauve-souris, d'un braquage mental dans l'univers des rêves ou d'un homme bien décidé à venger la mort de sa femme malgré sa mémoire défaillante, Christopher Nolan en revient au même genre : le thriller, dont les codes et l'intensité irriguent fréquemment sa filmographie. À une autre époque, celle de l'Âge d'Or hollywoodien (entre les années 30 et 50), il aurait sans aucun doute été l'un des spécialistes du film noir, avec ses personnages à priori normaux pris dans une spirale qui leur échappe, ou la figure de la femme fatale, qui revient de façon récurrente, dans Following, Memento ou Inception. Ou l'usage du noir et blanc.

    Un procédé dont l'emploi était initialement lié au daltonisme du cinéaste, mais qui fait sens dans son oeuvre : parce qu'il renvoie au film noir donc, mais aussi parce que ses nuances de gris décrivent parfaitement ses protagonistes et l'absence de manichéisme que l'on retrouve chez lui. Ses histoires ne se résument pas un bête affrontement entre le Bien et le Mal puisque les méchants ne le sont pas complètement (à part son Joker, qui demeure néanmoins fascinant), et les gentils ont des zones d'ombre, à l'image du Batman incarné par Christian Bale. Un homme qui, par son aveuglement, manque régulièrement de franchir la limite qui sépare la justice et la vengeance, et semble pouvoir flancher à tout moment.

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    On note une perte de repères pour les personnages, qui ne savent pas vraiment à qui se fier et peuvent ainsi se faire manipuler. Comme Bruce Wayne s'il avait suivi les préceptes d'Henri Ducard (Liam Neeson) à la lettre dans Batman Begins, ou Leonard (Guy Pearce), qui découvre que Natalie (Carrie-Anne Moss) se sert de lui dans Memento, et que son ennemi tout désigné (Joe Pantoliano) n'est peut-être pas le coupable qu'il paraît être. Car Christopher Nolan se sert aussi de ce trouble généralisé pour se jouer de nous.

    Reconnaissant volontiers qu'un cinéaste est, par essence, un manipulateur, à travers ce qu'il choisit de montrer ou non, il nous mène régulièrement en bateau en jouant sur la notion de point de vue, dont il fait un usage très précis. En nous faisant suivre une (en)quête au coeur du récit, le cinéaste peut nous emmener à sa guise là où il le souhaite et a souvent utilisé le twist en guise de conclusion, en démontrant par exemple que le meurtrier de la femme de Leonard n'était autre que Leonard lui-même dans Memento, ou avec un tour de passe-passe au moment de dévoiler le truc d'Alfred Borden (Christian Bale) à la fin du Prestige.

    Sorti en 2006, le film n'a pas connu le succès escompté mais il est, avec Memento, celui qui illustre le mieux le goût de Christopher Nolan pour la manipulation. Car on retrouve un peu du metteur en scène dans Robert Angier (Hugh Jackman) et Alfred Borden, illusionnistes qui rivalisent d'ingéniosité pour tromper le monde qui les entoure : alors qu'il orchestre ce face-à-face par spectacle interposé, c'est son propre tour de magie qu'il réalise, suivant la structure énoncée par le personnage incarné par Michael Caine dans la scène d'ouverture, qui fait office de note d'intention. Le tout sans recours à l'un des thèmes préférés du cinéaste.

    LE TEMPS

    Avec dix longs métrages réalisés en l'espace de vingt ans, Christopher Nolan est un metteur en scène qui prend son temps... et le met fréquemment au coeur de ses histoires. Dans la structure notamment, et ce dès Following, son premier film, qui s'articule autour de flashbacks. Un récit presque classique à côté de celui de Memento, qui fait s'entrecroiser deux chronologies : le présent, en noir et blanc, auquel nous revenons régulièrement entre deux séquences du récit principal, qui nous fait aller de la fin vers le début. Le metteur en scène nous glisse ainsi dans la peau de son personnage principal, avec ses pertes de mémoire immédiate. Comme lui, il nous est impossible de savoir ce qu'il s'est passé quinze minutes auparavant, et nos certitudes sont sans cesse remises en cause par cette astuce temporelle.

    Sans cela, l'histoire de Memento serait on ne peut plus linéaire et classique. En inversant la chronologie, il en décuple ses effets et applique certains des préceptes de son maître absolu en matière de cinéma : "Kubrick avait réussi, en 1968, à se débarrasser complètement de toutes les règles qui lui étaient imposées et à réinventer totalement le cinéma", a-t-il expliqué lors d'une masterclass donnée au dernier Festival de Cannes, en marge de la présentation d'une version de 2001 dont il a supervisé la restauration.

    Donc pourquoi pas nous ? Pourquoi est-ce que d'autres réalisateurs et moi-même n'essayerions pas de repousser, jusqu'à l'extrême, les limites et cadres théoriques que l'on pourrait tenter de nous imposer.

    Chez Nolan, ce sont les cadres temporels qui sont remis en question. D'abord de façon ostensible comme dans Memento, au risque "d'attirer l'attention sur la fabrication du film, et que le spectateur voit trop [les] tactiques de metteur en scène." Puis grâce à la magie du montage alterné, dont il exploite la puissance narrative dès Le Prestige et son alternance de points de vue entre Angier et Borden, sans pour autant aller aussi loin que le livre de Christopher Priest dont le scénario s'inspire et qui parvient à faire parler les morts à grands coups de journaux de bord. Mais c'est avec l'une des séquences centrales de The Dark Knight, lorsque des menaces de mort pèsent sur les pouvoirs exécutifs en place avec une tension qui va crescendo, puis la quasi-intégralité d'Inception qu'il franchit un cap dans ce registre.

    Plus particulièrement lorsque le casse au coeur du récit est en cours et que plusieurs temporalités se mélangent : une par niveau de rêve, où le temps s'écoule différemment. D'où des ruptures de rythme et de vitesse de défilement de l'image, qui n'entâchent pas la montée de la tension, et des changements climatiques choisis par Christopher Nolan pour aider le spectateur à se situer et comprendre à quel "étage" il se trouve. Mais c'est bien dans Dunkerque que l'obsession du cinéaste pour le temps atteint son paroxysme, puisque le film est à lui seul un concept temporel. Nous suivons en effet l'opération Dynamo menée sur les plages de la ville du Nord de la France en juin 1940 à travers trois points de vue et autant de lieux (la terre, la mer et le ciel) et de temporalités (une semaine, une journée et une heure).

    Rythmé par une bande-originale qui accentue l'urgence et le côté "course contre la montre", Dunkerque s'est vu remettre les Oscars du Meilleur Montage et Meilleur Montage Son, ce qui est parfaitement logique tant il fait figure d'aboutissement de l'art de son metteur en scène sur ce plan. Le Britannique y gagne ses galons d'auteur une bonne fois pour toutes au passage, en réussissant à s'emparer de l'un des genres les plus classiques du cinéma (le film de guerre) pour donner naissance à un bébé qui lui ressemble avant tout : "L'idée était de donner au spectateur quelque chose qu'il n'avait jamais vue, puisqu'il ne s'était jamais placé à hauteur des soldats pris dans cette situation", a-t-il précisé à ce sujet à Cannes, prouvant que sa palette est bien plus large que ce que son amour du thriller pouvait initialement laisser penser.

    Et ce après avoir mis de côté l'aspect technique du temps au profit d'une notion bien plus humaine : le temps qui passe. Celui qui a laissé des cicatrices sur le corps déjà meurtri de Bruce Wayne pendant les huit années qui séparent la fin de The Dark Knight du début de The Dark Knight Rises, ou celui qui file sous les yeux de Cooper (Matthew McConaughey), l'astronaute qui voit ses enfants grandir et vieillir dans les vidéos qu'ils lui envoient alors qu'il est en mission pour sauver la Terre. De loin la scène la plus émouvante de toute la filmographie de Christopher Nolan, cinéaste à qui l'on a très longtemps reproché sa froideur.

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    LA FAMILLE

    "Les extrêmes vers lesquels je vais pousser mes personnages relèvent du mélodrame. Je n'ai pas recours à ce terme de façon péjorative, car le mélodrame permet de placer les personnages dans ce à quoi nous pouvons adhérer. Vos vies comme la mienne sont heureusement tranquilles, mais nous avons besoin de nous projeter sur grand écran avec des personnages qui doivent être confrontés à des situations difficiles, extrêmes." C'est ainsi que Christopher Nolan évoquait, sur la Croisette, l'aspect émotionnel qu'il cherche à conférer à ses personnages. Et sous-entend pourquoi le thème de la famille revient si souvent dans son cinéma.

    La famille (ou son absence) fait bien souvent office de catalyseur : Bruce Wayne décide de rendre la justice dans les rues de Gotham City pour éviter que d'autres enfants ne deviennent orphelins comme lui ; comme Leonard dans Memento, Angier se lance dans une quête suite à la mort de son épouse dans Le Prestige, et cherche à se venger de celui qu'il juge responsable ; et c'est notamment pour être réhabilité et pouvoir revoir ses enfants que Dom Cobb (Leonardo DiCaprio) accepte la mission de Saito (Ken Watanabe) dans Inception, et doit notamment lutter contre les souvenirs de sa défunte femme Mal (Marion Cotillard), qui reviennent le hanter. Sans oublier Cooper qui accepte de ne pas voir sa progéniture grandir pour lui permettre de survivre, et tente de fonder une nouvelle famille à la fin d'Interstellar.

    Si le thème est aussi présent dans ses films, c'est peut-être parce que Christopher Nolan fait du cinéma en famille. Au propre comme au figuré : son épouse Emma Thomas est sa productrice depuis le court métrage Doodlebug, sur lequel travaillait déjà son frère Jonathan qui deviendra ensuite le co-scénariste de presque tous ses longs (seuls Insomnia, Inception et Dunkerque ne sont pas passés entre ses mains). Et il a fait tourner son oncle John dans quatre de ses oeuvres : Following, Batman Begins, The Dark Knight Rises et Dunkerque.

    ll est très agréable de travailler en famille, car il est très agréable d'être entouré de collaborateurs dont vous ne pouvez pas douter une seconde qu'ils n'ont pas d'autre raison d'être là que d'être dévoués à l'intérêt du film et vous faire comprendre où vous allez.

    Mais Christopher Nolan s'est aussi constitué une famille de cinéma, en travaillant régulièrement avec les mêmes collaborateurs : Lee Smith, son monteur depuis Batman Begins ; le chef décorateur Nathan Crowley, qui le suit depuis ses premiers pas chez la Warner avec Insomnia ; Wally Pfister, qui fût son chef opérateur de Memento à The Dark Knight Rises et à qui Hoyte van Hoytema a succédé lorsqu'il a choisi de se tourner vers la mise en scène ; et Hans Zimmer qui, avec ses six bandes-originales, n'est pas la seul compositeur de la carrière du cinéaste, car David Julyan en a signé cinq, entre 1997 (Doodlebug) et 2006 (Le Prestige) et représente la partie la plus intimiste de sa carrière, là où son successeur s'est chargé de rendre ses plus gros films épiques avec son style empathique. On lui doit notamment le thème devenu iconique, de la saga Dark Knight.

    Et il en va de même de l'autre côté de la caméra, le membre de le plus assidu de la famille d'acteurs constituée par Christopher Nolan étant Michael Caine qui, du haut de ses sept films, est de tous ceux réalisés depuis Batman Begins. Y compris Dunkerque, dans lequel il fait une voix. Viennent ensuite Cillian Murphy (cinq apparitions), Christian Bale et John Nolan (quatre), Tom HardyGary Oldman, Morgan Freeman et Jeremy Theobald (trois). Puis des comédiens tels que Marion Cotillard, Joseph Gordon-Levitt, ou Ken Watanabe, vus à deux reprises chez le Britannique.

    LE RÉALISME

    Autre constante chez Christopher Nolan : le recherche de réalisme. Qui va de pair avec son approche des personnages et sa volonté de "projeter [les spectateurs] sur grand écran" en cherchant "ce à quoi nous pouvons adhérer." Chez le cinéaste, cela passe donc aussi par l'aspect visuel et un refus du choix de l'image de synthèse par facilité. Il faut que ce soit un dernier recours, et c'est aussi pour cette raison qu'elles font bien souvent tâche dans ses films, exception faite des trous noirs d'Interstellar, d'une beauté fascinante.

    Un parti-pris qui appuie un peu plus l'analogie entre un réalisateur et un illusionniste, dont les trucs sont tangibles, et fait du Prestige l'un des films les plus personnels et méta de Christopher Nolan. Ce dernier ressemble finalement un peu moins à Robert Angier, qui va se perdre en glissant légèrement dans le surnaturel, qu'à Alfred Borden, incarné par son Batman Christian Bale, britannique comme lui, et dont le tour a une explication tout à fait rationnelle. Encore plus lorsque l'on se rend compte qu'il travaille avec son frère... et que le cinéaste a co-écrit le scénario avec le sien. Un script qui, à travers son twist, évoque l'art et ce que chacun est prêt à faire en son nom. Sacrifices inclus.

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    Pour le réalisateur, il s'agit donc de jouer la carte du réalisme au maximum, et ce peu importe le genre dans lequel il s'illustre, pour mieux favoriser l'un des mots clés de son langage cinématographique : l'immersion. Du spectateur comme de ses acteurs, à qui il peut immédiatement faire croire aux mondes qu'il bâtit sur grand écran, qu'il s'agisse de sa version de Gotham City, d'un esprit, de nouvelles planètes ou d'une plage sur laquelle il rejoue un événement déjà inscrit dans les livres d'Histoire. Et va même jusqu'à tourner comme les cinéastes d'antan : "Nous nous sommes demandés comment les chefs décorateurs faisaient avant, et nous nous sommes retrouvés à construire des décors et bateaux en carton. Et même des soldats placés derrière les figurants, ce qui fonctionnait très bien." Et notamment pour les comédiens.

    "Ce mode de fonctionnement a aussi une conséquence pour les acteurs, car ces derniers n'ont plus besoin de concentrer leur savoir-faire pour donner l'impression de vivre une situation. Ils n'ont qu'à réagir car la réalité physique les entoure. Et c'est parce qu'il est dans la réaction qu'il a une profondeur d'interprétation perceptible par l'oeil du spectateur, qui peut lui-même réfléchir à la profondeur d'un comportement humain, plutôt que se contenter de découvrir le récit à travers le jeu de l'acteur. En tant que directeur d'acteurs, je peux avoir une relation beaucoup plus intime et profonde avec eux, car ils sont pris dans tout ce processus avec moi. Cela conditionne toutes les étapes."

    Après avoir retourné un camion en pleine rue et fait sauter un hôpital (désaffecté) pour les besoins de The Dark Knight, désossé un avion dans sa suite ou fait construire un décor tournant pour la fameuse séquence du couloir rotatif d'Inception - film qui ne contient que... 400 plans d'effets numériques (contre 1400 pour Avatar et 2547 pour Valerian) - il a mis la barre un peu plus haute encore et alimenté sa propre légende. Qui à générer de fausses informations : s'il bien mobilisé des bateaux et avions de l'époque (ou leur ressemblant), il n'en a pas vraiment crashé un dans la mer. "Je ne suis pas aussi irresponsable", avait-il dit en riant à Empire en juillet 2017. Une anecdote qui en dit cependant long sur la façon dont la méthode nolanienne est aujourd'hui perçue et intégrée.

    Une façon de faire et un pragmatisme que l'on retrouve dans sa mise en scène, très précise depuis son galop d'essai. Quitte à ce que cette précision extrême soit vue comme de la froideur. Encore plus depuis que la caméra portée de ses débuts a laissé place à une réalisation plus posée, où transparaissent une connaissance pointue des différents postes de son équipe technique, sans doute héritée du tournage de Following, où il a oeuvré en tant que scénariste, metteur en scène, monteur et chef opérateur.

    Refusant de travailler avec une seconde équipe ("Je ne comprenais pas comment un plan pouvait être digne d'être sur l'écran mais pas d'être tourné par moi-même."), il ne cherche pas non plus l'esbroufe ou le beau mouvement de caméra gratuit, allant droit au but avec un filmage direct, réaliste et proche de ce que pourrait voir l'oeil humain.

    LA PELLICULE

    À l'heure où des cinéastes tels que Steven Soderbergh tournent avec un iPhone, Christopher Nolan n'en démord pas : c'est la pellicule ou rien (pour l'instant). Conscient des possibilités qu'offre le numérique, il milite pour que ce ne soit pas la seule option pour un cinéaste. "Du point de vue de la palette et de la variation de couleurs que l'on peut avoir, le numérique ne nous offrira jamais ce que l'on peut avoir sur pellicule", déclarait-il pendant le Festival de Cannes. "Même chose en ce qui concerne la résolution, le détail : nous sommes très loin de pouvoir comparer les deux supports."

    Des propos qui s'appliquent aussi bien pour les nouveaux films que la restauration des anciens : "Il s'agit de décomposer une idéologie qui est en train de se mettre en place quant à la restauration des films du patrimoine, et qui consiste à croire que restaurer un film c'est nécessairement le numériser et que la version numérique se subsitue petit-à-petit au format d'origine. C'est vraiment le pire danger qui les guette : le numérique permet d'archiver des films et d'y accéder plus facilement donc c'est un outil formidable dans cet objectif. Mais il ne se substitue en rien à la nécessité d'avoir d'abord le support d'origine, de le conserver pour l'Histoire et le futur du cinéma. Pour que ce support existe en tant que tel."

    Mais il n'y a pas que du fétichisme dans cette démarche, qui s'accorde avec le principe qui régit sa mise en scène et sa volonté d'immerger le spectateur dans ce qu'il lui montre.

    L'image analogique est la plus proche de la façon dont un oeil voit le monde et il n'y a pas de meilleure façon pour le spectateur de se laisser emporter par l'expérience que lui offre le grand écran et d'adhérer à ce qu'il voit.

    Et c'est tout naturellement que l'IMAX, dont il a été l'un des pionniers avec Batman Begins puis The Dark Knight, est devenu son support de prédilection. Quitte à devoir être patient dans un premier temps, car il n'était pas possible de tourner plus de quatre-vingt-dix secondes d'affilée sur une même bobine, et attendre que des améliorations technologiques voient le jour pour permettre de filmer Dunkerque intégralement dans ce format. Lequel, avec le 70mm qu'il affectionne également, s'accorde totalement avec son refus des effets numériques. Son utilisation lui permet donc de conserver sa ligne directrice, faite de réalisme et de pragmatisme, et de mêler tradition et modernité dans sa façon, précise, de concevoir un film.

    Doodlebug (1997)

    Un court métrage dans lequel un homme chasse un insecte... et découvre avec surprise la nature de ce dernier. En moins de trois minutes, la notion de perte de repères et l'art du twist sont déjà présents chez le cinéaste.

    Following (1998)

    Premier long. Et première déclaration d'amour au film noir. Narration fragmentée, héros trouble (appelé Cobb comme dans Inception) et retournements de situation sont au programme de Following, qui contient les germes du cinéma de Christopher Nolan, lequel révèle sa capacité à nous plonger dans son monde. Assez pour en faire un réalisateur à... suivre.

    Memento (2000)

    Partant de la fin pour remonter vers le début, Nolan et son frère nous baladent tout en nous immergeant dans la tête du héros, frappé de pertes de mémoire immédiate. Femme fatale, chronologie morcelée, ambiguïté et twist final : la hype se confirme avec Memento, film noir complexe et malin qu'il est encore difficile d'oublier aujourd'ui.

    Insomnia (2002)

    Commande de la Warner pour voir si elle pouvait lui confier la résurrection de Batman, Insomnia n'est pas le plus marquant des films de Nolan (il n'en a même pas signé le scénario, son frère non plus). Il réussit cependant un polar élégant dans lequel infusent certains de ses thèmes de prédilection et ou l'affrontement central, tout en nuances, préfigure celui entre Batman et le Joker.

    Batman Begins (2005)

    Christopher Nolan parvient à ressusciter Batman en lorgnant davantage sur le film noir et French Connection (pour la poursuite en voiture) que le genre super-héroïque. D'où une approche plus brute et réaliste, dans sa façon d'aborder l'immortalité de Ra's Al Ghul, et un personnage principal marqué par son absence de famille et qui peut basculer vers le côté obscur à tout moment. Michael Caine y fait ses premiers pas chez le réalisateur et n'en repartira plus, et la dernière scène fait hurler les fans de joie.

    Le Prestige (2006)

    Narration moins éclatée pour cet affrontement entre deux magiciens dans le film le plus méta de Christopher Nolan. Comme les personnages, le cinéaste réalise lui aussi un tour et se pose en spécialiste de la manipulation. Le tout avec un discours sur l'art et les sacrifices qu'il peut demander, alors que le twist final du Prestige rapproche davantage le metteur en scène de Borden que d'Angier à plus d'un titre.

    The Dark Knight (2008)

    Et Christopher Nolan entra dans le cercle fermé de ceux qui peuvent faire un blockbuster de façon personnelle. Influencé par Heat, il brouille les frontières entre le Bien et le Mal, entre Batman et le Joker. Cherchant le réalisme avant tout, il multiplie les morceaux de bravoure et perfectionne sa science du montage alterné avec The Dark Knight.

    Inception (2010)

    Le James Bond de Christopher Nolan. Un film noir sur fond de casse... dans l'univers des rêves et sur plusieurs niveaux. Le montage alterné y est aussi redoutable que les exercices de manipulation mentale, le making-of de la séquence du couloir tournant est aussi impressionnant que le passage en question sur l'écran, et un bout d'histoire de famille rend l'ensemble plus humain. Et cette toupie qui tourne, tourne...

    The Dark Knight Rises (2012)

    Nolan boucle sa trilogie sous forme de feu d'artifice, avec la notion du temps qui passe sur Bruce Wayne. Influencé par "Le Conte des deux villes" de Charles Dickens, il met un point final au récit avec un écho au climat de crise financière qui règne dans le monde et glisse progressivement vers l'humain qui se cache derrière le masque.

    Interstellar (2014)

    Le film le plus humain et émouvant de Christopher Nolan qui, derrière cette histoire de trous noirs, d'exploration et d'espace, et ce twist en forme de boucle temporelle, cache un homme qui doit laisser filer le temps et s'éloigner de sa famille pour lui permettre de survivre.

    Dunkerque (2017)

    Quand le temps devient le concept central d'un long métrage de Christopher Nolan qui nous fait (re)vivre un événement historique sous trois angles différents et autant de temporalités. Ou quand l'humain, le montage alterné et, donc, le temps, se rejoignent alors que, comme souvent chez le cinéaste, la notion de héros est discutée.

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