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    Huit films qui ont été privés de sortie en salle
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    A l'instar de "The Hunt" dont la sortie a été annulée dans le contexte post-tueries de Dayton et El Paso survenues en août 2019 et qui ont fait 30 morts, d'autres films sont passés à la trappe avant leurs sorties en salle, pour diverses raisons.

    The Hunt (2019)

    Attendu aux Etats-Unis fin septembre 2019, le film polémique The Hunt de Craig Zobel a vu sa sortie annulée par Universal, y compris en France, dans le contexte trop sensible post-tueries de Dayton et El Paso, qui ont fait 30 morts, en août 2019. Le film met en scène des individus se considérant comme faisant partie de l'élite du pays, qui kidnappent de pauvres ères et autres rednecks pour les chasser pour le sport... Une version moderne dirons-nous des Chasses du Comte Zaroff. Certains voyant une métaphore politique entre les Démocrates, assimilés aux élites, qui chasseraient les rednecks, assimilés aux Républicains... Le président Trump n'a d'ailleurs pas manqué de s'en prendre de façon bien commode au film, estimant "très dangereux de sortir ce genre de film dans le pays"... Un sujet explosif dans un contexte socio-politique qui ne l'est pas moins.

    Made in France (2016)

    Made in France ou le malheureux hasard d'une rencontre de calendrier entre la fiction et la tragique actualité. Initialement prévu pour sortir en salles le 18 novembre 2015 puis le 20 janvier 2016, le film de Nicolas Boukhrief a fini par sortir en France, mais uniquement sur les plates-formes VOD, fin janvier 2016. Avec la terrible série d'attentats djihadistes survenu le 13 novembre 2015 à Paris et qui ont fait 138 morts, cette histoire mettant en scène la fabriquation d'une cellule djihadiste justement chargée de semer le chaos dans Paris était tout simplement impossible à promouvoir et sortir en salle.

    Un jour de pluie à New York (2019)

    Début 2018, alors que Woody Allen était rattrapé par la vague du #MeToo et les accusations d'abus sexuels de sa fille adoptive Dylan, l'avis de tempête secouait aussi le géant Amazon, qui a produit Wonder Wheel et Un jour de pluie à New York, dernier film à ce jour du cinéaste, et déjà tourné depuis un moment. Le groupe s'interrogeait alors sur l'avenir de leur collaboration. La société envisageait en effet, selon le site Vulture qui rapportait l'information, soit d'annuler la sortie en salle d'Un jour de pluie à New York, soit d'en minimiser la sortie en se contentant de le rendre visible uniquement en VOD. Le cas Woody Allen était d'autant plus épineux pour Amazon que Roy Price, l'ancien directeur d'Amazon Studios, fut contraint à la démission après avoir été accusé de harcèlement sexuel par une productrice. Le groupe ayant finalement tranché en la faveur d'une annulation de la sortie du film aux Etats-Unis et donc de ne pas le distribuer, le cinéaste a alors attaqué pour rupture abusive de contrat. En août dernier, Woody Allen essuyait un lourd revers judiciaire, puisqu'une large partie de sa plainte a été retoquée par un juge New Yorkais. En France, la distribution du film a été assurée par Mars Films.

    I Love You Daddy ! (2017)

    Attendu aux Etats-Unis le 17 novembre 2017 (et en France le 27 décembre), le long métrage réalisé par Louis C.K., I Love You Daddy, n'est finalement pas sorti dans les salles américaines, ni même en France. Une décision qui suivait l'annulation de l'avant-première new-yorkaise du film, survenue à la dernière minute, avant que des accusations envers l'humoriste ne soient révélées par la presse. Un article du New York Times a en effet publié le témoignage de cinq femmes accusant Louis C.K. d'"inconduite sexuelle". Autant dire que dans le contexte particulièrement lourd de l'affaire Weinstein, la carrière du film a été tuée nette, tandis que l'intéressé fait profil bas depuis tout ce temps... Dans la foulée de ces révélations, la chaîne HBO avait d'ailleurs pris ses distances en annonçant que l'Américain n'apparaîtrait pas comme prévu dans l'émission Night of Too Many Stars et que les projets de l'artiste figurant sur les services à la demande de la chaîne étaient retirés.

    Le jour où le clown pleura (1972)

    Ce devait être un virage dans sa carrière d'acteur - réalisateur comique, l'après Docteur Jerry et Mister Love et autre Le Tombeur de ces dames. En 1972, Jerry Lewis -Joseph Levitch de son vrai nom- mettait en scène The Day the Clown cried; sans doute une des plus fameuses bobines "perdues" de l'histoire du cinéma. A des années lumières de ses films précédents, ce film devait être la poignante contribution de Lewis à l'Holocauste. Soit l'histoire d'un clown arrêté par la Gestapo pour s'être moqué de Hitler, et envoyé dans un camp de concentration pour prisonniers politiques. De là, il est expédié à Auschwitz, où il est chargé de distraire les enfants qui sont conduits dans les chambres à gaz. Avant de finir par les rejoindre, livrant ainsi sa dernière performance...Un pitch d'une noirceur absolue et puissant, très casse-gueule, si ce n'était justement le talent de Lewis pour maintenir l'équilibre de son film. Las, il n'a finalement jamais voulu que son film sorte. Début 2013, il justifiait ainsi son choix lors d'une rencontre avec le public : "en fait, j'étais profondément embarrassé par le sujet de mon film, j'en avais honte, je n'arrivais pas à trouver au fond de moi la justification nécessaire, pourquoi je faisais ce film. Peut-être que le résultat aurait été merveilleux, mais j'ai préféré arrêter". Décédé en 2017, Jerry Lewis a cédé les négatifs du film à la Bibliothèque du Congrès américain, à la condition de ne pas les dévoiler avant 10 ans. Il va falloir attendre 2025 pour espérer voir ces fameuses images...  

    Don's Plum (1995)

    Don's Plum, ou la mauvaise histoire d'un film de potes virant à la bataille rangée par avocats interposés... Tourné en 1995, le film mettait en scène un Leonardo DiCaprio encore jeunot et son acolyte Tobey Maguire. Une période antérieure aux succès de Titanic ou Spider-Man. Incarnant deux personnages pas franchement sympathiques, obsédés, violents et machos, au sein d'un groupe d'amis dînant au restaurant et refaisant le monde, les deux têtes d'affiche ont tout fait pour empêcher le film de sortir en salle, de peur que le public ne les confondent avec leurs personnages à l’écran et que cela entache leurs carrières respectives à venir. Ce que confirmera plus tard Tawd Beckman, le co-producteur de Don’s Plum. Le film a été néanmoins présenté dans une toute petite poignée de festivals des années plus tard dont la Berlinale, en 2001, où il avait reçu des critiques mitigées. Entre avril 1998, date d'un dépôt de plainte contre les deux acteurs par le producteur du film, Dale Wheatley, jusqu'à janvier 2016, où le même s'est vu notifier par les avocats des acteurs l'obligation de retirer le film qu'il avait mis en ligne pour être visionner gratuitement, c'est un combat judiciaire homérique qui s'est déroulé, et très bien raconté par Slate d'ailleurs. Toujours est-il que Don's plum est visible sur Youtube, si le coeur vous en dit.

    The Last Film Festival (2016)

    The Last Film Festival est le dernier film du grand Dennis Hopper, décédé en 2010 à l'âge de 74 ans. Réalisé par Linda Yellen, le film brodait une intrigue autour d'un obscur festival de cinéma représentant le dernier espoir du producteur d'un mauvais film. Epaulé par des comédiennes plutôt chevronnées comme Jacqueline Bisset ou Leelee Sobieski, l'oeuvre fut en réalité tournée en 2009. Mais ce n'est que sept ans plus tard que le film a pu être achevé, grâce à une levée de fonds faite par Crowdfunding... En plus d'une post-production à rallonge et chaotique, les projections-tests de The Last Film Festival furent catastrophiques, au point d'hypothéquer toute sortie de l'oeuvre en salle.

    City of Lies (2018)

    Fais-moi mal, Johnny... Réalisé par Brad Furman, City of Lies, porté par le duo Depp / Forest Whitaker, évoque l'histoire du policier Russell Poole, connu pour avoir tenté d'élucider le mystère de la mort des deux stars du rap 2Pac et Notorious B.I.G. En juillet 2018, on apprenait que Johnny Depp avait frappé un régisseur sur le tournage du film, du nom de Gregg Brooks. Près d’un mois après ces révélations, le distributeur a décidé d’annuler la sortie du film prévue pour le 7 septembre de la même année. Le régisseur avait déclaré que Johnny Depp l’avait poussé violemment alors qu’il venait l’informer que la journée de tournage touchait à sa fin. Le technicien a rapporté que le comédien semblait "ivre", et qu’il l’avait "frappé à deux reprises au niveau du thorax". Toujours selon les déclarations de Gregg Brooks, le comédien de 55 ans aurait ensuite hurlé : "Je te donne 100 000 dollars si tu me donnes un coup de poing en pleine figure". Suite à cet incident, il fut demandé à Gregg Brooks de signer un accord de confidentialité l’empêchant de parler de cet épisode. L’homme, qui a refusé de signer le document, a été renvoyé le lendemain. Le technicien a déposé plainte contre la société de production du film. Le 29 août 2018, la banque Leumi (une banque israélienne) porta plainte contre le distributeur, réclamant des millions de dollars pour garantie impayée en raison de l'annulation de la sortie du film. A date, City of Lies flotte toujours dans les limbes...

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