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    Rampage, génèse de la création d'un jeu culte
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Bien avant d'être l'objet d'un film Live mettant en scène un Dwayne Johnson plus bodybuildé que jamais, "Rampage" était un jeu vidéo d'arcade sorti en 1986. Retour sur la génèse d'un jeu culte.

    Pour la génération actuelle de gamers, c'est une référence qui ne lui parlera sans doute pas vraiment. Ou si peu. Pour les quadragénaires qui hantaient parfois les salles d'arcades dans les années 1980, l'évocation de son nom suffit à raviver la flamme nostalgique et magique. Développé par la société Bally / Midway d'abord sous forme de borne d'arcade en 1986, puis sur consoles ensuite, jouable à trois en simultané, Rampage proposait aux joueurs d'incarner des monstres gigantesques façon King Kong et Godzilla, tentant de survivre dans une ville contre l'armée.

    Les joueurs avaient en effet la possibilité de diriger trois types de monstres, tous créés à partir d'humains mutants : George, était un gorille revu à la sauce King Kong; Lizzie était un reptile proche cousin de Godzilla; tandis que Ralph était un loup-garou géant. L'objectif du jeu était de détruire tous les immeubles d'un quartier en résistant aux forces armées qui tentaient de s'interposer, que ce soit avec des hélicoptères, tanks, bateaux et soldats, et en faisant peu de cas des civils (les monstres peuvent manger les passants). Chaque niveau est réussi une fois le quartier réduit en ruines.

    Ci-dessous, un aperçu du jeu d'arcade. Extrait garanti 100% Vintage..

    Rampage, un jeu qui a failli ne jamais voir le jour

    Sorti en 1986, Rampage arrive dans une période particulièrement fragile pour les jeux vidéo, notamment ceux installés sur bornes d'arcade. Fin 1983 - début 1984, c'est en effet le terrible krach mondial qui frappe ce marché encore tout jeune, au point que l'on s'interroge sur sa survie. D'un marché en plein essor ayant rapporté la bagatelle de 12 milliards $, les revenus de celui-ci tombe à peine à 100 millions $ en 1985.

    Né en novembre 1956, Brian Colin, futur fameux designer de jeux vidéo, est pourtant rentré dans cette industrie plus ou moins par accident. Diplômé de la Southern Illinois University située à Carbondale, Colin s'était formé à l'animation et à la réalisation, comme le montre son court-métrage animé d'étudiant et plusieurs fois primé, In Search of a Plot. Il postule au sein de la société Bally / Midway, très réputée pour ses flippers, à un poste de créateur / développeur de jeux. Il pense alors travailler à la conception d'univers pour les jeux de flippers. Mais, en 1982, la société développe un nouveau département avec une équipe dédiée, chargée de conçevoir des jeux vidéo d'arcade. Ce qui leur manque avant tout, et que Brian Colin va leur apporter, c'est le talent d'un animateur. De 1982 à 1984, il travaille ainsi sur l'animation de plusieurs jeux : Kozmik Krooz'rSpy Hunter et Zwackery.

    En 1985, sa rencontre avec Jeff Nauman, programmeur qui sera le co-créateur du jeu Rampage avec lui, débouche sur la création d'un premier jeu commun du nom de Sarge. L'idée derrière Rampage germe au détour d'une discussion. "Nous revenions d'un salon, et je me disais : "pourquoi je ne pourrai pas travailler sur un truc plus gros ? Je voulais travailler sur de plus grands personnages dans le background des jeux, mais ils m'ont dit "non". En fait, il y avait tellement de choses que l'on ne pouvait pas faire..."

    Colin a beau être un animateur de talent, il y a une vraie contrainte / limite à son enthousiasme : celle de la technologie. Autant dire qu'animer le background d'un jeu vidéo ne constitue absolument pas une priorité, surtout si cela ne concerne pas le personnage contrôlé par le joueur. Colin se tourne ensuite vers un collègue animateur au sein de la société, Sharon Perry, et lui fait part de son envie de voir à l'écran des immeubles qui s'effondreraient. Pour Jeff Nauman, le programmeur, la seule animation faisable qui peut être programmée et lancée pour chaque niveau est celle où les immeubles s'effondrent. A partir de là, Brian Colin travaille en fonctionnant à rebours : maintenant qu'il a sa toile de fond, il peut se consacrer au personnage principal de son futur jeu. Et pourquoi pas un monstre géant qui grimperait comme King Kong sur un Building, avant de l'abattre d'un coup de poing ? Après quelques tests côté programmation par Nauman, Colin rédige un mémo adressé à la direction de Bally / Midway, pour tenter de la convaincre de développer ce jeu. La réponse tombe comme le couperet de la guillotine : c'est non.

    Quand Godzilla rencontre les trois caballeros

    Pour le tandem Colin / Nauman, la chance tourne de leur côté, lorsque l'équipe de direction de Bally / Midway change. Le nouveau Executive, Maury Ferchen, est plus ouvert à la discussion, laissant même entendre que sa porte est toujours ouverte en ce sens. "Devinez qui est allé frapper à sa porte dès le lendemain matin à 9h avec le game design du jeu en main ?" expliquait Colin. Il obtient effectivement le feu vert pour développer le jeu Rampage, qui sera même présenté plus tard et non sans humour avec une Catchline aussi étrange qu'improbable : "Quand Godzilla rencontre les trois caballeros". Au-delà de la référence au film de Disney, les trois caballeros sont surtout les trois joueurs qui peuvent profiter en simultané du jeu.

    RePlay

    Le jeu se révèle être un gros succès. "Nous l'avons testé et nous sommes fiers de pouvoir dire que Rampage casse des records" lâchait, enthousiaste, Steve Blattspieler, le directeur des ventes de Bally / Midway. "Avec ce jeu, la plupart des opérateurs retrouveront leurs investissements plus vite qu'aucun autre jeu vidéo de mémoire récente. [...]" Les joueurs vont à coup sûr passer beaucoup de temps sur le jeu, et de fait dépenseront plus. Pourquoi ? "Parce qu'ils veulent voir ce qui vient après, ou veulent continuer à jouer avec de meilleurs partenaires. Il y a 768 écrans différents dans le jeu, mais cela prendra beaucoup d'heures de jeu avant que même l'aficionado le plus expérimenté n'en vienne à bout". La publication spécialisée de l'époque, RePlay magazine (fondée en octobre 1975 !), estimait qu'un joueur moyen glissait sa pièce de 25 Cents toutes les 2 min 45 environ ! Pour Brian Colin, la Replay Value était énorme, outre son aspect multijoueurs collaboratif ou compétitif. "Dans tous les autres jeux, vous preniez trois coups et vous mourriez, alors qu'en tant que monstre, vous pouviez encaisser dans notre jeu 40 à 50 petits coups. D'un point de vue lucratif, ca s'est révélé travailler à notre avantage. Les joueurs se souciaient peu d'être touchés, parce qu'ils étaient aux commandes de ces monstres énormes".

    32 ans après avoir vu le jour, George, le primate géant, abat finalement ses gros poings sur grand écran, aux côtés de Dwayne Johnson. Vu le postulat de départ du jeu, il ne devrait pas être très difficile de faire du film de Brad Peyton une adaptation fidèle au jeu de 1986. Mais est-ce pour autant un bon film ? A vous d'y répondre dès ce mercredi dans les salles.

     

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