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Pascal
119 abonnés
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4,0
Publiée le 11 octobre 2022
William Wyler, n'a pas la même réputation dans l'hexagone et outre Atlantique. Woody Allen en fait son cineaste nord américain préféré et Wyler est de ses collègues le plus titré aux oscars de l'histoire.
On précisera que si Wyler est bien né en Alsace, il faut ajouter que ce fût de parents suisse et lorsque cette région appartenait à l'Allemagne.
" rue sans issue" (1937) est tiré d'une pièce adaptée par Lilian Helman ( compagne de l'auteur de roman noir de référence,Dashiell Hammet).
La vision sociale de Helman est bien connue et il faut reconnaître que ce film noir est avant tout une critique d'une société qui affirme fautivement laisser sa chance à chacun de ses membres. En réalité, nous dit Helman, il est presque impossible d'échapper à sa classe sociale.
Selon la documentation, le film fit beaucoup de bruit à sa sortie dans la patrie du libéralisme économique et on le comprend.
A côté de ses points forts ( scénario et dialogues), on peut regretter quelques faiblesses notables et il faut bien l'avouer dommageable, à l'impression d'ensemble éprouvée par le spectateur à la fin de la projection.
Les décors et la photographie ne sont vraiment pas à la hauteur surtout dans les 45 premières minutes et nuisent à l'adhésion totale à cet opus de Wyler.
La seconde partie est très nettement plus réussie que la première, grâce notamment à son casting de premier ordre qui prend alors toute son ampleur.
Sylvia Sydney actrice majeure du cinéma hollywoodien des années 30-40, connue pour ses rôles de fille du peuple frappée par le malheur, mais gardant une rectitude morale est ici dans son registre.
Bogart est convaincant dans un rôle de méchant antipathique, tandis que Joel Mac Crea ( acteur de gabarit imposant, au visage et à l'expression trop figés pour en faire une super star) qui se spécialisera pendant la décennie suivante dans le western, produit une des meilleures prestations de sa filmographie.
Les amateurs de la filmographie du réalisateur ne manqueront pas ce film plastiquement imparfait mais porté par un sujet très fort qui le rapproche de certains films futurs de Elia Kazan ( " sur les quais" par exemple), certes beaucoup plus accomplis.
En voyant " rue sans issue" on ne peut s'empêcher de penser que la bande de jeunes délinquants décrite par Wyler, fut une source d'inspiration pour Sergio Leone dans son dernier opus " il était une fois en Amérique " avec notamment la bande de "noodle".
Film de gangster oui, mais atypique, plus près du ton des romans de Kenji Nakagami que des films noirs américains. Le ténébreux Bogart qui tente de s'accrocher aux bribes de son passé, image possible et désabusée du futur de ces gosses des rues dont on suit les errements cède la vedette au couple qui essaye de sortir de ce quartier sans avenir. C'est dans la description de cette vie de tous les jours dans un quartier misérable, avec les riches obligés de côtoyer les miséreux mais s'efforçant de ne pas les voir, retranchés dans leurs résidences aux allures de chateau-fort, dans les enfants des rues s'efforçant de s'occuper comme ils le peuvent, souvent au détriment des autres, que réside le propos du film. Plus qu'un film noir, c'est une fresque des bas-fonds, une peinture d'une communauté fermée cherchant à élargir son triste horizon. Une tragédie donc, mais une tragédie de tous les jours, de celle qui se joue en bas de chez nous sans qu'on daigne même le remarquer.