Un budget colossal pour un spectacle esthétiquement fabuleux. De gros efforts ont été consentis pour la reconstitution historique, à grand renfort d’or et de jade. Les décors, leur immensité et les costumes donnent de la couleur, et reflètent l’opulence dans laquelle vit l’Empereur et sa famille, protégés par l’armée royale (signe extérieur de puissance de l’empire chinois), et entourés de geishas sur qui les sous-vêtements Wonderbra n’auraient eu aucun avenir. Pour le reste… comment dire ? C’est lent, c’est mou, en somme l’histoire peine à se dessiner, à condition qu'une petite sieste impromptue ne se soit pas invitée à la fête. Même le premier fait d’armes est filmé au ralenti. Il est vrai que ce procédé permet de détailler certains gestes, mais quand il est utilisé de façon abusive, ça tue dans l’œuf le peu d’énergie qu’il aurait pu y avoir. De l’énergie, on ne peut pas dire que les deux acteurs principaux en sont avares pour interpréter leur personnage respectif. Ainsi Chow Yun-Fat endosse le rôle d’un empereur froid, implacable, et parvenant à ses fins, quitte à utiliser les grands moyens, même les plus inavouables. Gong Li lui donne parfaitement la réplique à travers un scénario qui pourrait se résumer à "la-vengeance-d-une-brune-dans-une-mystérieuse-cité-d-or". Car l’histoire, qui n’a toutefois rien à voir avec les cités incas, est forte, grave, profonde et très intéressante grâce à son lot de coups de théâtre fort bien amenés. Mais au final, avec cette musique clinquante (dont certains thèmes sont magnifiques), et avec une mise en scène très théâtrale, on a davantage la sensation d’assister à une tragédie gréco-romaine à la sauce chinoise, ce qui finit par devenir pesant. Pour couronner le tout, l’histoire est presque reléguée au second plan par le faste des décors et des costumes. Il n’empêche que la bataille finale est superbe de maîtrise, impressionnante à souhait, et reste tout à fait crédible. Quelques écueils n’ont pas pour autant été évités
: les recommandations de ne pas blesser le prince sont largement données, et pourtant les troupes du prince subissent un véritable ouragan de lances et de flèches, comme si les projectiles allaient choisir leur victime… Et puis on remarquera aussi que lors de la fuite à cheval de Chan (interprétée par Man Li, la seule à apporter un peu de fraîcheur et de légèreté), la fille du médecin impérial, le fond d’écran est immobile alors que la monture est au triple galop
. Ces écueils sont également d’ordre anachronique : les personnages sont fictifs, même si la dynastie Tang a réellement existé… jusqu’en l’an 907 ; sans compter que cette fameuse Cité interdite a été bâtie en réalité au XVème siècle… Je rappelle que la date qui est donnée au spectateur est l’an 928… Loin d’être un film historique, "La cité interdite" est un drame indéniablement spectaculaire, au cours duquel un relatif ennui risque de prendre le dessus.