A perfect day : les secrets du tournage

Le duo de réalisateurs résume A perfect day : "Pour nous, ce film est politique car il tente de battre en brêche les représentations dominantes autour du monde arabe. Il est l'expression de notre présent, de nos tentatives de vivre ici et maintenant. La scène artistique, intellectuelle, musicale et cinématographique à Beyrouth est en pleine effervescence. Beyrouth est un centre, un lieu de rencontres extraordinaires, de réflexions sur le terrain. Les problèmes thématiques qui nous sont posés font corps avec une recherche formelle de plus en plus exigeante, sans complaisance. La forme, la recherche esthétique est, à Beyrouth, éminemment contemporaine, totalement politique."

Le projet A perfect day, qui aborde le thème des disparus, est en parti né de l'expérience vécue par le coréalisateur Khalil Joreige. Le 18 août 1985, durant la guerre civile libanaise qui a officiellement duré de 1975 à 1990, l'oncle de Khalil disparaît. Kidnappé, il est toujours porté disparu aujourd'hui sans aucune certitude quant à son sort. L'oncle de Khalil fait partie de ces 17000 personnes qui ont disparu à Beyrouth durant la guerre. (...) La disparition entraîne une immobilisation et un gel de tous les avoirs dans l'attente d'un hypothétique retour du disparu (compte en banque, bail, propriété) et selon la loi, il revient aux familles de prendre la responsabilité de déclarer le disparu mort. Une décision difficile à prendre et à vivre. Comment faire son deuil dans cette situation ? Que faire de ces corps absents ? Ils reviennent nous hanter. La disparition ne s'exténue pas, c'est un abyme, un gouffre qui ouvre le champ des possibles."

Les réalisateurs expliquant la signification du titre A perfect day : "Ce titre introduit la sensation d'une unité de temps, l'idée de l'instant. Cette chronique du quotidien, en une journée, engendre une certaine urgence, crée une tension dans le film, permet un certain rapport à la narration. C'est le jour avant l'événement, c'est à dire que nous sommes à la veille de la déclaration du décès du disparu."

La ville de Beyrouth est l'un des personnages centraux de A perfect day. Les réalisateurs Joana Hadjithomas et Khalil Joreige expliquent : "Nous avons longtemps réfléchi aussi bien dans notre travail de plasticien que dans nos films sur les modalités de la représentation de la ville. (...) Impossible à réduire à une image, Beyrouth échappe aux définitions, n'en finit pas d'exister, nous fait exister. On n'en tient jamais qu'un fragment qui renvoie à notre propre regard."