Vous rêvez de partir aux Etats-Unis ? Vous souhaitez vivre dans une paisible petite ville aux maisons abordables avec leur pelouse impeccablement entretenue ? Vous aimeriez bien y fonder une famille ? Et bien ce paradis existe bel et bien : Suburbicon est fait pour vous ! Sixième réalisation de George Clooney basée sur un scénario des ses grands amis les frères Coen, "Bienvenue à Suburbicon" est un polar déjanté/comédie noire qui nous permet de passer un bon moment. Dès son postulat de base, le métrage nous prend à revers : le récit prend place dans les années 50, au cœur d’une zone pavillonnaire qui se retrouve perturbée par l’arrivée d’une famille afro-américaine. On pourrait alors penser que le thème central du film sera la méfiance xénophobe de la populace qui l'amènera à la violence ; mais que nenni : cette tension raciste n’est en fait que le contexte dans lequel se tisse la véritable intrigue principale du métrage. En effet, toute l’intelligence du film de Mister Nespresso repose dans le paradoxe d’imaginer qu'une entreprise criminelle passe inaperçu à côté de cette manifestation raciste contre une minorité innocente. La satire, même si elle n’est pas d’une grande finesse, n’en reste pas moins d'actualité même de nos jours. Sous une apparente tranquillité se cache une réalité tout autre faite de mensonges, de trahisons, de duperies et de violences...un portrait du rêve américain sacrément passé au vitriol !! Mais, au delà du scénario écrit par leurs soins, on retrouve la patte des frères Cohen partout dans le film : ayant tourné avec eux quatre fois par le passé, Clooney leur rend hommage en utilisant leurs gimmicks de réalisations, leur passion pour l'humour morbide (la maladresse involontaire des personnages principaux et secondaires lors des scènes les plus violentes permet de générer des passages décalés dont le burlesque ne pourra que nous faire sourire !) ainsi que leur tendance à illustrer leurs propos à travers des personnages paumés. Et au niveau des personnages, on est servi : l’adorable Matt Damon joue vraiment très bien les sales types en incarnant un Gardner Lodge si pathétique qu’on finit par le trouver presque attachant ; Julianne Moore dans un double rôle de sœurs jumelles parvient à insuffler un peu de grâce et d'esplièglerie à une atmosphère fort pesante ; Glenn Fleshler est irrésistible en tueur bedonnant et sadique ; quand à Oscar Isaac, il est tout simplement délicieux en donnant vie au personnage le plus sympathique du film, un détective moustachu spécialisé dans les arnaques à l'assurance ! Et au milieu de toutes ces tronches sombres, un petit garçon (impeccacle Noah Jupe) assiste à toute l'intrigue aux travers de ses yeux naïfs, renforçant le peu d’antipathie que nous pouvons avoir pour les autres personnages ; d'autant plus que, pour Clooney, l’histoire est finalement celle d’un enfant qui comprend que le rêve américain est un mensonge (même si je pense que, pour les frères Coen, il s'agit plutôt de l’histoire d’un enfant qui comprend que son père est un sale con doublé d'une belle ordure !) Thriller certes imparfait (son rythme lent pourra en déconcerter plus d'un), "Bienvenue à Suburbicon" est un bon film à l’univers visuel dérangeant mais surtout porteur d’un message politique fort puisqu’il nous rappelle que la bêtise et l’hypocrisie qui sévissait déjà l’Amérique dans les années 50 sont plus que jamais d’actualité aujourd'hui sous la présidence de Monsieur Trump. Même si, au final, l’ensemble est un peu prévisible, ce « plan simple » se transforme rapidement en un jeu de massacre assez plaisant à suivre. Si vous aimez l'univers des Frères Cohen et les scénarios décalés, le nouveau film de George Clooney est fait pour vous !