Dans le jargon de la lutte, un “half nelson” est une prise qui immobilise l’adversaire, au point qu’il lui est presque impossible de s’en dégager. En choisissant un tel titre, Ryan Fleck rend donc métaphoriquement compte de la situation dans laquelle se retrouve placé son anti-héros dès les premières bobines. Prof dans un lycée de Brooklyn, Dan Dunne enseigne l’histoire à des élèves en difficulté, avec une coolitude et une sociabilité qui cachent bien la déprime et le désespoir caractérisant sa vie privée, qui se délitère un peu plus avec le temps. Occultant son mal-être grâce à la drogue, il commet un jour l’erreur de fumer du crack dans les toilettes de l’établissement, où il est surpris par l’une de ses élèves, Drey (Shareeka Epps, véritable révélation du film). Un épisode fâcheux qui, au lieu de lui valoir un aller simple pour le chômage, va pousser le jeune homme à s’occuper d’elle, puis de lui-même, et, finalement le mener sur la voie de la rédemption. Ou vers une amélioration, dirons-nous, puisque, entre rechutes et désillusions, sa guérison ne sera ni facile, ni totale.
Avec le changement comme thème central de son deuxième film (même s’il est parfois souligné de façon un peu trop ostensible), Ryan Fleck filme donc ces deux êtres en difficulté face à la mort de leurs idéaux, avec une caméra portée et tremblotante, parfait reflet de la fragilité et de l’incertitude qui caractérisent leurs existences. Mais la plus grande force de “Half Nelson” n’est pas là, et tient en deux mots : Ryan Gosling. Déjà impeccable face à Anthony Hopkins dans “La Faille”, il élève encore son niveau de jeu d’un cran, et prend à bras-le corps ce rôle difficile, avec un naturel époustouflant, loin de la “performance d’acteur” comme celle de Forest Whitaker, lauréat de l’Oscar à sa place.
Sortant au milieu de l’été et sur un petit nombre de copies, “Half Nelson” risque hélas de passer inaperçu, immobilisé entre deux blockbusters. N’hésitez donc pas à le chercher pour l’en débloquer.