Il est toujours délicat de s'attaquer à un sujet aussi sensible que la guerre, surtout lorsque celle ci prend la forme d'un conflit interne virulent, aux injustices et immondices multiples et que beaucoup aimeraient malgré eux effacer de leurs mémoires. C'est certainement le cas de la Guerre d'Irlande, célèbre qui opposa pendant des dizaines d'années Anglais et Irlandais, ces derniers revendiquant leur indépendance vis à vis de l'empire britannique, inlassable tyran aux manières un peu rudes, responsable de la mort de milliers d'irlandais lambda, de résistants aussi. "Le vent se lève" nous propulse dans ce champ de bataille verdoyant et humide, auprès d'une petite troupe de résistants irlandais dont le jeune Damien va rapidement faire partie. Commence alors une sorte d’initiation crue et douloureuse vers la maturité, l'engagement et la détermination à protéger les siens, sa famille, son peuple, des griffes de l'armée Britannique. S'entremêle dans cette quête de la liberté une discrète mais touchante histoire d'amour, d'amitié et, surtout, de relations fraternelles, houleuses et gonflées de regrets, d'hésitations. Profondément psychologique, le film de Ken Loach sait choquer le spectateur tout en finesse, étayant ses funestes fusillades par une mise en scène originale. La caméra, intuitive et peu démonstrative, épouse parfaitement les magnifiques paysages d'Irlande et ses modestes mais accueillantes maisons, le tout froidement contre balancé par des séquences éprouvantes, dans lesquels l'Homme traite son prochain avec haine et vice. Ces désolantes scènes d'humiliation et d'arrestations infondées méritent toutefois de figurer dans ce film engagé mais humble.
Les interprétations sont remarquables, particulièrement et naturellement celle du plus si jeune Cillian Murphy, expressif et très investi dans son rôle. De façon générale, la poignée de personnages articulant le plus gros de l’œuvre dégagent une empathie forte, amplifiée par les atroces instants de torture et d’exécution. La dimension politique n'est pas de reste, très bien incorporée dans des débats musclés, loin d'être écrasante. L'évolution de l'intrigue est simple et remarquable à la fois, laissant peu à peu place à d'insolvables querelles intestines, à des relations familiales fragiles. Le mot de fin est bien sur celui de la tristesse, de la rancœur et de l'injustice, à travers un dernier plan particulièrement riche émotionnellement, qui en dit long sur les accords politiques vérolés et foireux qu'on proposé les Anglais au peuple Irlandais.
La palme d'Or est amplement méritée pour cette brillante reconstruction histoire d'entre guerre, tragique et dépouillée de toute surenchère et exagération. 16.5/20