Le Mas des Allouettes : les secrets du tournage

Paolo et Vittorio Taviani voulaient raconter l'histoire du massacre arménien pour rendre un hommage aux victimes mais aussi à un pan de l'Histoire qu'ils ne connaissaient pas. "Ce film est né d'un sentiment de culpabilité. Il y a trois ans, presque par hasard, nous avons découvert la tragédie arménienne..." expliquent-ils. Un sentiment que l'actrice Paz Vega reconnaît dans sa propre participation au Mas des alouettes : "Un film ne change pas les destins du monde, je le sais, mais il peut contribuer à faire ouvrir les yeux, à déplacer les consciences. Chaque jour se produisent des massacres dans le désintéressement général. Même moi, avant de lire le scénario, je savais peu de choses du génocide arménien, à école on ne t'enseigne rien."

Le Mas des alouettes est aussi l'histoire de toutes les luttes intestines à travers les peuples et les âges. Des luttes fraternelles que les deux frères ont souhaité mettre en lumière : "Depuis un certain temps, nous ressentions le besoin de traiter, par notre cinéma, ce thème qui est probablement la tragédie la plus sombre de notre temps. Ces massacres entre peuples frères, entre ethnies vivant côte à côte, en Serbie, au Kosovo, sur des territoires dont seule une bande d'eau nous sépare, mais aussi en Afrique, en Asie..."

Même forte, l'envie de traiter d'un thème aussi grave ne fut pas chose aisée pour les deux réalisateurs italiens. Ils restèrent longtemps sans savoir comment aborder une histoire aussi douloureuse. C'est en lisant Skylark Farm, le roman quasi autobiographique d'Antonia Arslan, qu'ils trouvent finalement le terreau de leur futur film. "C'est un roman tout autant qu'un document historique. Pour nous, il représente le point de jonction entre les événements du passé et ceux d'aujourd'hui."

Pour les frères Taviani, il s'agissait de raconter le génocide arménien, mais surtout de le faire par le prisme de caractères attachants : "Nous voulions surtout suivre des personnages face à leur destin unique et ensuite les projeter dans le cadre plus grand d'un événement collectif, qui se révèle aujourd'hui dans toute son horreur mais rend ses racines dans le passé."

Après de nombreuses oeuvres réalisées à destination de la télévision, Le Mas des alouettes marque un retour aux origines pour les deux frères. Empreint de révolte et de violence, le film est l'un des plus puissants depuis leur classique, La Nuit de San Lorenzo .

Les frères Paolo Taviani et Vittorio Taviani tiennent de leur père antifasciste une profonde conscience politique. Ainsi, ils ont fréquemment imprégné leurs films d'une forme de militantisme ou de révolte contre la tradition ou l'injustice. Un homme a brûler, leur premier long-métrage, évoque la lutte d'un homme seul contre les abus de la mafia. Dans un cadre plus intimiste, Padre Padrone raconte le rapport de force qu'un père excerce sur sa famille.

Pour les réalisateurs, il était primordial que les acteurs viennent d'univers différents, afin que le film montre un visage pluri-ethnique : "Ce sont des Italiens, des Espagnols, des Français, des Allemands... et de ce fait, malheureusement, nous n'avons pas pu tourner en son direct — cela, nous le savions depuis le début. Cependant, c'était un sacrifice délibéré : c'est en Europe que nous voulions choisir les visages, les personnalités qui correspondraient le mieux au projet que nous portions au moment où nous écrivions le film. Après tout, notre pays, aujourd'hui, n'est-ce pas l'Europe ?"

Pour l'actrice Paz Vega, jouer dans le film fut aussi difficile que révélateur :"En tournant les scènes de l'exode, je me suis retrouvée en pleurs, c'était un peu comme revivre les souffrances indicibles de ce peuple. Une expérience vraiment unique".

Après Un Long dimanche de fiançailles, les acteurs Tchéky Karyo et André Dussollier se retrouvent dans un film mêlant fiction et histoire.

En 2002, Atom Egoyan a lui-même réalisé Ararat. Presque quatre-vingt dix ans après les faits, ce film raconte l'histoire des Turques et des Arméniens et provoque, avant même sa sortie en salle, un tonnerre de réactions au sein de la communauté turque.