Délivrez-nous du mal : les secrets du tournage

Journaliste pour CBS et CNN, Amy Berg connaît bien le milieu de l'Eglise et pédophiles puisqu'elle a déjà produit plusieurs documentaires sur des scandales au sein de l'archidiocèse de Los Angeles. Elle a enquêté en tout sur plus de 550 cas avant de se pencher plus particulièrement sur celui d'Oliver O'Grady. Délivrez-nous du mal est son premier documentaire destiné au cinéma.

La réalisatrice a pu rentrer en contact avec O'Grady grâce à un numéro de téléphone que lui avait fourni un enquêteur. Elle l'a alors convaincu de témoigner. Sa rencontre fut malgré tout une expérience éprouvante : "Je suis allée à Dublin pour l'interviewer, cela a duré une dizaine de jours, raconte-t-elle. J'ai entendu des choses très difficiles qui me donnaient la nausée. Ce fut une expérience très perturbante. O'Grady était complètement déconnecté du mal qu'il avait fait aux enfants. Il ne se souvenait plus de tous les faits et dans certains cas, il n'était même pas sûr d'avoir commis quelque chose de mal. J'ai été extrêmement surprise de découvrir un homme d'apparence modeste et plutôt doux. J'ai alors compris pourquoi tant de parents ne l'avaient jamais soupçonné de quoi que ce soit. Je voulais montrer ce qui a été dissimulé pendant si longtemps et O'Grady m'a fourni les informations que je cherchais."

Amy Berg tente d'expliquer pourquoi O'Grady a finalement décidé de parler : "Je crois qu'il a vécu en gardant cette histoire pour lui pendant des années, et que cela a fini par le ronger de l'intérieur. Il était prêt à redevenir "sain" parce qu'il pensait qu'il pourrait aller de l'avant dans sa vie par la suite. Etant prêtre, il était habitué au confessionnal et je crois que cela a influencé sa démarche."

Pour rentrer en contact avec les victimes, la réalisatrice a travaillé avec le réseau SNAP (Survivor Network for those abused by priests), un groupe national de soutien aux victimes d'abus sexuels perpétrés par des prêtres, qui est devenu un pivot de son film. "J'ai rencontré dans ce groupe plusieurs des anciennes victimes de O'Grady, explique-t-elle. Au début, elles n'avaient pas confiance en moi car j'avais passé plusieurs jours avec lui. Mais elles ont vite compris le sens de mon travail, qui était de dénoncer les carences au sein du système, les causes de ces drames récurrents."

Suite au documentaire, plusieurs intervenants et victimes qui se sont confiés ont finalement décidé de changer de métiers et s'occupent désormais de personnages ayant aussi subit ce genre de sévices. Quant à Oliver O'Grady, il a du déménager plusieurs fois, sa maison ayant été vandalisée.

Aujourd'hui, Oliver O'Grady vit librement en Irlande. Le Cardinal Mahony est toujours en fonction, il rejette toute sa responsabilité dans les affaires de pédophilie qui se sont déroulées dans son diocèse. Depuis 1950, les crimes sexuels ont coûté à l'Eglise plus d'un milliard de dollars en frais juridiques et indemnisation.