J'avais des réticences à aller voir ce septième opus de la collaboration d'Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri, la faute à une bande-annonce peu attractive, à une critique pour le moins mitigée, et surtout à cette impression grandissante de remonter dans le temps chaque fois que je vais voir un film français ; mais bon, "Obscénité et Vertu" ou "Love Gourou", on ne peut pas dire que j'ai vraiment le choix (Jessica, pardonne-moi !)
Le début du film a confirmé mes craintes : l'histoire se présente plus comme un empilement de situations caricaturales, voire vaudevillesques et sans grands enjeux (Florence en veut à Agathe qui agace Karim qui reproche son attitude à Florence qui ne supporte plus la gentillesse de Stéphane qui lit Kierkegaard et qui sort avec Michel (Florence, pas Kiekegaard) qui ne sait pas comment intéresser son ado de fils...) que comme une intrigue cohérente, freinée qui plus est par un montage au rythme paresseux.
Heureusement, le dernier tiers du film redonne un peu de sens à l'ensemble, des passerelles s'établissent enfin entre les diverses sous-intrigues et on retrouve l'ironie douce-amère au limite du burlesque (l'interview perturbée par les bêlements des moutons que Michel n'arrive pas à chasser : "J'ai zéro autorité sur ces moutons", la diatribe antieuropéenne des deux paysans échappés de "Délivrance" qui recueillent le trio...).
Jamel Debbouze explique : "J'aime la manière dont Agnès et Jean-Pierre traitent l'humiliation ordinaire, ce mal du XIX° siècle : en s'arrêtant au détail parce que le diable est dans le détail", et c'est vrai qu'il s'agit là de la force du film : la condescendance paternaliste et néocolonialiste d'Agathe et de sa soeur pour Mimouna (formidablement jouée par une comédienne non professionnelle), la remarque d'Agathe sur Karim : "Il est pas bête, en fait", qui la définit ainsi en retour : "Comme militante, elle est sympa".
Même s'il continue à émarger dans le registre du bougon atrabilaire, Jean-Pierre Bacri glisse une naïveté enfantine dans son personnage de réalisateur dont l'unique heure de gloire a été un documentaire sur la corrida vue du point de vue du taureau. Jamel Debbouze, qui définit son personnage comme son premier rôle adulte, s'en sort bien, aidé par des dialogues écrits par deux personnes qui le connaissent très bien et ont su intégrer son sens de la formule.
Davantage construit sur un enchaînement de bons mots que sur une trame captivante, "Parlez-moi de la pluie" souffre d'une indolence et d'une impression de déjà vu propre au cinéma français contemporain ; il se regarde sans déplaisir, mais ira vite se ranger dans un recoin de la mémoire au milieu d'un paquet de films qui lui ressemblent.
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