Je l'avais déjà vu, mais j'en avais très peu de souvenirs. Ce film est un chef d'oeuvre, point barre à la ligne fermez les guillemets. Ne pas lire si vous n'avez pas vu le film, ça serait suicidaire.
Spoilers dans the critique.
Certains disent que revoir le film sans s'ennuyer est inconcevable, tant l'intérêt de l'oeuvre réside dans son twist-ending. C'est un raccourci trop facile à emprunter, et Usual Suspects a de nombreuses autres qualités inaltérables : mise en scène, interprétation, scénario. C'est aussi simple que cela, le film excelle dans tous les domaines. Il y a une atmosphère d'inconnu dans Usual Suspects, un mystère qui imprègne totalement l'oeuvre, que le mythe de Kayser Söze provoque d'un bout à l'autre. On est constamment dans l'ignorance, et quand bien même on apprend une information importante, un autre mystère et d'autres questions apparaissent immédiatement. Le scénario est un modèle du genre, faisant se succéder les missions et autres sous-intrigues de manière tout à fait fluide, alternant les époques et les points de vue d'une manière à la fois simple et complexe. C'est tortueux, mais pas gratuit, ni trop alambiqué pour qu'on soit totalement paumé. Un peu à l'image de la mise en scène d'ailleurs, puisque Brian Synger sait se montrer sobre comme plus enclin à donner de la rigueur à son film, complexifier le tout par le biais de mouvements de caméra ou d'un montage efficace. Usual Suspects est un polar incroyablement solide, ponctué par quelques séquences oppressantes et à la tension maximale.
Bien sûr ce qui intéresse le plus dans le film, c'est le coup diabolique mené par qui on sait. Révélation finale ahurissante donc, scotchant plus d'un spectateur à son siège. Mais pas que.
Usual Suspects est aussi un film sur le cinéma puisque pendant la majorité de sa durée on nous raconte une histoire qui finalement n'est pas vraie, créée entre autres façons par des noms et autres mots vus ici et là ( l'inspiration de Verbal ). McQuarrie ne fait que dire combien le cinéma - ou la fiction disons - est monumental dans sa manière magique de créer l'illusion qui trompera le spectateur. Verbal est donc une sorte d'alter ego du réalisateur - ou du scénariste, premier raconteur de l'histoire.
La force de l'art de la narration est immense puisque, comme le dit le film, celui qui raconte est celui qui a le pouvoir.
Raconter une histoire - et bien la raconter bien sûr - c'est être tout en haut, posséder des capacités démiurgiques. Raconter c'est donc s'extirper du commun des mortels et devenir soit le Diable comme KS ( Söze/Spacey )
, soit un dieu. Il est aussi intéressant de noter que certains passages sont très malins de par leur maladresse. C'est peut-être une surinterprétation de ma part, mais il y a une scène où Keaton quitte sa femme, et c'est assez cul-cul. On se dit à ce moment que l'écriture faiblit un peu. Mais le flash-back s'arrête et on a la réaction du flic à ce que vient de raconter Kint, il trouve ça plutôt niais. Le spectateur qui découvre le film ne peut évidemment pas se poser de questions, mais quand on le revoit, on se dit que c'est très brillant, et qu'en fait la niaiserie n'est bien sûr pas une erreur de McQuarrie, sinon de Kint lui-même. Mais elle est volontaire - Söze est trop " malin " pour ça - et n'est là que pour provoquer une réaction de l'auditoire. Cette scène, ce ton employé, ne sont qu'une manière pour Kint de piéger davantage son public puisque ce dernier s'implique totalement en émettant un jugement direct sur ce qui vient de se dérouler.
Bon il y aurait tellement à dire sur ce film, je m'arrête là pour cette fois-ci
Chef d'oeuvre incontournable du cinéma, porté par un casting hallucinant en haut duquel trône Kevin Spacey, modèle de narration et de mise en scène, Usual Suspects est un sommet dans l'histoire du septième art, qu'il faut voir et revoir...
Le plus grand coup qu'un film puisse faire, c'est de nous faire penser que tout ce qu'on y voit est vrai. Et nous, comme ça, on y croit.