Avis sur Le Peuple accuse O'Hara

Un peu complexe, ce que la fin confirmera et un peu long parfois, ce film noir est cependant passionnant. Spencer Tracy y tient un rôle majeur et le couple qu’il constitue avec sa fille reste dans les mémoires pour sa rareté et sa justesse. L’intrigue fait intervenir trop de personnages que l’on n’a pas le temps d’approfondir et le suspect numéro 1 : O’Hara, qui n’est pas sans défauts, il va trop loin dans ses cachoteries pour que l’histoire soit prise totalement au sérieux. Il y a là, une faute psychologique qui affaiblit le scénario. Rien à dire sur la mise en scène et sur le suspense qui atteint des sommets dans les dix dernières minutes grâce aux trouvailles visuelles et sonores. Décidemment John Sturges aura réussi quasiment tous ses films et n’est pas à la place qu’il mérite dans les genres qu’il affectionne, faute à un certain parti pris des critiques de sa génération… Un peu comme Henri Verneuil en France.

Il a été de bon ton de comparer défavorablement le talent de John Sturges avec celui de son homonyme Preston, même si ce dernier a essentiellement tâté de la comédie. Sans être un fan absolu du cinéaste, force est de constater qu'il livre ici une œuvre de bonne valeur, si l'on excepte la grosse invraisemblance spoiler: du chèque de Curtayne (Tracy) au témoin (Flippen).

Quelques belles scènes et beaux cadrages : Sven Norson, tapi dans le fond du bar comme dans une caverne, les allers-retours entre la salle d'audience et le domicile des Curtayne, les uns relayant les autres.
On peut aussi légitimement se poser la question du choix du patronyme du personnage principal: phonétiquement 'Curtain'. L'avocat n'est-il pas, à l'instar du détective, celui qui cherche derrière le rideau?
Pas de fausse note pour l'interprétation, il faut dire qu'avec Spencer Tracy, on est rarement déçu. Les autres acteurs sont à l'avenant. John Hodiak est une bonne surprise et Diana Lynn, qui possède ici de curieux faux-airs de Gloria Grahame, se sort bien de son rôle de fille protectrice.
Mérite le détour.